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Rubrique A fonds perdus

L’État-nation a la peau dure

Le site de la social-démocratie européenne International Politics and Society abrite une belle contribution de Michael von der Schulenburg,(*) diplomate allemand qui a été, entre autres, représentant exécutif du Bureau intégré des Nations-Unies pour la consolidation de la paix en Sierra Leone et Représentant spécial principal adjoint du secrétaire général pour la Mission d’assistance des Nations-Unies en Irak.
Fort de son expérience d’observateur pertinent, Michael von der Schulenburg tire deux enseignements majeurs :
- la paix mondiale a plus que jamais besoin des Etats-nations ;
- pour éviter le chaos dans un monde en mutation, les Etats-nations doivent rester les fondements d'un ordre mondial stable.
Son texte révèle l’intérêt que présente pour la paix dans le monde l’existence de ces entités qu’on croyait à jamais révolues : «L’avenir des Etats-nations est devenu une question centrale de notre époque. Dans un monde de communication instantanée, d'organisations supranationales, de sociétés transnationales et de flux de capitaux transfrontaliers, d'élites internationales, de déplacements mondiaux et de migrations massives, de missiles balistiques et d'exploration spatiale, est-il toujours souhaitable - ou même réalisable - d'organiser des sociétés humaines dans des zones géographiques entourées de frontières ? En un mot, oui. En fait, les Etats-nations pourraient même devenir plus importants, non pas en dépit mais à cause de la mondialisation. Tout le reste mènerait au chaos.»
Les Etats-nations retrouvent notamment leurs lettres de noblesse parce qu’on ne leur a pas encore trouvé de substitut viable. Là où ils ont disparu, ils ont été remplacés par des «trous noirs» dans l’ordre mondial, «des lieux ingouvernables qui affectent la survie et le bien-être de dizaines de millions de personnes et tendent à déstabiliser des régions entières». En effet, parmi les 178 pays recensés dans le 2018 Fragile States Index (l'indice des Etats fragiles de 2018), seuls 56 étaient considérés comme stables, tandis que 122 (soit 68%) figuraient à divers niveaux de fragilité et d'instabilité ; trente-deux pays, soit 18%, ont été classés en trois catégories: alerte, alerte élevée et alerte très élevée. La particularité de ces nouveaux Etats avortons du néolibéralisme est qu’ils sont exposés à de violents conflits internes renvoyant, pour la plupart, à des racines historiques profondes.
Le multilatéralisme n’a paradoxalement pas substitué une gouvernance mondiale au «détricotage» universel de l’Etat-nation mais il a encouragé l’avènement d’acteurs non étatiques belligérants, pour la plupart armés, à caractère idéologique, ethniques, religieux et/ou sécessionnistes. «Ceux-ci comprennent les chefs de guerre, les forces de la milice, les groupes paramilitaires et même les gangs de jeunes, les structures de clans et les groupes rebelles. Ils se chevauchent avec des syndicats de criminels, des organisations criminelles transnationales, des marchands de drogues illicites et des réseaux corrompus au sein des gouvernements. Les objectifs de ces acteurs non étatiques sont divers.»
Là où l’Etat-nation a abdiqué, le monopole de la violence, anciennement aux mains d’une entité centrale, a éclaté entre plusieurs protagonistes, reléguant la force du droit aux calendes grecques. La nouvelle violence extra-étatique règne sans partage : en 2016, plus d'un demi-million de personnes ont été tuées violemment dans le monde et seulement 18% de ces morts violentes résultaient de conflits armés intra-étatiques ; 72% étaient des homicides intentionnels dus à un crime, à une guerre de gangs ou à des troubles raciaux. L’auteur de la contribution a bien raison de revenir aux origines de l’Etat-nation, comme progrès dans la succession aux féodalités précapitalistes et précurseurs des Etats-nations «nationalistes» morts à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Avec le néolibéralisme a prévalu l’idée que la démocratie libérale serait la réponse aux Etats-nations défaillants. «Cependant, cela a rarement, sinon jamais, fonctionné. La raison pour laquelle aucun système politique ne conviendrait à tous les pays tient à leur double caractère : ils ne sont pas seulement un ‘’Etat’’, mais aussi une ‘’nation’’. C'est ce qui les rend uniques.»
Aussi, contrairement aux prévisions des idéologues néolibéraux, les Etats-nations bénéficient d'un soutien populaire dans le monde entier : «Selon le World Values Survey, plus de 80% des citoyens en moyenne sont fiers ou plutôt fiers de leur pays, même dans des pays comme le Zimbabwe.»
L’enseignement principal de l’arrogance néolibérale est résumé ainsi : «Nous devons accepter que les Etats-nations adoptent des systèmes politiques différents et, pour notre propre intérêt, cesser de voir le monde divisé en régimes démocratiques et autoritaires, des pays bons ou mauvais. Le paysage politique mondial est beaucoup plus complexe et l’Occident n’a plus le pouvoir de changer cela.»
«C’est là que réside l’avantage comparatif de l’ONU, un système de gouvernance mondiale fondé sur des Etats-nations souverains et qui a mis en place un cadre normatif et institutionnel autour duquel peuvent être rassemblés des Etats membres dotés de systèmes politiques différents. C’est la faiblesse de l’ONU — mais aussi sa force. Sur la base de sa charte, il existe maintenant de nombreuses conventions et accords internationaux auxquels la plupart des gouvernements du monde ont souscrit.»
Deux ensembles de normes revêtent, à ses yeux, une importance particulière pour la mise en place d'une coopération entre Etats-nations dotés de systèmes politiques différents : les traités et instruments relatifs aux droits de l'Homme et l'agenda de développement durable 2030 destiné à l'élimination de la pauvreté, à la sécurité alimentaire, des services de santé à l'éducation, de la sécurité de l'eau à l'énergie et du changement climatique à la justice sociale et économique.
A. B.

(*) Michael von der Schulenburg, Why global peace needs nation-states-To avoid chaos in a changing world, nation-states must remain the building blocks for a stable world orde, International Politics and Society, 22.11.2018
https://www.ips
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