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Vendredi 22 mars, acte V

Photo : Samir Sid
Photo : Samir Sid

Les mauvaises conditions météorologiques n'ont pas eu raison de la mobilisation citoyenne qui s'est exprimée hier, pour le cinquième vendredi consécutif, à travers de nombreuses grandes villes du territoire national.
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Vendredi 22 mars, 10h30. Une affiche, de taille moyenne, tirée en plusieurs dizaines d'exemplaires, est distribuée à tous les manifestants déjà nombreux à la place Audin. Le message qu'elle comporte attire particulièrement l'attention. Sur fond bleu, un dessin, celui d'un père interrogé par son enfant : «Le bonheur est encore loin papa ?» Celui-ci lui répond en substance : «Le chemin est encore long tu dois patienter.»
A la vue de cette affiche, une dame vêtue d'un long ciré vert, verse des larmes d'émotion : «Ils (les jeunes Algériens) ont tout compris sans qu'on ait eu besoin de leur expliquer.» Elle avoue n'avoir raté aucun vendredi. Mais ce matin, elle a décidé de venir très tôt au centre-ville «donner l'exemple», «inciter les gens à sortir» car craignant une réticence des Algérois à sortir sous la pluie.
L'inquiétude n'avait pas lieu d'être, la foule était, encore une fois, au rendez-vous. Immense, organisée, drapée comme un seul homme dans les couleurs nationales. «Nous sommes unis, Chawis, Kabyles, M'zab et Algérois, tous des frères, mais vous dégagez», peut-on lire dans une pancarte tenue haut par son rédacteur, un jeune qui a décidé de se raser uniquement les vendredis par respect «pour la foule qui marche chaque semaine».
Comme beaucoup, il active au sein de groupes de quartiers pour adapter les slogans à la situation. Ceux exprimés hier se veulent un véritable réquisitoire contre les nouveaux visages apparus sur la scène politique. Ramtane Lamamra, Lakhdar Brahimi et Bedoui sont très sévèrement critiqués, appelés à partir. La tournée a l'étranger mené par le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères a très mal été perçue.
Des groupes de manifestants ont défilé en brandissant des brosses à linge (el chita) symbolisant la soumission aux puissances étrangères. Ils brandissaient aussi des pancartes très explicites : «Lamamra tu nous parles de l'étranger pour faire plaisir à tes maîtres», «Lamamra tu as mis la mer entre toi et nous, reste où tu es», «Nous avons un ministre de la main étrangère.»
Lakhdar Brahimi est raillé : «Go out, tu vois bien que tu ne nous connaissais pas» «Brahimi, on te le dit dans la langue que tu comprends, go out.» Des pancartes nombreuses rassemblent les trois noms : «Lamamra, Brahimi, Bedoui, dégagez.»
A la mi-journée, Audin et Didouche-Mourad sont déjà noires de monde. La pluie est pourtant incessante à ce moment. Mais elle n'a retenu ni les familles ni les enfants. Ces dernières semblent, au contraire, mieux organisées que durant les rendez-vous précédents. Beaucoup attendent sous les immeubles que la foule grossisse pour se joindre au mouvement.
Certains attendent des parents partis accomplir la prière hebdomadaire. D'autres avouent préférer prier à la maison pour éviter d'être retardés dans les embouteillages. Vers 13h30, il n'y a déjà presque plus de place pour se déplacer entre la place du 1er-Mai et le centre-ville.
Les messages qu'expriment les manifestants sont aussi plus nombreux. Aucun mot prononcé par les responsables en place, les soutiens traditionnels de Bouteflika, parti affilié à l'Alliance présidentielle ne passe inaperçu. Et les réponses se sont faites en fonction des derniers développements enregistrés durant la semaine.
Un véritable tribunal populaire semble en cours. FLN et RND sont fustigés : «Moad (Bouchareb) tu as renié ta religion, ton Dieu ? Tu es un apostat», «FLN, RND dégagez.» Un carré de manifestants, parfaitement organisé et composé essentiellement de personnes d'un certain âge, défile non loin de là avec une large banderole sur laquelle on peut lire : «Pour une Assemblée constituante authentique.» Une réponse évidente à Ramtane Lamamra qui comparaît la conférence nationale à une constituante. «Pas de réformes, vous avez eu votre référendum.» Il est 16h. Tout mouvement devient impossible au sein de la foule. D'autres manifestants arrivent pourtant.
D'El-Biar, des carrés bien organisés entament une descente vers le centre-ville. Un jeune enfant drapé de l'emblème national ouvre symboliquement la marche. Ils sont aussi très nombreux à marcher sur l'autoroute en direction du 1er-Mai. Ils scandent «Vous partirez, c'est vous partirez». La circulation routière est impossible sur ce tronçon. Globalement, le dispositif de sécurité mis en place n'a pas été plus important que durant les vendredis précédents. Il était, par contre, et tout naturellement beaucoup plus renforcé aux abords de la présidence de la République et au niveau de tous les chemins y menant. Tous ceux qui ont tenté de s'y risquer ont été repoussés à coups de gaz lacrymogènes.
Le symbole est trop fort pour laisser y accéder les manifestants pacifiques. Et il l'était encore plus hier au moment où l'ancien Président Zeroual était scandé non loin des Beaux-Arts...
A. C.

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