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CRISE LIBYENNE Alger reprend la main

Le Président Abdelmadjid Tebboune a reçu au Palais d’El Mouradia, Fayez el-Serraj, président du Gouvernement d’union nationale libyen (GNA) venu lui exposer, de vive voix, la situation qui prévaut actuellement dans son pays suite aux derniers développements apparus avec le déploiement des troupes turques à Tripoli. Il sait que l’Algérie est contre toute intervention étrangère dans les affaires internes des Etats.
Qu’attend Fayez el-Serraj de sa visite à Alger — accompagné de hauts cadres de son gouvernement — entamé depuis hier lundi ? Il est suivi de celle du ministre des Affaires étrangères de la Turquie. D’abord que ce déplacement du chef du gouvernement libyen, reconnu par la communauté internationale, intervient dans l’urgence absolue à plusieurs visages dont la plus alarmante est l’accélération des événements sur le terrain de la confrontation armée de ses forces à celle du maréchal Haftar qui brûle d’en découdre avec son rival pour la prise de la capitale Tripoli et réaliser ainsi son rêve de mettre sous sa coupe l’ensemble de la Libye.
Le déploiement des soldats turcs, dans un scénario que personne n’imaginait il y a à peine quelques jours, le poussera encore vers plus de bellicisme encouragé en cela par ses parrains. L’attaque dimanche, contre une école militaire des cadets en est la première expression de son exaspération dans la mesure où sa fameuse campagne pour la prise de Tripoli en avril dernier s’est avérée être un fiasco malgré tous les moyens en hommes et en armes mis à sa disposition. Directement accusé de ce crime contre des enfants, il s’en défend mais ne convainc personne, car cela voudrait dire aussi qu’il n’a pas le contrôle des opérations armées. On imagine son désarroi à travers son appel à la mobilisation générale des Libyens contre les troupes turques.
Les déclarations de Recep Tayyip Erdogan ont eu l’effet d’un séisme poussant les alliés du général à se mettre ouvertement de la partie dans la crise libyenne en dénonçant l’interventionnisme de la Turquie dans cette région du Maghreb. C’est le branle-bas de combat ! Du Caire en passant par Paris et d’autres capitales occidentales, l’on crie à l’ingérence, à l’escalade et aux risques de dérapage qu’implique une confrontation armée rendant plus incertaine une solution à la crise libyenne.
Les échos de ces nouveaux développements arrivent au conseil de sécurité de l’ONU qui, au demeurant, s’est déjà réuni à plusieurs reprises sur ce problème mais sans parvenir à un résultat. Le président du Conseil présidentiel (GNA) el-Serraj sait que face à son rival, sa marge de manœuvre se réduit de jour en jour et le met dans une situation intenable. C’est donc un véritable SOS qu’il a lancé récemment à cinq pays amis dont l’Algérie pour le sortir de l’impasse. Seule la Turquie d’Erdogan a répondu positivement, voire promptement, à l’appel de «détresse». A l’évidence Haftar et el-Serraj, chacun de son côté bat le rappel de ses alliés… la paix est en otage ! Deux détails et non des moindres sont à souligner, d’une part l’inexpérience de el-Serraj en politique à laquelle il n’est venu que tardivement et la difficulté qu’il a d’imposer son autorité dans sa zone.
D’autre part, le général Haftar a la volonté de s’impliquer dans la gestion des affaires du pays et pour se faire prendre tout bonnement le pouvoir. Deux positions d’apparence irréconciliables sur lesquelles jouent les forces extérieures en jouant pour l’un et l’autre camp aggravant ainsi les antagonismes avant leurs lots de morts, de blessés et de déplacés. Le tableau n’est pas du tout beau à voir ! Conscient qu’il faut sauver ce qu’il peut l’être encore afin d’éviter une déflagration aux conséquences incalculables, le président du GNA table – avec l’Algérie – sur la carte diplomatique. Les deux alliés inédits de la crise libyenne se sont donné rendez-vous à Alger avec sans doute comme intention de rassurer quant aux buts fixés dans le déploiement de l’armée turque à Tripoli par el-Serraj et Erdogan. De toute évidence, ces deux derniers n’ignorent pas la position de l’Algérie quant à son rejet de toute intervention étrangère dans ce pays voisin avec lequel on partage près de 1 000 km de frontière.
A Alger, l’on sait que la mobilisation de moyens matériels et humains pour sécuriser les frontières de l’Est, a son coût dont les retombées financières seraient plus judicieusement consacrées aux projets de développement. C’est pourquoi, l’Algérie par la voix de son nouveau Président Abdelmadjid Tebboune, a vite fait de réaffirmer la nécessité pour les deux parties en conflit de s’asseoir autour d’une table et d’œuvrer ensemble à une sortie de crise par les moyens pacifiques. Est-ce le point de départ à un va-et-vient diplomatique allant s’intensifiant depuis «le retour» aux affaires internationales d’Alger ? Il faut aussi voir dans le déplacement des deux alliés de circonstance la volonté de rassurer les autorités algériennes en particulier de la part de la partie libyenne qui veut dans le même temps s’adosser sur l’Algérie afin d’éviter, à long terme, d’être mangée par l’ogre turc. Ankara sait bien l’irritation que son «débarquement» à Tripoli suscite à Alger qui n’a pas hésité à l’exprimer publiquement.
L’Algérie, qui a mis ses forces armées en état d’alerte maximum, signifie par là qu’elle fera face à toute tentative de déstabilisation venant de ses frontières Est. Cette mise au point faite à qui de droit, place à la voie diplomatique de résolutions des conflits. L’expérience algérienne n’est pas étrangère aux sollicitations actuelles. Alger a déclaré sa disponibilité à rapprocher les frères ennemis dans un processus de recherche pacifique de la paix. Il ne fait pas de doute que l’Algérie qui compte de nombreux amis dans le continent sera suivie. Il reste, toutefois, que la crise libyenne peut se transformer en tragédie du fait même des convoitises multiples et contradictoires. Ces dernières ont pour noms : pétrole, sphère d’influence et hégémonie dans cette partie du Bassin méditerranéen. De là, il y a à considérer les parties libyennes en conflit complètement dépassées par ces enjeux. C’est pourquoi sortir de l’engrenage est vital pour les Libyens. La voix de la sagesse prime, Alger tentera de la faire prévaloir.
L’audience accordée par le président de la République à Fayez el-Serraj est là pour prouver tout l’intérêt de l’Algérie aux échanges politiques et à la concertation permanente sur des intérêts communs.
Brahim Taouchichet

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