Placeholder

Rubrique Actualités

APRÈS LE MÉGA-CONCERT DE SOOLKING Fusibles, fake-news et promesses du Hirak

©Fateh Guidoum / PPAgency
©Fateh Guidoum / PPAgency

« Excusez-les d’exister, excusez leurs sentiments, la liberté c’est tout ce qu’il leur reste et ils la demandent gentiment .» Voilà pour paraphraser Soolking (Abderaouf Derradji) dans son tube mondial La Liberté.
Oui, on ne pleurera jamais assez, sinon autant que leurs parents, la mort de ces fans de l’enfant terrible de Baïnem, lieu de naissance de la nouvelle star algérienne, qui plus est un self-made man. Oui, ça fait mal d’une indicible et profonde douleur. Yasser avait tout juste 12 ans, Chiraz 19, Sofia 22 et Yacine 22.
Le destin funeste les a réunis une dernière fois pour fêter leur jeunesse, leur joie de vivre. Sur la pelouse du stade, par milliers, leurs semblables étaient dans une pleine communion avec celui qui reflétait le mieux leur être profond, leur quête identitaire.
Espoir, révolte, ras-le-bol des blocages et des échecs en tout genre, Soolking les traduit bien, parce qu’il fait partie intimement de cette jeunesse de l’après-décennie noire qu’ils n’ont pas connue au demeurant, et c’est tant mieux. Ils brûlent d’envie de vivre intensément leur âge, « la Liberté, c’est tout ce qui nous reste », « rends-moi ma liberté je te le demande gentiment », « le verre est plein », « excuse-moi d’exister, excuse mes sentiments ». C’est tout un programme que revendique cette jeunesse qui fait le Hirak, ces acteurs impertinents des réseaux sociaux.
Majoritairement anti-système comme on le voit depuis 27 vendredis, aussi bien dans leur engagement pétri de romantisme que dans leurs slogans réclamant un autre destin car : « Si faux, vos discours sont si faux .» N’en déplaise aux rabat-joie, ils étaient heureux de chanter à tue-tête, de vilipender le pouvoir à la veille des marches populaires de ce nouveau vendredi de mobilisation.
Oserions-nous dire que ces jeunes, surpris dans leur innocence, sont morts en martyrs des lendemains meilleurs ? La fête était nationale parce que tous les jeunes du pays ont afflué de partout et même de lointaines wilayas. Mais à la joie, au bonheur de vivre une soirée hors du commun a succédé le drame. Des familles ont été endeuillées. Inconsolables à juste titre.
Evidemment, l’on s’empresse à livrer en pâture les responsables vus dans le directeur général de l’Onda, l’organisateur du spectacle-événement, le chef de la sécurité et la ministre de tutelle. Autant de fusibles que fait sauter le gouvernement, visiblement dépassé par l’immense attractivité du concert, du plus grand concert dans une enceinte fermée.
Mais, il est sûr que ces mesures ne suffiront pas à panser les blessures. Il y a eu manque d’anticipation et même d’amateurisme.
A fortiori, l’on réalise que le site choisi aussi était très mal adapté.
Le même organisateur de semblables spectacles a pourtant réussi le pari avec le chanteur kabyle adulé «Idir» à la Coupole du 5-Juillet où les familles s’étaient déplacées en masse. Mais voilà que des voix s’élèvent, une fois de plus, pour crier à la sanction divine contre ces jeunes filles et garçons dévoyés et leurs parents irresponsables ainsi punis !
Les années 1990 ne sont donc pas aussi lointaines ? Sur les réseaux sociaux, la guerre fait rage, c’est le pot de terre contre le pot de fer, fort heureusement une minorité seulement, mais nuisible et polluante, s’active à mener la contradiction en référence aux valeurs sacrées. Quand bien même son impact est à relativiser, il révèle cet atavisme malheureux fait d’intolérance, d’obscurantisme qui a prévalu par le passé. Pourquoi faire de la bousculade une sanction divine. Qu’en est-il alors de celle qui a fait plus de 2 000 morts à La Mecque en 2015 ? Les inondations de Bab-el-Oued en 2001 avec ses 700 victimes ? Des exemples de cette nature on peut en citer à souhait et c’est certainement la faute au diable personnifié par les êtres humains incapables de maîtriser un processus qu’ils ont eux-mêmes mis en branle ! C’est la porte ouverte à l’intox, les fake-news. On apprend ainsi que l’imam de quartier de Sofia a refusé de prononcer la prière aux morts et qu’une épouse qui a laissé sortir sa fille a été répudiée !
Le syndrome Lynda De Souza, à la salle Atlas de Bab-el-Oued, est toujours présent, visiblement. Les récents événements semblent le confirmer à en juger par l’interdiction à Ouargla du spectacle de Kader Japonais, chanteur de raï soft dédié aux familles au Ramadhan 2018. C’est le même scénario à Jijel où, cette fois-ci, sur décision du maire, représentant de l’Etat, qui a annulé la soirée que devaient animer cheba Souad et cheb Redouane. Mieux, cœur battant du raï, Sidi-Bel-Abbès n’a pu organiser son festival, au final devenu indésirable aussi à Oran, capitale de l’Ouest.
Le cynisme et la calomnie portée à son paroxysme n’ont pas épargné la ministre de la Culture démissionnaire, accusée injustement de choses farfelues. Du reste, une ministre qui l’a précédée à ce poste, Khalida Toumi, a, elle aussi, subi les foudres des islamistes et apparentés contre lesquels, au demeurant, elle était farouchement opposée. Il est vrai qu’à côté de l’éducation, la culture a de tout temps été un foyer de contradictions de la politique officielle et le centre de luttes féroces.
Les réactions aux incidents du stade du 20-Août nous le rappellent. S’il a du plomb dans l’aile, l’obscurantisme ne s’avoue pas pour autant vaincu, il doit lui être livré une lutte permanente. Il fait bon ménage avec l’intolérance parfois meurtrière, ainsi à Sétif, Mila notamment où les logements de femmes, habitant seules, accusées de mœurs légères, ont été saccagés et incendiés dans le silence hypocrite de ceux-là mêmes qui sont chargés de la sécurité des citoyens. Et que dire de la culture de la violence diffusée par les sketches ramadanesques.
Soolking a raison de crier au monde haut et fort Liberté contre la sinistrose et le défaitisme ambiant. Pour cela, ils sont des millions de jeunes à le suivre et autant à alimenter le mouvement populaire du Hirak lequel met en avant une forte symbolique liée à la promotion des Algériens : « On sera les acteurs de la paix », « La voix qui prie pour un meilleur destin». Quelle belle réponse à ceux qui veulent effacer le sourire des lèvres des enfants. Pour ces raisons, le méga-concert de Soolking fera date.
Les tristes incidents qui se sont produits ne doivent pas être accolés à l’image de l’enfant prodige de Baïnem. Nous osons espérer d’autres fêtes aussi grandioses sinon plus, pour montrer que les Algériens sont capables du meilleur plutôt que du pire. La société algérienne n’a jamais abdiqué. Que la fête dans la joie continue !
Brahim Taouchichet

Placeholder

Multimédia

Plus

Les + populaires de la semaine

(*) Période 7 derniers jours

  1. BMS Des averses orageuses vendredi et samedi sur plusieurs wilayas du pays

  2. Intempéries Quatre personnes secourues à Tizi-Ouzou

  3. Air Algérie annonce la suspension de ses vols à destination de la Jordanie et du Liban

  4. Trafic de drogue Un réseau tombe à Oran

  5. Sfisef (Sidi-Bel-Abbès) Lumière sur l’assassinat des 3 taxieurs retrouvés enterrés dans une ferme

  6. CNR Les retraités appelés à utiliser la technique de reconnaissance faciale via "Takaoudi"

Placeholder