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Stratégie économique du gouvernement Le FMI pointe «des risques majeurs»

La mission effectuée, entre le 27 février et le 12 mars derniers, par une délégation d’experts du Fonds monétaire international (FMI) en Algérie, conformément à l’article IV de ses statuts, et le rapport qui en a suivi, rendu public au début du mois de juin dernier, n’en a pas fini avec les commentaires et surtout les mises en garde de l’institution de Bretton Woods contre la nouvelle stratégie préconisée par les autorités algériennes pour aboutir à la préservation de la croissance.
C’est ainsi qu’un nouveau rapport a été publié, lundi en fin d’après-midi, par le FMI pour revenir, d’une part, sur ce que les autorités du pays ont décidé de mettre en œuvre afin de redresser la situation et, d’autre part, sur l’avis des experts membres de la mission sur ces dispositions et, bien entendu, les potentielles conséquences du recours de l’Algérie au financement non conventionnel, la planche à billets. Le passage au crible de l’état de l’économie nationale a, comme rapporté dans nos éditions du 3 juin et du 17 du même mois, suscité une pléthore de remarques et surtout des craintes clairement émises quant aux perspectives de l’économie algérienne par le FMI. En fait, dans son document publié lundi, l’institution monétaire internationale s’est surtout adonnée à un «démontage» en règle des solutions préconisées par les autorités du pays. Le FMI dit admettre que sur le court terme, voire le moyen, la démarche décidée par le gouvernement pourrait s’avérer à bon escient, mais au-delà de l’année 2020, la croissance risque un très grand ralentissement, avec comme conséquence un fort taux de chômage.
Selon ce qui est rapporté dans le document rendu public il y a deux jours, les autorités algériennes ont confié à la délégation du FMI que la nouvelle stratégie vise à préserver la croissance et l’emploi. «Confrontées à la hausse du chômage, devant rembourser des arriérés domestiques, et réticentes à recourir à l’emprunt extérieur ou à laisser le taux de change se déprécier davantage, les autorités ont vu leur choix se limiter à deux possibilités : poursuivre l’assainissement rapide des finances publiques en 2018, ce qui nuirait encore à l’activité, ou dégager des marges budgétaires pour augmenter les dépenses en recourant au financement monétaire. Confiantes que les risques associés au financement monétaire pourraient être maîtrisés, elles ont choisi la deuxième voie.» Une nouvelle stratégie qui repose sur, d’abord, une augmentation des dépenses budgétaires en 2018 qui finira par se traduire par un déficit dépassant de plus de 6% du PIB les prévisions pour la période 2017-2019. Les dépenses d’investissement augmenteraient de 21,2% en termes nominaux par rapport à 2017, notamment pour épurer les arriérés, et les dépenses courantes de 6,9%, en raison notamment d’un important transfert en faveur de la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS). La masse salariale restera pratiquement inchangée en termes nominaux. Les autorités prévoient de reprendre l’assainissement en 2019, avec des coupes sombres dans les dépenses, et de rétablir l’équilibre budgétaire d’ici à 2022. La stratégie mise au point par les autorités algériennes a prévu, en guise de second axe, le recours au financement par la Banque centrale, en rappelant que la loi sur la monnaie et le crédit a été modifiée en octobre 2017 afin de permettre à la Banque d’Algérie de financer directement, entre autres, le déficit budgétaire, le rachat de créances du secteur public et le Fonds national d’investissement (FNI). Pour le financement monétaire, la Banque d’Algérie achète des titres d’Etat émis dans ce but spécifique, présentant de longues échéances et un taux d’intérêt de 0,5%. Selon l’estimation des services du FMI, le financement monétaire pourrait, d’ici à la fin 2018, représenter l’équivalent d’environ 23% du PIB de 2017. Afin d’éponger une partie des liquidités injectées au moyen du financement monétaire, la Banque d’Algérie a relevé le taux de réserves obligatoires de 4% à 8% en janvier 2018, et elle a repris ses opérations d’absorption en prenant des dépôts bancaires à sept jours. Elle envisage également une augmentation modérée du taux directeur.
Le troisième axe de la stratégie algérienne consiste en le renforcement des obstacles à l’importation. Ceci, a-t-on expliqué à la délégation du FMI, afin d’enrayer la diminution des réserves de change et de promouvoir la substitution de produits nationaux aux importations. L’Algérie a, ainsi, remplacé son régime de licences d’importation par une interdiction temporaire frappant les importations d’environ 850 catégories de biens. Elle a également allongé la liste des marchandises soumises à un droit d’accises de 30% et considérablement relevé les droits de douane, jusqu’à 60%, pour d’autres produits. Quatrième et dernier point de la stratégie algérienne, l’adoption des réformes structurelles. Là, le document du FMI note que le budget 2018 a poursuivi la réforme des subventions à l’énergie en relevant les taxes sur les carburants et l’électricité. Les autorités travaillent avec la Banque mondiale pour approfondir la réforme et mieux cibler leur aide en faveur des ménages vulnérables, la mise en œuvre étant prévue à compter de 2019, a donc noté le FMI sans prendre en compte le cafouillage né des déclarations de Raouya et des répliques d’Ouyahia, il y a quelques jours. Quoi qu’il en soit, pour le FMI, les Algériens ont également adopté un ambitieux plan de réformes structurelles visant à simplifier la réglementation relative aux entreprises, à améliorer la gouvernance et la transparence, à réformer le régime de retraites et à moderniser le secteur financier. Un plan qui s’appuie sur les efforts déjà réalisés pour améliorer le climat des affaires, dont l’ouverture du fret maritime et aérien au secteur privé. Les autorités s’emploient, note le FMI, à renforcer la gestion des finances publiques, à moderniser leurs instruments de politique monétaire et à favoriser le développement d’un marché des changes à terme. Un décret récent charge la Banque d’Algérie d’évaluer régulièrement la mise en œuvre du programme de réformes des autorités et de communiquer ses conclusions au président de la République.
Une nouvelle stratégie de la part des autorités algériennes qui suscite toutes les appréhensions du FMI tant elle comporte de sérieux risques, selon les mots utilisés par l’institution que dirige Christine Lagarde. «Dans un environnement où les aléas extérieurs risquent d’entraîner une révision à la baisse des perspectives, la nouvelle stratégie pourrait exacerber encore les déséquilibres macroéconomiques, voire les tensions sociales», explique le FMI avant d’énumérer ces risques. Il y a d’abord le risque de compliquer la gestion macroéconomique. Puis au FMI de se lancer dans une explication selon laquelle si les taux d’intérêt restent bas et ne réagissent pas aux variations de l’endettement, le montant du financement monétaire sera moins sujet aux contraintes budgétaires que ne le serait le financement sur les marchés. Ceci risque de dégrader encore la discipline budgétaire, et d’augmenter encore les besoins de financement monétaire.
Si les autorités demandent de façon répétée des injections de liquidités, la capacité de la Banque d’Algérie à maîtriser les conditions monétaires et à assurer la stabilité des prix s’en trouvera compromise et son bilan en sera affaibli. Cette situation, combinée au nouveau rôle de suivi des réformes structurelles qui vient d’être confié à la Banque centrale, mettrait encore plus à mal son indépendance de fait, assure le FMI.
La stratégie algérienne est tout indiquée, selon l’institution internationale, pour attiser les tensions inflationnistes. Faute de stérilisation adéquate, l’augmentation de la liquidité relèverait la richesse nominale, perçue ou réelle, et stimulerait la demande, ce qui se traduirait par une hausse des prix à court terme en raison de l’insuffisance de l’offre intérieure et des possibilités d’épargne. Dans le même temps, le durcissement des barrières à l’importation risquerait d’alimenter les pressions inflationnistes en réduisant l’offre, voire en débouchant sur des pénuries pour certains produits. Les attentes en matière de salaire et de prix pourraient s’ajuster rapidement et se renforcer mutuellement. Les autorités pourraient alors se trouver obligées de recourir au financement monétaire au cours des années suivantes, ce qui risquerait d’entraîner l’économie dans une spirale inflationniste, craint le FMI qui s’attend, en guise de conséquence également de la stratégie adoptée par les autorités algériennes, à un accroissement des tensions sur les réserves de change. En raison du peu de flexibilité de l’offre intérieure, tout au moins à court terme, les injections de liquidités alimenteront la demande d’importations. La réponse à cette demande dépendra de l’efficacité des nouvelles barrières commerciales, mais les tensions qui ne pourront être apaisées via la balance des paiements (ce qui entraînerait une baisse encore plus importante des réserves) viendront alimenter davantage l’inflation. A mesure que les réserves de change diminueront, les tensions exercées sur le taux de change augmenteront. La probabilité d’assister à une dépréciation marquée du taux de change intensifierait la demande de devises sur le marché parallèle, ce qui encouragerait encore la recherche de rente, prévient le FMI. L’autre risque que pourrait induire la solution adoptée par le gouvernement c’est que cela pourrait nuire à la croissance. «En effet, l’expansion budgétaire donnera initialement un coup d’accélérateur à l’activité économique, mais cela sera pour une courte durée, non seulement en raison de l’assainissement des finances publiques programmé pour la suite, mais aussi du fait que, compte tenu des entraves considérables au développement du secteur privé, les injections de liquidités profiteront principalement à la consommation et non à l’investissement.» En conséquence, raisonne le FMI, la hausse de l’inflation pourrait réduire progressivement l’efficience économique et dissuader les investisseurs.
Et puis, ce que pourrait induire la stratégie du gouvernement, si l’on se fie au raisonnement du FMI, c’est d’aggraver les risques pour la stabilité financière à moyen terme. Selon les experts de l’institution de Bretton Woods, à court terme, l’amélioration des conditions de liquidité, l’apurement des arriérés domestiques de l’Etat et l’augmentation de la croissance amélioreront les indicateurs de solidité des banques, mais les risques pesant sur le système bancaire pourraient ensuite s’aggraver. L’abondance de liquidité bancaire pourrait alimenter la croissance du crédit et entraîner un relâchement des conditions d’octroi de prêts. Le risque de crédit pourrait alors s’aggraver si la croissance économique ralentit, surtout si les mesures de stérilisation et les tensions inflationnistes poussent les taux d’intérêt à la hausse. Sur la base des données récoltées et se fiant aux détails de la politique annoncée par les autorités, le FMI trouve que l’économie algérienne «avance sur une voie étroite» et surtout «une voie sujette à des risques majeurs».
Az. Maktour

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