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Libye Ballet diplomatique pour éviter le scénario du pire

Bien malin celui qui pouvait imaginer tout cet activisme sur la crise libyenne depuis la visite de Recep Tayyip Erdogan à Tunis le 25 janvier dernier où il a été reçu au Palais de Carthage par Kaïs Saïed, le président tunisien.
En effet, l’on peut dire que cette visite marque une nouvelle date dans la crise libyenne qui paraissait comme un jeu d’ombres où chaque intervenant faisait avancer ses pions dans le confort et la discrétion des salons et à l’abri de toute… interférence ! Il faut reconnaître au président turc le mérite d’avoir démasqué aux yeux de l’opinion publique tous les acteurs de la crise libyenne, chacun ne perdant pas un seul instant la défense de ses propres intérêts. Tout cela dans un extraordinaire climat d’hypocrisie générale, sur le dos des libyens. De ce fait, l’on peut observer les retombées multiples de cette visite de Tunis. En premier lieu celle de l’exposer directement aux feux de la rampe parce que la Tunisie partage une longue frontière avec sa voisine libyenne.
Les oppositions suscitées sur la scène politique interne en Tunisie sont révélatrices des risques d’un embrasement. sur ce pays, l’on relèvera au moins deux communiqués de la présidence tunisienne informant que le président Kaïs Kaceid n’a pas conclu d’accord de quelque nature que ce soit, entendre par là militaire.
Deuxième déclaration, et non des moindres, est que ni les ports et aéroports, a fortiori les voies terrestres, ne serviront aux troupes turques en partance pour Tripoli. Pour avoir exprimé son soutien au chef du gouvernement d’union nationale, le président tunisien se voit exclu de la conférence sur la Libye prévue à Berlin, en Allemagne, et à laquelle s’active la chancelière Angela Merkel. Mais, l’ambassadeur allemand à Tunis a fait écho à l’impasse faite à Kaïs Saïed affirmant que pour l’heure aucun chef d’Etat n’a été convié à la conférence ! Voire…
En attendant, c’est le temps des alliances y compris celles d'apparences contradictoires comme pour le cas du duo Russie-Turquie, car tandis qu’Erdogan s’engage à fond aux côtés de Fayez El-Serraj, Poutine s’est aligné sur le chef de guerre Khalifa Haftar lui fournissant armes et munitions – que les Emirats arabes unies payent. De plus il n’est plus un secret pour personne que des centaines de mercenaires russes, avec la bénédiction de Moscou, sont une force de frappe redoutable au service du maréchal qui vient d’occuper, d’ailleurs, la ville côtière de Syrte, ville natale de Maâmar El Gueddafi.

Les cris de désespoir de Ghessan Salame
Evidemment que cela ne fait qu’aiguiser son appétit pour la capitale libyenne, distante d’à peine 450 km. C’est à se demander à qui peuvent bien servir les alertes répétées de Ghessan Salame, émissaire de l’Onu pour la Libye, chargé de l’organisation de la conférence de Berlin.
En effet, par le biais du Conseil de sécurité, il laisse exploser sa colère devant l’énorme circulation d’armes de guerre et de mercenaires de toutes les nationalités, rémunérés par les parrains de Haftar. Tout cela concourt à rendre plus complexe la réalité du terrain de confrontation armée et surtout la mise en route d’un processus de paix. Pourtant, tous les pays engagés directement ou non dans ce bourbier, unanimes, appellent à un cessez-le-feu tandis que les combats redoublent d’intensité aux portes de la capitale libyenne depuis ces derniers jours.
D’Ankara où ils se sont retrouvés, les présidents turc et russe ont lancé un appel dans ce sens. Il n’est guère suivi d’effet quand bien même d’autres capitales arabes et européennes ont exprimé le même vœu. Vœu pieux ! Pourquoi alors la paix n’a pas autant de chance que les velléités guerrières ? Fort heureusement, les risques d’embrasement qui sont réels suscitent d’énormes inquiétudes tant les positions des uns et des autres semblent, dans le fond, irréconciliables. Un compromis entre tous les acteurs de la crise libyenne est-il pour autant possible ? Souhaitable !

La décantation
C’est ce que laisse entendre le ballet diplomatique enclenché ces derniers jours avec l’entrée en scène de l’Algérie. En effet, Alger aux prises avec une situation interne difficile, un gouvernement à mettre en place, ne pouvait courir plusieurs lièvres à la fois, bien qu’y compris dans ces moments particuliers l’on a de tout temps appelé au dialogue entre libyens pour une sortie de crise pacifique.
La décantation ainsi faite, le chemin vers la voie de règlement pacifique de la crise libyenne devient probable et souhaitable pour tous les pays qui s’impliquent à encourager un dialogue fécond entre les parties libyennes. Cela signifie que cette solution, à laquelle croit Alger, pousse à des efforts diplomatiques décuplés. Parce que ne prenant pas partie pour l’un ou l’autre belligérant et compte tenu de son expérience dans la résolution des conflits inter-africains, l’Algérie se voit dévolu un rôle central pour la paix en Libye et peut accélérer le processus. C’est le sens à donner au ballet diplomatique qui a vu les représentants de plusieurs pays faire le voyage d’Alger.
Égyptien, italien, turc, libyen ont sollicité ses bons offices. Abdelmadjid Tebboune se trouve ainsi projeté au-devant de la scène politique africaine sinon mondiale. S’il en tire un gros bénéfice de légitimité, depuis son élection le 12 décembre de l’année dernière, le locataire du Palais d’El Mouradia sait, pour lui, que c‘est une mission ardue, complexe et sensible, difficile à réussir sans la bonne volonté de tous les acteurs. Il reste à convaincre le chef de guerre Khalifa Haftar qui fait la sourde oreille à l’appel d’un cessez-le-feu, encouragé en cela par les Emirats arabes unis, suivie par l’Arabie Saoudite qui a dépêché son ministre des affaires étrangères à Tunis. De quoi s’interroger légitimement sur leurs intentions dans la recherche de la paix.
La France d’Emmanuel Macron qui peine à faire entendre sa voix, dans le concert de ce climat délétère, donne à sa diplomatie une autre orientation plutôt que de se rapprocher d’Alger où convergent plusieurs diplomates. C’est pour Tunis que Jean Yves Le Drian, le ministre français des affaires étrangères, a préféré faire le déplacement après le Caire, Égypte. La France qui n’a pas encore soldé son passif libyen du fait de son intervention et de ses conséquences en 2011, entend contrecarrer l’entrée en lice de la Turquie qui constitue le dénominateur commun des pro-Haftar. Paris, rival classique de l’Allemagne, n’entend pas laisser agir Angela Merkel et réussir la conférence de Berlin à son détriment. Elle choisit ainsi d’actionner ses relais en Europe pour les rallier à ses vues – sa cause ? Inquiet de la nouvelle entente entre la Tunisie et la Turquie scellée par la récente visite d’Erdogan, Le Drian fait miroiter à notre voisin de l’Est tous les avantages à tirer de son alignement sur Paris. Il faut noter également la perte de crédit de la politique africaine de la France du fait de son rôle au Sahel et la présence nuisible de ses forces armées, comme c’est le cas au Mali et au Niger. Un sérieux handicap quant à sa volonté de jouer un rôle en Libye.
Dans ce panier de crabes qu’est devenue l’affaire libyenne, il est à craindre que ne se répète le scénario catastrophique en Syrie qui a laissé un pays de grande civilisation en ruine, poussant des millions de gens à l’exode. Il est à craindre que c’est l’objectif recherché dans le cas libyen. Il est par ailleurs désolant de constater l’impuissance du système africain (UE) de règlement des crises ou l’émergence d’un comité de sages salutaires. Que vaudra alors une solution extra-africaine ?
Brahim Taouchichet

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