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Rubrique A fonds perdus

Que peut l’ONU ?

Nils Andersson revient sur une publication de Chloé Maurel que l’actualité n’arrête pas de rattraper, «Une brève histoire de l’ONU au fil de ses dirigeants », parue aux éditions du Croquant, à Paris.(*)
L’histoire et les controverses politiques, économiques et sociales qui traversent l’organisation depuis 1945 lui donnent l’occasion d’une «entrée pédagogique dans un univers complexe».
Les concepts que l’ONU a contribué à forger en matière d’économie, de discriminations, d’écologie témoignent d’une «quête de démocratie, de progrès et de raison» en «trois quarts de siècle au cours desquels des hommes — trop essentiellement des hommes — dans un continuum de tensions, de crises, de fléaux et de guerres, ont agi ou essayé d’agir».
Les origines de l’institution remontent au 14 août 1941, lorsque Roosevelt et Churchill rendent publique la Charte de l’Atlantique dans laquelle «après la destruction finale de la tyrannie nazie, ils espèrent voir s’établir une paix qui permettra à toutes les nations de demeurer en sécurité à l’intérieur de leurs propres frontières et garantira à tous les hommes de tous les pays une existence affranchie de la crainte et du besoin.»
La recherche se focalise sur le rôle du premier responsable, «le plus haut des fonctionnaires» et sur les missions de l’organisation.
Le statut du secrétaire général a toujours été «négligé» : «Doit-il être un homme d’Etat ou un administrateur ?»
Ne pouvant être citoyen de l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, il exerce un mandat de cinq ans au terme d’une élection ou d’une réélection qui n’a pas toujours fait l’unanimité.
Le mandat de secrétaire général n’est pas de tout repos, loin de là, comme en témoignent certaines carrières et trajectoires.
Le premier secrétaire général, le Norvégien Trygve Halvdan Lie, est poussé à la démission en raison de «l’hostilité des Soviétiques pour son action dans la guerre de Corée… qui refusent de coopérer avec lui» et des accusations par McCarthy d’employer des “Américains déloyaux”».
Boutros-Ghali, le sixième secrétaire général, dut faire face à l’hostilité de l’administration Clinton qui, prenant «prétexte de sa réticence à approuver les bombardements de l’OTAN en Bosnie», oppose son veto à sa réélection et repousse «le remboursement de son importante dette à l’ONU, jusqu’à son éviction. Il est le seul secrétaire général à ne pas avoir été élu pour un second mandat, malgré tous les efforts consentis pour ‘’réformer’’ le fonctionnement de l’institution, et la ‘’contribution importante à la diplomatie préventive’’ que représente l’Agenda pour la paix, préconisant un renforcement de l’application du chapitre VII de la Charte des Nations-Unies (droit d’intervention économique et militaire, prévention des conflits, rétablissement et maintien de la paix)».
Dag Hammarskjöld, diplomate suédois, secrétaire général de 1953 à 1961, connut une fin tragique, après une position ambiguë qui suscita de fortes critiques de l’URSS lors d’une des plus importantes crises de la guerre froide : la sécession du Katanga, l’appel de Patrice Lumumba à l’ONU pour défendre l’intégrité du territoire et demander le retrait des troupes belges.
Kurt Waldheim, dont les principales puissances n’ignoraient rien de son passé d’officier d’état-major de la Wehrmacht, responsable de crimes de guerre et de déportations en Yougoslavie, n’afficha son véritable visage que lorsqu’il se porta candidat à la présidence de la République autrichienne, après dix années au poste de secrétaire général de la plus importante organisation mondiale. A la suite des révélations sur son passé nazi, Waldheim fut déclaré persona non grata aux Etats-Unis et dans d’autres pays.
Le profil idoine semble être celui de Pérez de Cuéllar ou Ban Ki-moon, «l’anguille insaisissable», suffisamment effacés ou dociles pour ne pas susciter de vagues.
Kofi Annan, qui a fait toute sa carrière au sein des Nations-Unies, réussit brillamment son passage : «Si la connaissance des arcanes de la maison de verre fut certainement utile à Kofi Annan, qui n’ignorait pas le ‘’gaspillage’’ onusien, les privilèges acquis, la bureaucratisation de l’institution, ses conceptions en matière de new public management, ‘’qui préconisent d’appliquer à la fonction publique les méthodes managériales du secteur privé’’, loin de toute considération de ‘’service public international’’.»
S’agissant du bilan du système des Nations-Unies, les actions les plus significatives émanent de l’Organisation mondiale de la santé dont l’action a permis d’éradiquer certaines maladies ; du Programme des Nations-Unies pour le développement, pour sa lutte contre la pauvreté, pour la participation des femmes à la vie économique, pour organiser le déminage dans les zones de conflit, que son Indicateur du développement humain est une référence incontournable ; et de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) qui œuvre à contenir une menace nucléaire qui est «à son plus haut niveau depuis l’effondrement de l’Union soviétique» ; ou encore de l’Organisation internationale du travail en tant qu’«agence opérationnelle d’assistance technique et d’aide au développement».
Cela ne peut néanmoins pas occulter l’impuissance avérée de l’organisation à faire face aux nombreux défis : «En raison des jeux d’influence des principales puissances, d’un Conseil de sécurité mal adapté à la nouvelle configuration des rapports géopolitiques, des baronnies que représentent certains organismes onusiens, des carences internes de l’institution, de sa bureaucratisation, de financements conditionnels soumis à des intérêts idéologiques, l’ONU ne peut aujourd’hui remplir pleinement son rôle, défini dans la Charte, d’assurer la paix et la sécurité internationale, de faire prévaloir le multilatéralisme dans les relations internationales ou de remplir les ‘’objectifs du millénaire’’ pour le développement. Il en résulte un discrédit dont la responsabilité revient aux gouvernements des Etats qui la composent».
Malgré ce discrédit, l’ONU est plus que jamais nécessaire : «L’ONU a un rôle majeur à jouer au XXIe siècle, car avec la mondialisation, beaucoup de problèmes sont devenus transnationaux, ils transcendent les frontières étatiques : le problème des conflits… mais aussi le problème des inégalités dans le monde, qui s’accroissent de plus en plus, ou encore le problème de la finance, qu’il faudrait réglementer, le problème de l’évasion fiscale, qu’il faudrait interdire, le problème de la mafia, le problème de l’environnement… », conclut l’auteur.
A. B.

(*) Nils Andersson, Le vieux monde de l’ONU, La Vie des idées, 7 septembre 2017. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Le-vieux-monde-de-l-ONU.html

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