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Rubrique A fonds perdus

L’ombre de Rahul Gandhi

Le Premier ministre indien, Narendra Modi, est mieux connu, et apprécié, au plan international, depuis son passage au Forum de Crans Montana en 2018, quatre ans après son élection. Il remet en jeu son mandat en 2019. Philippe Humbert, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès, dresse la liste des défis à relever – entre tensions identitaires, creusement des inégalités et fractures territoriales – qui pourraient l’empêcher de prétendre à un nouveau mandat de cinq ans.(*) Un premier indicateur lui est favorable : la victoire du BJP (Bharatiya Janata Party, le «Parti du peuple indien» d’idéologie hindouiste) lors des élections qui ont eu lieu en 2017 dans plusieurs Etats de l’Inde pour la désignation des membres des assemblées de ces Etats. Le BJP assoit sa domination sur la politique intérieure indienne en étant majoritaire dans 14 Etats sur 29 – auxquels s’ajoutent 5 Etats où il est en coalition. Sa base électorale est constituée de la communauté d’affaires, des couches moyennes, urbaines et des jeunes. Il lui reste à gagner les élections générales du printemps 2019 qui sonnent pour lui comme le moment de rendre des comptes et de présenter le bilan des promesses de 2014 du point de vue du développement et la bonne gouvernance, les deux thèmes clefs de sa campagne précédente. Les indicateurs macroéconomiques lui sont favorables : malgré un fléchissement en 2017- 2018 le taux de croissance se maintient à un niveau élevé de 7,5% en 2017-2018. Ce fléchissement est imputable à «la démonétisation surprise d’une partie des billets de banque, lancée le 8 novembre 2016 – qui a désorganisé l’économie informelle – et à la préparation de la mise en place de la GST (Goods & Services Tax, équivalent à la TVA) au 1er avril 2017, une réforme fiscale de très grande ampleur porteuse de progrès à terme mais dont la mise en œuvre est complexe au niveau des entreprises et des services de l’Union». Outre la réforme fiscale, le taux de croissance a été négativement impacté par l’atonie de l’investissement (27% du PNB en 2016-2017, contre plus 36% en 2011-2012), en raison des actifs non performants des bilans bancaires, la sous-capitalisation des banques publiques et aussi dans le maintien de taux d’intérêt réel très élevés. Pour l’exercice 2018-2019, les prévisions officielles annoncent une croissance de 7% à 7,5%. Autre bonne carte du bilan Modi : la réduction déficit énergétique (23% des exportations iraniennes de gaz) et la baisse du coût de l’électricité grâce au développement rapide des énergies renouvelables. Au titre des mauvaises nouvelles : Modi devrait s’expliquer sur l’essor du déficit public qui atteint 3,2% du PNB (alors que l’objectif était de 3%), la poussée de l’inflation des prix de détail (elle dépasse 5%-6%) et le déficit commercial très sensible au prix du pétrole. Le revenu agricole est également stagnant (son augmentation n’a pas dépassé +1% en moyenne depuis quatre ans), dans un pays où l’agriculture occupe 50% de la population active et représente seulement 15% du PNB. Outre les causes naturelles (deux années de mauvaises moussons), le revenu agricole est plombé par la croissance démographique (elle engendre une diminution de la taille moyenne des parcelles, souvent moins d’un hectare), les insuffisantes ressources en eau pour l’irrigation, l’endettement des agriculteurs pauvres malgré les remises de dettes («waivers») décidées par le gouvernement qui ne concernent seulement que les dettes bancaires, l’exode des jeunes vers les villes. L’industrie indienne ne se porte pas mieux : peu développée et faiblement productrice d’emplois en raison des réserves de gains de productivité, elle affiche «une compétitivité insuffisante dans les secteurs traditionnels (textiles) grands pourvoyeurs d’emplois, la révolution numérique dans le secteur de l’‘’Information Technology’’ et des services, un énorme secteur dit informel constitué d’activités peu productives et à faibles revenus». Sur le plan social, le bilan est plutôt morose : en dépit de la promesse électorale de croissance inclusive de 2014, les inégalités se creusent, notamment dans la répartition des revenus et des plus-values foncières. Enfin, l’exclusion noircit encore plus le tableau social avec le sort peu enviable réservé à la communauté musulmane, les migrants, les paysans sans terre, les retraités pauvres, les inactifs... Cette matrice socio-économique ne facilite pas les pronostics : le BJP vise un deuxième mandat, le Parti du Congrès l’amorce d’une reconquête et les grands partis régionaux la consolidation de leur emprise dans leurs États respectifs. Le BJP est ballotté entre le thème habituel du «development» et les sujets liés à l’idéologie hindouiste nationaliste. Cette dernière met en avant «l’hindutva», avec une méfiance accrue vis-à-vis des autres communautés (musulmane en premier lieu – aucun candidat musulman n’a été présenté au Gujarat –, chrétienne, et composée de populations tribales) ; mais aussi «la revendication d’une Inde exclusivement hindoue (un Pakistan hindou, disent ses adversaires) ; intimidation, voire violences à l’égard des minorités». «L’hindutva» a encouragé certains États (Haryana, Uttar Pradesh) à adopter «une démocratie ethnique, sinon illibérale». Le BJP (Bharatiya Janata Party, le «Parti du peuple indien») affronte le défi d’empêcher le retour en force du Parti du Congrès, sous la direction de son nouveau Président Rahul Gandhi, décidé à achever au plus vite le rajeunissement du parti tout en conservant la vieille garde, construire un programme et définir une stratégie d’alliance avec les grands partis régionaux. Rahul Gandhi hésite à suivre Modi sur le terrain identitaire pour «retrouver les deux clivages qui l’avaient porté pendant des décennies : le sécularisme et une assise électorale diversifiée allant de la communauté d’affaires à l’électorat musulman, des classes défavorisées aux dalits.(**)»
A. B.

(*) Philippe Humbert, Inde ; les perspectives politiques quatre ans après la victoire de Narendra Modi, Fondations Jean Jaurès, 1er mars 2018 https://jean-jaures.org/nos-productions/ inde-les-perspectives-politiques- quatre-ans-apres-la-victoirede- narendra-modi
(**) Les dalits, également appelés Intouchables ou Harijans sont des groupes d'individus considérés, du point de vue du système des castes, comme hors castes et affectés à des fonctions ou métiers jugés impurs et, dès lors sont victimes de nombreuses discriminations.

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