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Rubrique A fonds perdus

Les plates-formes de tous les dangers

La lecture des bonnes feuilles du livre de Roger McNamee, Zucked : Waking Up to the Facebook Catastrophe, paru chez Penguin Press, cette année 2019 ne laisse planer aucun doute sur la gravité de la chose et invite à «se réveiller à la catastrophe» qui s’annonce — comme suggéré par le titre : «Facebook est une menace pour la démocratie — et les Etats-Unis ont la responsabilité de la contenir.»(*)
«Facebook et Google ont échoué à s'autoréguler. Si nous voulons éviter un avenir autoritaire, nous devons réduire l’impact des plates-formes internet», plaide encore Roger McNamee.
Ce qui est en cause ici c’est la mauvaise exploitation des algorithmes et le modèle économique de Facebook «pour nuire à des innocents». Ses victimes sont nombreuses : la démocratie, la santé publique, la vie privée et la concurrence ; elles vivent sous tous les cieux : «Dans tous les pays dotés d'un accès à internet, les plates-formes ont transformé la société en pire. Nous menons une expérience évolutive incontrôlée et les résultats obtenus jusqu'à présent sont terrifiants. En tant que citoyens et usagers, nous n'étions pas préparés à la tourmente sociale et au tumulte politique provoqués par les plates-formes et les réseaux internet. Ils sont apparus si rapidement et leur influence sur la personne et le commerce s'est étendue si rapidement qu'ils ont submergé les institutions culturelles, politiques et juridiques.»
Reprenant à son compte les conclusions du livre de Timothy Snyder, professeur d’histoire de l’Europe de l’Est à Yale, The Road to Unfreedom (Le chemin de la non-liberté), McNamee soutient que «le monde somnole dans une ère autoritaire».
Dans un autre ouvrage De la tyrannie. Vingt leçons du XXe siècle, traduit et paru chez Gallimard, NRF, en 2017, Snyder met en garde, à l’heure d’internet, contre les fake news : «Abandonner les faits, c’est abandonner la liberté.» Il invite tout un chacun à ne pas rester dans sa bulle virtuelle.
Le tort des plates-formes est de ne pas avoir anticipé les effets d’une mondialisation incontrôlée : «Ayant oublié les leçons du vingtième siècle, les démocraties libérales et les pays émergents cèdent de manière automatique aux appels à la peur et à la colère. Facebook, Google et Twitter n'ont pas provoqué la transformation actuelle de la politique mondiale, mais ils ont permis, accéléré et assuré qu'elle atteindrait simultanément tous les coins du monde. Les choix de conception faits dans le cadre de la recherche d'une influence mondiale et de profits énormes ont miné la démocratie et les droits civils.»
Le résultat est inattendu, y compris parmi les acteurs du changement : «Je ne crois pas que les employés de Google, Facebook ou Twitter aient jamais imaginé que leurs produits porteraient atteinte à la démocratie aux Etats-Unis ou ailleurs. Mais les systèmes qu'ils ont construits font exactement cela. En manipulant l’attention, en isolant les utilisateurs dans des bulles de filtre et de préférences et en les exposant, vulnérables, aux atteintes à la vie privée, et même à la modification du comportement, les plates-formes internet ont créé par inadvertance une arme pour ceux qui imposeraient leur volonté à ceux qui étaient impuissants.»
Quelles sont ces nombreuses victimes recensées dans les domaines de la démocratie, la santé publique, la vie privée et à la concurrence ?
Sur le plan politique, les dégâts collatéraux de machines devenues incontrôlables sont de plus en plus manifestes : «L'impact de Facebook sur l'élection présidentielle américaine de 2016 et sur le sort des Rohingya au Myanmar ne sont pas des événements isolés. Ce sont des exemples criants d’un problème mondial pour lequel nous n’avons pas de solution. On peut en dire autant de la propagation des théories du complot et de l'activation de l'extrémisme sur YouTube.»
Facebook est critiqué pour avoir servi de plate-forme de manipulation politique, en particulier pendant la campagne présidentielle américaine de 2016, ou d'avoir laissé filer les données de dizaines de millions d'utilisateurs à leur insu vers la firme britannique Cambridge Analytica. Cette dernière est au cœur d’un scandale qui renvoie aux données personnelles de 87 millions d'utilisateurs Facebook qu’elle a commencé à recueillir dès 2014. Ces informations ont servi à influencer les intentions de vote en faveur d'hommes politiques qui ont payé – chèrement payé — ses services.
« WhatsApp a été pour sa part accusée de diffuser des discours de haine et d'ingérence électorale dans de nombreux pays. Elle a peut-être joué un rôle démesuré dans l'élection d'un candidat à la présidentielle de droite qui a promis de mettre fin à la démocratie.»
«La poursuite résolue de la croissance par des sociétés qui ne croient pas qu'elles devraient être tenues pour responsables des conséquences de leurs actes produira toujours des effets secondaires indésirables. A l'échelle de Facebook et de Google, ces effets secondaires peuvent transformer en pire la politique et la santé publique.»
Il devient alors évident que «si nous voulons éviter un avenir autoritaire, nous devons réduire l'influence des plates-formes qui permettent aux sphères autoritaires d'imposer leur volonté. Quel que soit le bien tiré de Facebook, Google et ses filiales, ces plates-formes ne peuvent pas justifier des dommages causés à des milliards de personnes et déstabiliser des institutions importantes — la presse, les systèmes électoraux et les systèmes internationaux de gouvernance — qui protègent les innocents.»
Même des domaines sensibles comme ceux de la santé n’échappent pas à la folie de réseaux sans contrôle : le Washington Post a récemment révélé qu'une société, appelée Gipec, avait passé plusieurs annonces de drogues illégales sur Instagram.
Aux Etats-Unis, Instagram devient un marché de la drogue. «A l’image d’une drogue qui reprogramme le cerveau et crée une dépendance, certaines plates-formes sociales sont conçues de sorte à ce qu’une simple recherche reprogramme le contenu auquel est soumis l’utilisateur, aboutissant à de la publicité pour de la drogue exposée à des personnes fragilisées» commente Rick Lane, conseiller de longue date dans le domaine des technologies, pour le Washington Post.
Ce à quoi s’ajoutent des fléaux de la dépendance comportementale, l'intimidation et d'autres problèmes de santé publique.
Aussi, «en tant que pays d’origine des plates-formes internet, les Etats-Unis ont la responsabilité de les maîtriser. Ce ne sera pas facile, mais il y a au moins deux chemins» pour y parvenir. Il s’agit de l’action citoyenne des particuliers, relayée et encadrée par «l'intervention du gouvernement» consistant en des «mesures extraordinaires» ordonnées en plusieurs étapes, à commencer par la solution «des problèmes de conception et de modèle commercial qui rendent les plates-formes internet vulnérables à l'exploitation». Les plates-formes sont invitées à «protéger les données personnelles» et à fournir «une confidentialité et une sécurité raisonnables à leurs usagers».
A. B.

(*) Roger McNamee, Facebook is a threat to democracy — and the US has a responsibility to rein it in, Promarket, 6 février 2019.
https://promarket.org/facebook-is-a-threat-to-democracy-and-the-us-has-a-responsibility-to-rein-it-in/?mc_cid=accdd3d3cf&mc_eid=6b484f1c8e

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