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Un des effets de la crise qui dure La chute «incontrôlée» du dinar

Souhil Meddah, expert financier .
Souhil Meddah, expert financier .

Déjà sans la brutale incursion de la pandémie de coronavirus, l’économie algérienne filait un très mauvais coton qu’illustrent tous les indicateurs généralement admis pour juger l’état de santé économique d’un pays.
Il en est un parmi ces indicateurs qui, particulièrement depuis quelques mois, inspire toutes les appréhensions, notamment chez les producteurs de valeur ajoutée, ces entrepreneurs qui, malgré tout, se déployaient pour se frayer une place dans une économie qui n’a d’yeux que pour ce dont regorge son sous-sol en richesses, le pétrole et le gaz.
En effet, la chute effrénée de la valeur du dinar par rapport à la monnaie européenne et au dollar est en train de prendre des proportions telles que l’impact sur les entreprises risque de s’avérer fatal pour leur équilibre financier, du fait que ces entreprises ne peuvent tourner sans la matière première importée, au fil des mois beaucoup plus chère à cause d’un taux de change qui n’en finit pas de prendre de la hauteur. Idem pour l’impact sur les ménages qui se retrouvent contraints de subir l’augmentation des prix des biens, aussi bien produits localement que ceux importés.
Selon une évaluation toute récente du Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise (Care), le dinar a perdu 37% de sa valeur vis-à-vis de l’euro et plus de 77% vis-à-vis du dollar américain sur les dix dernières années.
La chute du dinar algérien est le résultat de la dépréciation volontaire du dinar, entreprise par les gouvernements qui se sont succédé ces toutes dernières années, notamment afin de résorber autant que faire se peut les déficits budgétaires en grande partie dus à la chute de la fiscalité pétrolière induite par la crise pétrolière de 2014 puis cette année en raison de la crise sanitaire qui, en fin de compte, a mis à nu toutes les tares dont souffre l’économie nationale en attente de réformes effectives, et en finir avec un état des lieux de la maison Algérie, sur le plan économique, des plus angoissants.
De quoi, en tous les cas, susciter des incursions des économistes de divers horizons, à l’instar de celle de l’expert financier Souhil Meddah à travers l’entretien qu’il a bien voulu accorder au Soir d’Algérie.
Azedine Maktour

Souhil Meddah (Expert financier) :
«La situation va probablement aboutir sur des limites insoutenables dans le futur»

Le Soir d’Algérie : Beaucoup d’avis, pour ne pas dire tous, émettent les plus sérieuses craintes sur l’état des lieux de la maison Algérie sur le plan économique. Comment appréciez-vous la conjoncture qui s’est imposée au pays, déjà pas très brillante avant que la pandémie de coronavirus ne vienne compliquer une situation qui n’en avait vraiment pas besoin.
Souhil Meddah :
Il faut rappeler que dans la genèse des évènements, la conception de tous les compartiments économiques était depuis plusieurs années axée fondamentalement sur une pyramide descendante multiplicatrice des flux, basée sur des plans politiques, qui déterminaient les objectifs à atteindre et les voies à emprunter. Cette destination comptait souvent sur le rôle de l’État qui, en première position, devait mener le jeu, par rapport aux instruments de collecte des flux et ressources à base de contributions fiscales (pétrolières), soutenue par quelques ajustements monétaires et d’autres contributions fiscales (ordinaires), qui se retrouvaient systématiquement dans leur grande majorité à la dynamique des ressources extérieures avec leurs contreparties fiscales pétrolières.
La problématique pose, dans ce cadre, de sérieuses questions sur la naissance ou le basculement vers d’autres horizons de modèles capables de dégager des sources de compensations tenables et pérennes. À ce stade, dès que le moteur d’approvisionnement en flux et valeurs est déstabilisé, tout le processus subit un ralentissement caractérisé par d’autres effets collatéraux, tels que la baisse des liquidités et des moyens de financement de l’économie, la baisse graduelle des échanges et des autres activités annexes.
Toute cette tendance sous une forme conjoncturelle devait naturellement mettre en question la forme structurelle utile pour soutenir et assurer des réaménagements multidimensionnels, afin de créer des centres créateurs de ressources fiscales nouvelles. Ces centres créateurs de nouvelles ressources naissent à partir d’un basculement de modèle qui force l’État à se retirer de son rôle de meneur d’activité, à la condition que les flux multiplicateurs soient entièrement disponibles et mobilisables pour le plein emploi de tous les agents économiques (opérateurs, ménages, institutions financières et autres). Si cette perspective se précise, il y aura notamment trois types d’acteurs qui coordonneront leurs efforts dans ce sens. Les opérateurs de la sphère microéconomique, dans leur rôle d’agents qui mobilisent les ressources financières pour créer les outils de production (entreprises), pour fournir les biens et services aux espaces marchands et pour distribuer les valeurs et richesses (revenus, dividendes et fiscalité). Ensuite, les agents consommateurs, qui consomment et soutiennent les outils de production à travers les demandes. Et enfin les agents financiers, qui financent les projets d’investissement, financent les demandes et consommations et compensent les besoins en fonds de roulement des entreprises pour leur garantir des rythmes constants d’activité. Or, dans le cadre réel, les dysfonctionnements structurels ont été source de déséquilibre dans le montage de ces modèles de croissance, mais aussi dans l’aggravation de la situation de certains agents économiques, en se retirant de la chaîne.
La situation pandémique, pour sa part, a aussi provoqué une autre forme d’effets négatifs, par un ralentissement brutal qui, de facto, s’était transmis d’un secteur à un autre, d’une catégorie à une autre. Parmi les réactions qui ont été constatées, on évoque l’intervention institutionnelle de l’État en essayant de compenser les pertes de valeurs pour quelques agents économiques sans aucune autre contrepartie, qui, naturellement, devait se maintenir dans un espace de solidarité et de compensation entre des ressources qui émanent de la sphère économique qui est toujours en exercice ou celle qui détient des marges de sécurité, par rapport aux emplois affectés vers les classes vulnérables. Ce déséquilibre d’équation nous pousse à poser la question sur la nature du modèle que nous devons adopter afin de bien maîtriser les différentes formes de crises de ressources et de liquidités auxquelles nous sommes en train de faire face, ou celles auxquelles nous ferons face dans le future. D’autre part, la crise de liquidité qui s’est manifestée durant l’été dernier impute la responsabilité aux différents intervenants de la scène économique, quelle que soit leur nature, tout en identifiant les failles des administrations publiques dans les prises de décision, les institutions financières dans la mise en œuvre des instruments financiers digitalisés, les opérateurs économiques qui détiennent des valeurs fiduciaires à leur niveau, et les agents consommateurs qui sont très demandeurs des valeurs en cash pour subvenir à leurs besoins quotidiens.

L’actualité foisonne en nouvelles pas très joyeuses. Mais là, l’inquiétude est montée de plusieurs crans en raison de la dégringolade effrénée du dinar, notamment depuis l’été dernier, par rapport aux deux principales monnaies de référence. Votre analyse ?
La monnaie nationale est un instrument qui joue trois rôles. Le premier étant d’instrument de valeur et, sur ce plan la valeur du dinar est intimement liée au rythme dans lequel il évolue par rapport à l’activité économique en général. Car, comme toute autre marchandise, plus la demande sur le dinar se rétrécit, plus sa valeur baisse et, plus sa valeur baisse, plus il devient compétitif dans une certaine mesure. Le challenge étant de faire coïncider sa baisse avec une reprise ou non de l’activité économique réelle. La reprise de la demande sur le dinar ne peut pas répondre à une action artificielle, il faut qu’elle soit indexée dans la nature des flux financiers et de leur multiplication par rapport aux apports en valeurs ajoutées au sein même des échanges microéconomiques. C’est-à-dire qu’un stock de monnaie doit correspondre à un stock de biens et services et que son maintien vers une orientation haussière doit correspondre à une évolution permanente des outputs de la même sphère, tout en contribuant à sa quantité et à sa qualité et aux instruments qui la soutiennent tels que l’innovation, le sourcing et autres. Le deuxième est dans son rôle d’instrument d’échange. Et dans ce sens, il est utile de préciser que les échanges monétarisés doivent être canalisés au sein d’une sphère financière règlementée, tout en respectant le rôle fondamental des masses monétaires étalées sur les différents segments qui gèrent les flux monétaires. Et enfin son rôle d’instrument de réserve, c’est-à-dire vis-à-vis de tous les agents économiques, les réserves en monnaie peuvent être détenues sous plusieurs formes, notamment en placement ou en participations, contrairement à la réalité de thésaurisation que nous connaissons.

Une partie de la solution pour parer aux difficultés que traversent les entreprises publiques, selon le gouvernement Djerad, c’est l’ouverture du capital de ces entreprises dont le financement n’est plus possible à travers les deniers de l’État.
Chaque opération d’ouverture du capital ou de capitalisation en général doit faire face à trois conditions. La première concerne le montage du projet lui-même et de sa viabilité. Dans ce segment de positions, l’entreprise publique ne doit d’abord pas s’ouvrir dans un cadre urgent ou en phase d’impasse financière, car le marché boursier, qu’il soit en titres de participation ou en titres de placement, est un espace dynamique qui ne fonctionne que sur des options qui sont profitables et pérennes et il tient compte, bien sûr, de l’état de santé de chaque entité proposée, de sa situation actuelle et future. À ce titre, il est également très important de rappeler qu’une entreprise qui ouvre son capital doit donner une valeur à son titre par le biais de l’une ou des trois types d’approches, sur le patrimoine actuel, sur les valeurs futures, ou en titre de comparaison avec d’autres entités du même domaine ou de la même taille. Et de ce fait, les titres diffusés n’auront pas les mêmes valeurs que celles des actions nominales, qui, probablement, feront l’objet d’une adoption ou non de la part du grand public. La deuxième, pour sa part, concerne le volume potentiellement mobilisable en apport de capital ou de participation, car plus la liquidité augmente dans la sphère économique réelle (y compris les valeurs déclassées dans l’informel), plus le potentiel de mobilisation est confortable et, contrairement à ça, durant les périodes de crise des revenus, le potentiel de mobilisation devient difficile à cibler et à entretenir.
Et enfin, la troisième condition concerne le caractère même de l’opération et de ses objectifs sur le plan à moyen et long terme, car il faut savoir que le passage vers une capitalisation boursière, soit en APE ou en OPV, engage de facto un marché boursier qui, lui-même, est un segment économique important, qui doit répondre aux exigences du bon fonctionnement de ses compartiments secondaires permanents (ventes, achats et échanges d’actions).

Ouvrir une partie du capital de deux banques publiques au travers de la Bourse, que vous inspire cette solution ?
Le recours à ce type d’ouverture doit se poser dans un cadre d’utilité. Une banque publique est un agent financier qui détient la capacité de créer des valeurs financières en crédit et détient aussi des créances qui, pour certaines, sont saines et d’autres toxiques. Ce modèle de capitalisation doit soumettre une interrogation sur le mode de capitalisation, s’il passe par une offre publique de ventes, car dans ce cas, il sera question de transférer une partie du capital du détenteur unique et public du capital vers les différents agents économiques (institutionnels ou privés) et, dans ce cas, l’état réel surtout de l’actif de ces banques concernées qui doit faire l’objet d’une révision et d’assainissement. Il est fortement recommandé de procéder à un transfert des valeurs douteuses toxiques vers un compte consolidé d’assainissement supporté par le Trésor public, afin que la capitalisation soit réalisée dans des conditions claires et assainies. Dans le cas où l’opération envisagée passe par un appel public à l’épargne, cette opération peut se résumer par deux cas. Soit il s’agit d’un besoin en fonds propres pour les banques, qui leur permettra de mieux détenir les niveaux de leurs réserves fractionnaires utiles pour des futures notifications de crédits et de financements au profit des différents agents économiques (opérateurs, consommateurs et autres), soit pour des raisons de rééquilibrage des masses monétaires et de compensation des pertes sur les valeurs détenues en actif, qui feront probablement l’objet d’un assainissement ou d’une simple annulation future.

La situation financière du pays, qui n’a pas encore pu se relever de la crise de 2014 due à la baisse des prix du pétrole, et l’impact de la pandémie de Covid-19 apportent de l’eau au moulin des analystes qui n’écartent pas la possibilité que l’État décide de recourir, soit au financement extérieur soit au financement non conventionnel.
Avec le tarissement des ressources financières internes depuis au moins 2017 et la chute des revenus extérieurs depuis 2015, les mécanismes de reproduction des flux subissent un rythme descendant. Cette situation, couplée au phénomène pandémique actuel, va probablement aboutir sur des limites insoutenables dans le futur. Il est clair qu’avec le modèle que nous entretenons depuis plusieurs années, avec l’intervention permanente de l’État, les flux multiplicateurs ne pourront pas basculer immédiatement vers des sources tirées à partir de la contribution des valeurs ajoutées des différents agents économiques. L’intervention de l’État par la commande publique demeurera pendant très longtemps, et elle nécessitera sûrement des sources de financement imminentes. Si la situation continue d’évaluer de cette façon, le retour vers le financement non conventionnel redeviendra nécessaire. Le cas échéant, il faudrait compter également sur un retour à la méthode keynésienne pour assurer une multiplication des flux, avec une ouverture des autres branches d’activité et de ressources, avec notamment la contribution des banques qui reste un facteur capital pour équilibrer la donne économique et financière.

Les réformes économiques tardent à voir le jour. En attendant, nous dépendons plus que jamais de nos recettes des hydrocarbures, alors que celles-ci n’en finissent pas depuis quelque temps de se réduire, cette année de façon encore plus inquiétante. Quelles solutions préconisez-vous pour remédier à la situation ?
En temps de crise, le plus urgent est de maintenir un rythme d’activité aussi élevé que possible. Dans cette note, la seule voie possible passe d’abord par la contribution de l’État à travers sa politique budgétaire dépensière, qui garantit le plein emploi aux différents agents économiques en leur transférant des valeurs et richesses, qui elles-mêmes seront les ressources de demain. Cette trajectoire économique devra permettre aux acteurs les plus dynamiques de se lancer dans les différents secteurs, afin de garantir un plein emploi équilibré et réparti sur plusieurs secteurs. Les secteurs en question seront le moyen principal d’offrir des biens et services pour l’ensemble des marchés intérieur et extérieur. Il sera aussi question d’une politique monétaire flexible et adaptée, qui sera le principal moyen qui garantit le financement et la compétitivité.
A. M.

Tebboune signe la loi de finances 2021
Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a signé jeudi la loi de finances de 2021, a indiqué un communiqué de la présidence de la République.
La signature a eu lieu en présence du président du Conseil de la Nation par intérim, Salah Goudjil, du président de l'Assemblée populaire nationale (APN), Slimane Chenine, du Premier ministre, Abdelaziz Djerad et du chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le général de corps d'armée, Saïd Chanegriha, selon le communiqué.
Étaient également présents le ministre des Finances, Aymane Benabderrahmane, le chef de cabinet de la présidence, Nour-Eddine Baghdad Eddayedj, le secrétaire général de la présidence, Mohamed El-Amine Messaïd et le secrétaire général du gouvernement, Yahia Boukhari, selon la même source.
APS

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