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Rubrique A fonds perdus

Poutine à Pékin

Poutine était à Pékin vendredi dernier pour ce que son homologue chinois a qualifié de «rencontre du pays le plus peuplé avec le pays le plus étendu au monde».
C’est l’attaché militaire chinois en Russie, M. Yanwei, qui le dit lors d'un entretien avec Viktor Bondarev, président de la commission de la défense et de la sécurité du Conseil de la Fédération (Chambre haute du Parlement russe) : «Moscou et Pékin devraient faire front commun pour relever les défis lancés par Washington.»(*)
A ses yeux, c’est la réaction légitime à la nouvelle Stratégie de sécurité nationale du Pentagone (rendue publique le 19 janvier 2018) qui énonce que la Chine et la Russie présentent un danger pour Washington.
Le document, dont Donald Trump a présenté les grandes lignes lundi 18 décembre 2017, relève que la Chine et la Russie «défient la puissance, l'influence et les intérêts» des Etats-Unis et cherchent à saper leur «sécurité et prospérité». La Chine est également accusée de vouloir pousser les Etats-Unis hors de la région indo-pacifique.
«Les Etats-Unis et les pays occidentaux pratiquent une politique de dissuasion à l'égard de la Russie dans la partie européenne [du globe, ndlr] et de la Chine dans la partie asiatique», a indiqué M.Yanwei.
Selon lui, Moscou et Pékin doivent affronter ensemble les menaces globales et relever les «défis lancés par les Etats-Unis et leurs alliés» pour garantir la sécurité non seulement dans leurs régions respectives, mais également dans le monde.
Pour le ministère de la Défense chinois, qui invite par ailleurs les Etats-Unis à «abandonner la mentalité de la guerre froide», le document qui trace la nouvelle Stratégie de sécurité nationale du Pentagone regorge de «propos absurdes et faux».
Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a exprimé, pour sa part, son regret que Washington œuvre à prouver son leadership par «des concepts cherchant la confrontation» au lieu de mener un dialogue normal.
«Pratiquement tout le monde juge aujourd'hui la politique étrangère américaine impulsive, chaotique et privée de lignes stratégiques», commente le journal francophone en ligne China Today.(**)
Auparavant, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying, soutenait à propos de la même question (la nouvelle Stratégie de sécurité nationale du Pentagone) lors d'un point presse : «Nous estimons que les Etats-Unis doivent renoncer le plus vite possible aux tentatives de déformer les intentions stratégiques de la Chine, ainsi qu'abandonner leurs concepts dépassés, comme leur mentalité de guerre froide et leur jeu à somme nulle.»
Pour la diplomate chinoise, cette stratégie «ne fera que porter préjudice aux autres et à eux-mêmes». «Nous espérons que Washington prendra compte des tendances et des conditions actuelles et adhérera à une position objective en ce qui concerne ses relations avec Pékin», a-t-elle souligné.
La Chine déclare s’en tenir à une politique défensive et ne pas vouloir élargir sa sphère d’influence.(***) Elle soutient que le document incriminé contient des «raisonnements absurdes sur la modernisation de l'armée chinoise, sans prendre en compte le fait que des phénomènes exagérés comme la compétition des soi-disant grandes puissances et la ‘’menace militaire chinoise’’ regorgent de fausses sentences du genre ‘’jeu à somme nulle’’ ou ‘’antagonisme’’».
Le document ferait preuve de «mentalité de guerre froide». «Nous insistons pour que les Etats-Unis renoncent à la politique de la guerre froide, suivent une voie pacifique en réglant les principaux problèmes d'actualité […] et évaluent de façon objective la défense nationale de la Chine et le développement de l'armée chinoise», espère le ministère chinois des Affaires étrangères qui assure que Pékin s'en tient à une politique défensive et n'élargit pas sa sphère d'influence.
Russes et Chinois ne cachent pas, toutefois, que «les rencontres entre hauts responsables militaires devenant de plus en plus fréquentes, la coopération militaire entre les deux pays s'intensifie».(****)
Les relations diplomatiques entre la République populaire de Chine et la Fédération de Russie se sont considérablement améliorées après la dissolution de l'Union soviétique et la création de la Fédération de Russie en 1991 qui ont mis fin aux vieilles surenchères idéologiques héritées de la mort de Staline. Dans le sillage de ce rapprochement, l'alliance des Etats-Unis et de la Chine prend fin de facto.
Le rapprochement sino-russe a commencé en 1992, avec les deux pays déclarant qu'ils étaient à la poursuite d'un «partenariat constructif» ; en 1996, ils ont progressé vers un «partenariat stratégique», et en 2001, ils ont signé un traité «d'amitié et de coopération» exposant leur vision commune des relations internationales : le respect des souverainetés étatiques doit être scrupuleux, les décisions du Conseil de sécurité de l'ONU doivent être appliquées à la lettre et chaque pays a le droit d'élaborer son propre modèle de développement. Enfin, les deux Etats soldent leurs contentieux territoriaux en 2004.
Aujourd’hui, Xi Jinping et Vladimir Poutine oeuvrent à «établir une relation spéciale».
La convergence politique est encore plus marquée dans l'opposition à l'hégémonie américaine. Pour les deux puissances, il s'agit de prévenir toute intervention à Taïwan, en Corée du Nord, dans le Caucase ou en Ukraine.
Au sein du Conseil de sécurité des Nations-Unies, la Russie et la Chine se soutiennent mutuellement, via leur droit de veto. La fondation de l'Organisation de coopération de Shanghaï (une organisation intergouvernementale régionale asiatique créée à Shanghaï les 14 et 15 juin 2001 par les présidents de six pays) offre aux deux pays le cadre de l'alliance en matière de sécurité, en fédérant autour d’eux les anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale et, aujourd'hui, les acteurs majeurs de l'Asie pour contenir la présence américaine dans la région, en Afghanistan et au Moyen-Orient ; ils obtiennent la fermeture des bases aériennes en Ouzbékistan et au Kirghizstan, à la suite du sommet de l'OCS d'Astana en 2005.
Les échanges sont également très poussés : en 2005, 2007, 2009, 2010 et 2017 en mer Baltique, où la Chine et la Russie mènent, sous l'égide de l'OCS, des exercices militaires terrestres et navals d'ampleur sous le nom de «Mission de paix».
Les ventes d’armements russes sont également élevées. Après 1989, suite aux sanctions occidentales consécutives aux événements de la place Tian'anmen, la Chine a recouru aux exportations d'armement russe ; représentant ainsi durant les années 1990, pas moins de 50% des débouchés des exportations d'armement russes. En 2005, suite aux manœuvres conjointes «Mission de paix 2005», la RPC a commandé à la Russie de nombreux avions de combat et de transport. Dans le domaine des missiles également, la Chine s'est régulièrement approvisionnée auprès des industries russes, même si l'Inde l’a détrônée récemment comme premier importateur d'armes russes. 
Ces achats sont passés d’un milliard de dollars en 1997-1998 à plus de deux milliards et demi en 2002, année record pour les exportations d’armes par la Russie (qui ont atteint 4,8 milliards de dollars cette année-là). La part de la Chine dans le total n’est jamais tombée en dessous de 40% au cours de la décennie 1990, dépassant même les 60% au début des années 2000, du fait de l’exécution d’importants contrats portant sur des équipements maritimes et aéronautiques.
A. B.

(*) Sputnik, 22 janvier 2018.
(**) Sputnik, 19 décembre 2017.
(***) Sputnik, 21 janvier 2018.
(****) Sputnik, 31 juillet 2017

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