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Rubrique A fonds perdus

Seul le dialogue

Pour Jürgen Habermas, « les crises naissent lorsque la structure d'un système social affronté à un problème admet moins de possibilités de solutions que le système n'en réclame pour se maintenir ».
Cette règle illustre parfaitement le contexte algérien formaté par quatre mandats d’exercice d’un présidentialisme outrancier qui a ravagé tous les autres pouvoirs et contre-pouvoirs.
La mission de médiation est d’autant plus difficile que nous assistons, notamment depuis 2012, à une érosion des espaces de débats.
Le cadre juridique de la médiation sociale est alors contraignant.
Tour de vis s’agissant des modalités de constitution, la loi introduit plusieurs systèmes, entre autres, un régime préventif et deux autres intermédiaires.
Tour de vis s’agissant des financements et des activités de l’association.
Tour de vis dans la surveillance des activités des associations concernant, tout aussi bien, le statut, le fonctionnement quotidien, que les relations des associations avec autrui - des sanctions, parfois très lourdes, frappent les contrevenants à la loi.
Ces contraintes, associées au préalable de la mise en conformité, favorisent les associations de collaboration et d’allégeance, de très loin majoritaires.
Conclusion : des dizaines de milliers d’associations, mais toujours pas de société civile. Au moment où, partout ailleurs, celle-ci est érigée en moteur pour la démocratie participative.
La médiation politique, assumée par les partis, les personnalités et autres autorités, est, elle aussi, déficiente.
Notre pays présente une première particularité tenant à la discontinuité de l’Etat.
Jusqu’en 1954-1955, le nationalisme algérien était porté par trois courants organisés : le réformisme laïque (Union démocratique du Manifeste Algérie, UDMA), le réformisme musulman (Ulémas, 1931) et le populisme (Etoile nord-africaine 1926-1937, Parti du peuple algérien 1937-1947 et MTLD 1947-1954).
La fragmentation sociale et la dispersion du mouvement national nourriront la crise de légitimité qui affectera le nouvel Etat à l’indépendance.
D’où la prééminence de la « légitimité révolutionnaire » sur la « légitimité rationnelle » et une sorte de constitutionnalité et d’un système dans lequel le FLN, parti unique, apparaît comme une caution passive de l’appareil d’Etat. On parlera, à juste titre, de constitutionnalisme de façade, au mieux de « constitutionnalisme de crise » ou « de circonstance ».
La médiation politique a été altérée par la violence : le maquis procédurier qui enserre la mise en œuvre de la loi organique 07-09 du 6 mars 1997 confère à l’administration du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales des pouvoirs exorbitants.
Les complications pratiques limitent la liberté de constitution des partis dès la phase de leur déclaration et ce, en dépit de la possibilité de recours judiciaire contre l’acte de refus administratif.
L’encadrement administratif de la vie politique n’est plus productif. Il en résultera des excroissances dépourvues de programmes et, surtout, de moyens de communication et de présence dans la société.
L’érosion de la médiation politique est illustrée, entre autres, par la prégnance du discours national-populiste et les appréhensions à l’endroit de l’institution partisane.
Si les partis politiques sont le premier levier de la médiation politique qui vient à l’esprit, leur évolution récente atteste de leur érosion continue dans la production de la médiation.
Outre les conflits de perception, doit-on incriminer la fin des partis de masse, l’émergence de partis attrape-tout, ou la complexité accrue des responsabilités gouvernementales, pour identifier la source du sentiment d’insatisfaction ? D’autant plus que ce désalignement rampant n’est le monopole d’aucun système de partisan en particulier.
Une seule alternative alors : le dialogue.
L’érosion des espaces de médiation est tempérée par le recours récurrent au dialogue dans la gestion des conflits internes. Ces conflits sont consécutifs à l’effondrement du système totalitaire, de parti unique et à la réparation des dommages générés par les vagues intégristes destructrices d’obédience principalement — et pas seulement – wahhabite.
A l’expérience, la parenthèse algérienne tient des deux cas de figure sans précédent : une violence socio-économique, sur fond de prédation rentière, accompagnant la transition d’un régime totalitaire, de parti unique, vers une économie où prédomine l’informel, associée à l’avènement d’un terrorisme islamiste d’essence interne et externe.
Les forces en présence dans notre pays recourent toujours à des logiques d’appareils et non à des armistices sociaux de peur partagée de se soumettre au jugement souverain du peuple par les urnes.
On s’autorisera à avancer ici que ces compromis sont d’autant plus boiteux qu’ils ne sont pas négociés mais résultent d’échanges de coups.
Théoriquement, les compromis assurent l’extinction des confits entre adversaires qui, après affrontement, acceptent, au moins pour un temps, les bases d’une coopération ; les conditions venant à changer, les luttes reprennent.
Les conquêtes politiques et sociales sur lesquelles reposent les sociétés démocratiques n’ont pas d’autre origine. Si elles sont jugées ainsi c’est parce qu’en grande partie, elles ont rendu les violences moins fréquentes et moins meurtrières, substituant aux échanges de coups les épreuves de force. Les conditions dans lesquelles ces épreuves se distinguent de la violence consistent en luttes pacifiques prolongées.
Aussi, les chances de progrès et de civilisation ne résident pas dans la suppression des confits par des moyens extérieurs ou factices mais dans la mise en œuvre de conditions favorables à l’éclosion de la fécondité des conflits appréciées par tous les partenaires.
La sagesse nous conduit ainsi au bord du dialogue bien compris, c'est-à-dire de l’échange libre en vie d’approximations de valeurs telles que liberté et justice.
S’il est souvent très instructif de se voir dans le regard d’autrui, de celui qui a réussi sa transition vers le développement, méditons cette conclusion du rapport du Korea Development Institute de Corée du Sud, « Mise en place de la Vision nationale de l’Algérie 2030 », publié en 2013 :
« Il existe trois principaux points sur lesquels une comparaison entre la Corée et l’Algérie pourrait avoir lieu.
« Tout d’abord, la Corée a établi la stratégie de « sélection et concentration » et a réussi (…). Deuxièmement, la Corée a utilisé efficacement les politiques d’ «étape par étape ». Lorsqu’une étape a réussi et jugé que la base a atteint un certain degré alors la prochaine étape était lancée. C’est à cette condition que la Corée sélectionnait efficacement le moment de transition à l’étape suivante. Le passage à la prochaine étape est souvent accompagné par diverses résistances et souffrance, mais la Corée a établi des politiques afin que les gens puissent les comprendre et les respecter et obtenu des succès à travers le soutien et la promotion de ces politiques afin que le changement puisse être accepté par le peuple. Troisièmement, c’est la « stabilité politique ». Il n’y avait pas de guerre au cours de la période de développement économique, ainsi que peu de conflits politiques entre les groupes d’élite. Une création d’une atmosphère sociale pour atteindre le même objectif en se basant sur la stabilité politique a agi comme fer de lance pour réaliser la croissance économique continue. »
Dit autrement : nous avons besoin d’une vision d’ensemble éclairant un parcours graduel assis sur une matrice démocratique large et profonde.
A. B.

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