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Entretien avec le Pr Smaïl Mesbah, Président de la Société Algérienne d’Infectiologie : «L’Algérie a une longue histoire avec le choléra»

Entretien réalisé par Salima Akkouche
Le Soir d’Algérie : Pouvez-vous commencer par nous raconter l'historique du choléra en Algérie ?
Smaïl Mesbah
: L’histoire du choléra en Algérie est ancienne et riche d’enseignements. En effet, cette maladie originaire d’Asie a connu, depuis 1817, sept pandémies. Si l’Algérie a été épargnée par la première pandémie (1817-1823), elle a, par contre, été touchée par les cinq pandémies suivantes qui ont sévi entre 1832 et 1911 puis par la septième pandémie qui a pris naissance, en 1961, dans les Célèbes en Indonésie, pour arriver en Libye et en Tunisie en 1970 et au Maroc et en Algérie en 1971.
Contrairement à la conception classique, le choléra n’a pas été introduit en Algérie seulement par les pèlerins de retour de La Mecque, comme ce fut le cas en 1850 (3e pandémie) et en 1855 (4e pandémie), il a eu, également, une origine européenne par voie maritime à partir du port de Toulon (France) lors de la 2e pandémie (1832-1835). Lors de la 6e pandémie qui a touché, en 1911, l’ouest du pays (Tlemcen, Sidi-Bel-Abbès, Mostaganem), l’origine n’a pu être établie avec certitude et ce, d’autant que les pays limitrophes touchés se situaient à l’est du pays, l’Italie puis la Tunisie.
Lors de la 7e pandémie, malgré les mesures prises, suite à l’apparition des premiers cas en Afrique, en 1970, en Guinée, les premiers cas de choléra firent leur apparition, le 16 juillet 1971, à Tlemcen pour s’étendre ensuite aux wilayas limitrophes puis au centre et ensuite à l’est du pays. Au cours de cette première épidémie, 1 332 cas de choléra furent bactériologiquement prouvés et 110 décès ont été déplorés, soit un taux de létalité de 8,3%.
Malheureusement, à partir de cette date, le choléra s’est installé en Algérie pour sévir à l’état endémique avec des poussées épidémiques cycliques tous les 4 ans, principalement durant la saison estivale, avec un nombre important de cas : 16 56 cas en 1975, 2 513 cas en 1979, 6 847 cas en 1982, 9 008 cas en 1986 et 1 296 cas en 1990.
Depuis des flambées localisées et de moindre ampleur avec une tendance régulière à la baisse ont été enregistrées : en 1991 à Adrar avec 122 cas confirmés et 3 décès ; en 1992, avec essentiellement des cas sporadiques qui ont été observés dans différentes wilayas des Hauts-Plateaux (1 à 7 cas par wilaya) à l’exception des wilayas de Tiaret et de Djelfa qui ont eu des taux plus élevés ; en 1993, avec 17 cas sporadiques notifiés.
Cependant, en 1994, suite aux graves inondations qui ont affecté le réseau d’approvisionnement en eau potable, une épidémie a été observée à Sétif avec 116 cas et à Béjaïa avec 11 cas. En 1995, un seul foyer limité de choléra a été observé à Mila avec 5 cas confirmés et 16 porteurs asymptomatiques suite à la consommation de l’eau d’un puits non traité. Depuis 1996, aucun cas de choléra n’a été notifié.
Au cours de cette longue histoire, il y a lieu d’observer que toutes les épidémies de choléra qui ont sévi en Algérie ont été liées à la contamination de l’eau potable qui n’était pas disponible en quantité suffisante et que la saisonnalité marquée du choléra (saison chaude) est en faveur de l’influence du climat, d’une part, et d’autre part, les différentes expériences de lutte dans le monde et en Algérie, grâce aux efforts qui ont été consentis, ont montré que le choléra n’est pas une fatalité et qu’il pouvait être maîtrisé et éliminé par des mesures de prévention énergiques et soutenues.

Nous savons que c'est une maladie à transmission hydrique, en dehors de l'eau, quels sont les autres modes de transmission possibles ?
Comme vous venez de le souligner, le choléra est avant tout une infection hydrique caractéristique du péril oro-fécal et c’est devenu une maladie environnementale qui fait partie des maladies contrôlables par l’hygiène. Cependant, il faut préciser que la transmission hydrique peut être directe suite à l’ingestion d’une eau contaminée (réseau d’AEP en cas de cross-connection ou d’inondations, puits et points d’eau non traités) soit indirecte suite à la consommation d’aliments nettoyés et/ou préparés avec une eau contaminée.
L’autre voie qu’il ne faut pas négliger et qui est prédominante dans la propagation de la maladie, c’est la transmission interhumaine, par l’intermédiaire «des mains sales», à partir des selles et des vomissures des malades qu’il y a lieu d’hospitaliser et de traiter, des porteurs asymptomatiques qu’il y a lieu de rechercher et de traiter et des cadavres de personnes décédées de choléra en l’absence de respect des mesures de prévention prévues à cet effet.

Le mois dernier, l'Algérie a vécu une période de grande panique où plusieurs personnes ont été hospitalisées pour cause de suspicion de choléra, dont 74 cas confirmés, issus de 6 wilayas différentes, peut-on parler d'épidémie de choléra ?
Au sens de la définition de l’OMS pour un pays qui n’est pas endémique comme c’est le cas de l’Algérie depuis plus de 20 ans, un seul cas de choléra confirmé suffit pour considérer qu’il s’agit d’une épidémie afin de prendre immédiatement toutes les mesures de prévention et de lutte requises.

Il y a eu un retard dans la confirmation du diagnostic, jugez-vous que c'était le temps nécessaire ?
Il m’est difficile de répondre de façon précise à cette question, mais la question qui se pose en pareil cas n’est pas tant le diagnostic de cette maladie que nos médecins notamment nos infectiologues sur tout le territoire national savent reconnaître et prendre en charge et que nos microbiologistes savent confirmer, mais elle se pose en termes de déclaration à temps de nature à circonscrire le foyer à son début et éviter toute propagation à travers la mobilisation immédiate des services de santé pour assurer le dépistage et la prise en charge de tous les cas suspects, l’information et la sensibilisation de la population aux risques encourus en l’absence d’hygiène et à l’intérêt de consulter immédiatement en cas de diarrhées ; le déclenchement immédiat de l’enquête épidémiologique pour retrouver le plus rapidement possible la source et la tarir.

A votre avis, quels sont les moyens qui devraient être mis en place pour identifier la source exacte du départ de cette épidémie ?
Cette épidémie constitue une réémergence du choléra dans notre pays et nécessite de ce fait que tous les moyens soient mis en œuvre pour en éviter la résurgence à court terme et l’éliminer à moyen terme dans le cadre d’une approche intersectorielle qui doit être soutenue dès lors que nous disposons de toutes les capacités requises.
La question ne se limite pas à identifier le ou les points d’eau contaminés mais à déterminer, dès lors que notre pays est indemne de choléra depuis 1996, comment ce ou ces points d’eau ont été contaminés et de s’assurer que cette contamination a été accidentelle ou non. Parallèlement, et c’est ce qui est en train d’être effectué, il s’agira d’analyser et de caractériser la souche responsable de cette épidémie pour en connaître l’origine et le parcours à moins qu’il ne s’agisse d’une souche mutante.

Que pensez-vous de l'incrimination des fruits et légumes dans cette maladie ?
Par définition et d’une façon générale, comme dit précédemment, les fruits et légumes, dès lors qu’ils sont lavés par une eau contaminée ou manipulés par des «mains sales» de patients ou de porteurs asymptomatiques, constituent une voie de transmission. Dans le cas de l’épidémie actuelle, seule l’enquête épidémiologique permettra de déterminer le rôle ou non des aliments dans la propagation de la maladie.

Rejoignez-vous les déclarations des responsables qui pointent du doigt l'absence d'hygiène des citoyens ?
La question actuelle qui doit tous nous préoccuper est non seulement la mobilisation de tous les secteurs impliqués pour mettre fin à cette épidémie dans les meilleurs délais possibles, mais aussi le maintien de la vigilance et de la surveillance dès lors que le risque de résurgence ne peut être exclu pour le moment pour s’atteler à éliminer cette maladie.
La question de l’hygiène est, bien évidemment, fondamentale sachant que le choléra est une maladie contrôlable par l’hygiène et cette question devient une priorité absolue qui devra être abordée, sans complaisance, par toute la société et dans tous ses aspects en rapport avec l’environnement, l’accès à une eau de qualité en quantité suffisante, l’assainissement des excreta et des déchets et la mobilisation sociale sur, notamment, l’hygiène des mains et des aliments afin de prémunir et de protéger la population non seulement du choléra mais également des autres maladies liées à l’environnement, à l’eau et à l’alimentation.
S. A.

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