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Partenariat Cimenteries publiques-Sociétés étrangères Le constat clair-obscur de la Cour des comptes

Dans son rapport 2021, un document-fleuve de plus de 500 pages, la Cour des comptes a passé au peigne fin la manière dont ont été utilisés les ressources, moyens et fonds publics, de l’État tel que le lui confère la Constitution. Un contrôle rigoureux à travers lequel elle a procédé à l’évaluation du partenariat des entreprises publiques économiques (EPE) avec les sociétés étrangères dans la filière de l’industrie du ciment.
La Cour des comptes rappelle que le partenariat des EPE avec des sociétés étrangères dans la filière de l’industrie du ciment, ayant ciblé cinq cimenteries, a été concrétisé, pour chaque société de ciment, par le biais d’un contrat de cession d’actions, à hauteur de 35% du capital social, adossé à un contrat de délégation du management de la société à la firme étrangère acquéreur des actions. Il a pour objectifs la mise à niveau et l’accroissement de la production des cinq cimenteries pour faire face à la demande nationale croissante. La mission d’évaluation de la Cour s’est axée, essentiellement, sur la mise en œuvre des contrats de délégation du management, la mise en exergue qu’en dépit de l’amélioration des rendements moyens annuels des cimenteries, comparativement à leurs performances antérieures à l’entrée en partenariat, cette opération n’a pas permis de mettre à niveau les outils de production des sociétés concernées et de les faire bénéficier du savoir-faire en management et de l’expertise en industrie du ciment des partenaires étrangers, dont certains de renommée internationale. Des «reproches» établis après un contrôle quasi «microscopique» d’absolument tout ce qui a trait à la gestion des entreprises nationales de l’industrie du ciment que sont la Société des ciments de Hadjar Soud (SCHS), la Société des ciments de Sour-el-Ghozlane (SCSEG), la Société des ciments de la Mitidja (SCMI), la Société des ciments de Zahana (SCIZ), et la Société des ciments de Beni-Saf (SCIBS). Les sociétés en question sont liées par des contrats de management d’une durée renouvelable de 4 ans pour la SCHS et la SCSEG et de 10 ans pour la SCMI, la SCIZ et la SCIBS. L’évaluation de la Cour a porté sur les conditions de conclusion des contrats de délégation du management aux sociétés étrangères et de leurs résultats.

Un tas d’entorses
Il ressort de l’évaluation que l’opération de partenariat-privatisation de la filière ciment a, outre l’ouverture du capital social aux investisseurs étrangers, contribué à l’amélioration des rendements de production annuels des cimenteries. Cependant, les objectifs contractuels de production fixés dans les contrats de management de quatre cimenteries sur les cinq et l’objectif de mise à niveau de leurs outils de production n’ont pas été atteints, en dépit des opportunités qu’offrait, durant cette période, le marché national du ciment, et la rentabilité des cimenteries et de leur aisance financière. Cela est dû notamment aux insuffisances du cadrage du partenariat par les contrats de management et à l’inobservation de certaines clauses contractuelles en particulier celles relatives à la mise en œuvre des plans d’investissement arrêtés pour la réalisation des objectifs de production. Les prix de cession des actions ont rapporté 58 millions d’euros à la SCHS, 52 millions d’euros à la SCEG, 35 millions de dollars à la cimenterie de Béni Saf, 32,6 millions d’euros à celle de Zahana, et 43,5 millions d’euros à la Société de la Mitidja. En plus de l’objectif de l’augmentation de production, les contrats de management passés avec les étrangers ont imposé certaines conditions à caractère social, environnemental et commercial à respecter par le manager, à savoir : le maintien du personnel employé par la cimenterie à la date d’entrée en vigueur du contrat de management, l’approvisionnement prioritaire en ciment du marché national, le respect de la politique commerciale et des prix de vente du ciment qui relève de la compétence exclusive des organes sociaux de la société, et le respect des lois et règlements régissant l’environnement.
L’épluchement des documents des cimenteries contrôlées a fini par révéler de nombreuses «entorses», à commencer par la «rémunération de l’atteinte des objectifs selon le seul critère de la quantité produite de clinker». Il s’est avéré que seule la SCIBS a introduit une clause contractuelle qui précise clairement que la quantité de clinker à rémunérer est celle convertie en ciment. Et encore ! Cette clause n’a pas été respectée en pratique puisque le manager a été rémunéré, de 2005 à 2014, pour un montant total de 3,612 Mrds de DA, sur la base uniquement de l’atteinte de l’objectif de 1 million de tonnes de clinker. Parmi les anomalies relevées également, la Cour des comptes a constaté l’absence de définition des critères de désignation du directeur général et des conditions de sa révocation. Les contrats de management conclus n’ont pas introduit une clause relative à la définition du profil, ainsi que les critères de qualification et d’expérience requis pour la désignation au poste de directeur général (DG) et de son équipe de management, en adéquation avec les exigences de l’industrie du ciment, ainsi que les conditions de leur révocation. Seul le contrat de management de la SCIBS a prévu que le manager doit transmettre, un mois avant leur désignation, les CV1 de l’équipe du manager mais sans définir au préalable les exigences professionnelles. Certaines sociétés n’ont même pas pu fournir à la Cour des comptes les CV des DG et des experts employés par le manager, ce qui prouve que le conseil d’administration ne remplissait pas la mission qui lui revenait selon les statuts de la société relative à la désignation du DG. Il a été relevé une instabilité des DG désignés, à l’exception de la SCMI Mitidja qui n’a connu que trois DG durant toute la période de son contrat de management. A titre d’exemple, la SCIBS Beni Saf a été dirigée par 12 DG entre 2005 et 2018, soit presque un DG par an.

Peu d’intérêt pour le transfert de savoir-faire
Aussi, il a été relevé par la mission de la Cour que la formation et le transfert du savoir-faire n’ont pas bénéficié de suffisamment d’intérêt dans les contrats de management. Il y a également le fait que «la relation manager-conseil d’administration n’est pas clairement fixée». 
Par ailleurs, il a été constaté que les plans d’investissement, notamment ceux relatifs à l’extension des lignes de production, dont les montants sont supérieurs, dans la plupart des cas, à 20 millions d’euros, sont financés par les sociétés en recourant notamment aux emprunts bancaires. Ces plans ne sont pas traduits en business plan en vue non seulement, de montrer leur incidence sur l’accroissement de la production mais aussi sur les principaux indicateurs de gestion tels que le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée, le résultat net et l’équilibre financier de la société . Ils n’ont pas été respectés dans toutes les sociétés, aussi bien dans leur consistance physique et financière que dans leur planning de réalisation.
Certaines sociétés ont engagé des coûts d’investissements supérieurs à ceux prévus contractuellement. L’exemple le plus illustratif, dans ce cas, est celui de la SCMI dont le contrat a prévu 20 millions d’euros pour la mise à niveau et 30 millions d’euros pour l’extension, alors qu’elle a réalisé, durant la période contractuelle du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2017, des investissements d’un montant de 8,212 milliards de DA, soit l’équivalent de 61 millions d’euros et ce, uniquement pour mettre à niveau la cimenterie sans l’extension. Globalement, les délais de réalisation des plans d’investissement ont connu des dépassements importants. Parmi les autres remarques relevées dans le rapport, il est apparu que le programme d’extension des sociétés de la SCIZ, de la SCMI et de la SCIBS a été abandonné, le rendement des sociétés en partenariat a bel et bien crû mais sans atteindre l’objectif de la capacité nominale. La Cour a observé que l’accroissement de la moyenne annuelle de production de la période 2013-2020 a été atténué par la baisse de la production durant la période 2017-2020 en raison essentiellement de deux facteurs : l’amplification de la concurrence durant cette période avec l’entrée en exploitation de nouvelles cimenteries du secteur privé qui ont pris une part importante du marché du ciment, les effets de la pandémie en 2020 sur le secteur du bâtiment et, par conséquent, sur la production du ciment.
Finalement, la Cour des comptes, eu égard à tout ce qu’elle a constaté, a recommandé aux cimenteries publiques entrées en partenariat avec des étrangers, de définir avec rigueur les clauses du contrat de management relatives aux objectifs de l’entreprise notamment en matière de part de marché, de rentabilité, d’efficacité et de qualification du personnel avec un système adéquat de rémunération du partenaire manager, veiller à inclure dans le contrat de partenariat/management la clause concernant le transfert du savoir-faire et de l’expérience technologique qui font la réputation du partenaire/manager. 
Azedine Maktour

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