Actualit�s : HAFNAOUI AU "SOIR D'ALG�RIE"
“Ma libert� ne vaut rien sans celle de Benchicou”


Hafnaoui a d� jouer des coudes pour quitter son domicile, submerg� qu’il �tait par une immense foule, pour se retrouver chez ses voisins afin de pouvoir se pr�ter tranquillement au jeu des questions-r�ponses.

L’homme qui a d�fray� la chronique par ses r�v�lations concernant la mort suspecte, l’ann�e derni�re, de 13 b�b�s � l’h�pital de Djelfa, n’a rien perdu de sa verve et de la force de ses d�clarations. Il affirme dans cet entretien que durant sa d�tention, l’exwali de Djelfa et l’ancien procureur de la R�publique ont tent� de v�ritables actions psychologiques pour l’affaiblir davantage. Tout en indiquant qu’il continuera son travail de sensibilisation de la soci�t� civile � travers ses �crits et son engagement militant dans l’organisation de la Ligue alg�rienne des droits de l’homme, il fera remarquer que sa lib�ration a �t� obtenue gr�ce � la mobilisation des journaux de la presse ind�pendante, des organisations de la soci�t� civile et des institutions internationales de d�fenses des droits de l’homme. Une libert�, atteste-t-il, qu’il ne saura savourer sans voir son coll�gue Mohamed Benchicou, journaliste- directeur de la publication du quotidien Le Matin, reprendre sa libert�.

Le Soir d’Alg�rie : Vous venez de quitter la prison de Djelfa apr�s plus de six mois de d�tention. Comment cela s’est produit ?

Hafnaoui : Je me pose la m�me question. La veille de ma lib�ration je me trouvais dans la prison de Ouargla, lieu de ma seconde d�tention apr�s mon transfert, il y a de cela pr�s de 35 jours, afin de me pr�senter devant le juge du tribunal de cette ville. Je devais r�pondre au m�me titre que d’autres citoyens, organis�s dans le mouvement citoyen du Sud pour la l�galit�, aux chefs d’accusation de trouble � l’ordre public et de constitution d’association non agr��e. Apr�s avoir pass� plus d’une trentaine de jours, les autorit�s p�nitentiaires, et je pense que la d�cision est venue des responsables de la justice, ont pris la d�cision de me reconduire � la prison de Djelfa. Donc apr�s une p�riode de plus d’un mois, je retrouve ma premi�re cellule � Djelfa le mardi dernier. Mon retour se fera dans des conditions ordinaires. Aucun signe ne pr�sageait aussi que j’allais vivre des moments particuliers durant la journ�e de mercredi. A 17 heures, des gardiens de la prison se pr�sentent devant ma cellule et me recommandent de quitter l’endroit, paquetage � la main. Je m’attendais � une proc�dure de changement de cellule, mais grand fut mon �tonnement lorsqu’un de mes interlocuteurs m’informe que “dans quelques moments je serais libre et d�sormais je ne serais plus compt� parmi les prisonniers”.

Pourquoi �tes-vous �tonn� ?

Pour la simple raison qu’il me restait cinq mois de la peine que je devais purger. Normalement, selon les verdicts de justice arbitraires qui se sont abattus en cascade sur ma personne, je devais rester jusqu’au mois de mars prochain priv� de ma libert�. Pour un �tre � qui on a ravi injustement sa libert�, la souffrance est intenable comparativement aux personnes qui se sont rendues coupables de d�lit. Vous �tes en quelque sorte sous l’�treinte continuelle de la hogra. Ne pas voir sa fille, sa femme, ses fr�res, ses sœurs, ses parents ainsi que son entourage naturel parce qu’un responsable local en a d�cid� ainsi, est la pire des frustrations; c’est une mort � petit feu. Cela dit, je demeure convaincu, et tout est � l’honneur des hommes libres dans ce pays, que c’est gr�ce au soutien et � l’�lan de solidarit� de la presse ind�pendante, des organisations de la soci�t� civile et des organes de d�fense des droits de l’homme tant nationaux qu’internationaux que je suis aujourd’hui parmi ma famille, mes camarades et ma deuxi�me famille qui regroupe les vaillants gardiens de la libert� d’expression, les journalistes libres.

Pour revenir aux circonstances de votre lib�ration, vous ne savez donc absolument rien des faits qui ont concouru pour la rendre possible ?

Les responsables du p�nitencier de Djelfa n’�taient pas prolixes ou ne voulaient pas discourir avec moi sur les circonstances ayant pr�sid� � ma lib�ration. A chaque fois que je formulais la question sur les motivations d’une telle d�cision, mes interlocuteurs restaient de marbre. Sauf quelques-uns, apr�s l’�tablissement du constat de ma lib�ration, qui m’ont d’ailleurs exhort� de ne pas trop insister sur cette question, ont signal� subrepticement que la “d�cision venait d’en haut”.

Cela veut-il dire que c’est l’autorit� politique supr�me qui en a pris la d�cision ?

Je pense que cette d�cision, qui a tout l’air d’�tre une gr�ce, ne pourrait �maner d’une autre autorit� que celle qui dispose r�ellement des attributions constitutionnelles lui permettant d’agir dans un domaine aussi sensible que celui de la commutation des peines. Je pense, et c’est le cas de le dire : on est en face d’une d�cision politique ou d’une gr�ce qui ne dit pas son nom.

Autrement dit, c’est le chef de l’Etat ?

J’en ai la ferme conviction.

Pourquoi � votre avis une telle d�cision aujourd’hui ?

D’apr�s les informations recueillies � l’int�rieur m�me de la prison, cette d�marche a �t� entreprise personnellement par Bouteflika. Ce dernier voulait en quelque sorte faire un cadeau � la r�gion de Djelfa en d�cidant d’une gr�ce sp�ciale qui concernerait Hafnaoui Ghoul. Vous le savez autant que moi que le jour de ma lib�ration a co�ncid� avec la visite du chef de l’Etat dans la r�gion o� il a assist� � des manœuvres militaires qui se sont produites au niveau de la base militaire de Hassi-Bahbah, distante de 100 km du chef lieu de wilaya. Maintenant, je ne sais pas si cela pr�figure � d’autres d�marches similaires.

Justement, pensez-vous que cette d�cision s’�tendra pour toucher M. Benchicou ?

C’�tait ma premi�re pens�e quand j’ai fait mes premiers pas en dehors de la prison. Je me suis dit pourquoi Benchicou ne b�n�ficierait pas de la m�me mesure. Personnellement, je continuerai � sentir de la g�ne tant que le directeur du Matin croupit arbitrairement dans les ge�les d’El-Harrach. Car, je ne saurais go�ter et savourer � cette libert� que je viens de retrouver sans la lib�ration d’un citoyen journaliste farouchement engag� pour une Alg�rie digne, une Alg�rie fi�re de ses enfants qui refusent d’accepter la d�ch�ance de leur pays. Il est clair pour le commun des mortels que l’emprisonnement de M. Benchicou a �t� rendu possible suite � une accusation mont�e de toutes pi�ces. Le directeur du Matina �t� incarc�r� pour ses �crits et non pas en raison de bons de caisse en dinars non convertibles � l’�tranger.

Pouvez-vous nous parler des conditions de votre d�tention ?

On peut la diviser en deux p�riodes : la premi�re a �t� marqu�e par un acharnement sans commune mesure de l’ex-wali et de l’ancien procureur de la R�publique de Djelfa. Leur haine m’a poursuivi jusqu’� l’int�rieur de la prison. Ils ont essay� par tous les moyens de me faire mener une vie dure. De v�ritables actions psychologiques ont �t� instigu�es pour me d�truire moralement et affaiblir mes capacit�s d’adaptation � une situation � laquelle je n’ai jamais �t� pr�par�. Ces deux personnes ont en effet tent� � travers les responsables de la prison de m’organiser des conditions de d�tention les plus drastiques, voire m�me humiliantes. La deuxi�me �tape a commenc� depuis la mutation des deux responsables. J’ai �t� trait� comme tout le reste des prisonniers, d�muni de tout sauf de l’essentiel qui permet de tenir vie.

Allez-vous reprendre vos activit�s de journaliste et de militant des droits de l’homme apr�s avoir subi les affres de la prison ?

La prison m’a franchement renforc� dans mes convictions. Je suis plus que convaincu que notre travail consistant � informer et �veiller la soci�t� sur des enjeux qui concernent en premier lieu son devenir est juste. Plus que cela, notre mission est noble. Je dirais m�me que par rapport aux dirigeants politiques, notre travail de critique est le meilleur indicateur pour r�ajuster les actions de gestion dans le cas o� elles sont maladroitement entreprises. A ce propos, ce n’est pas par piti� ou par complaisance que des organisations des droits de l’homme d’une notori�t� et d’une cr�dibilit� infaillibles ont continu� � nous soutenir puis � multiplier les d�marches aupr�s des responsables au pouvoir politique durant toute cette p�riode afin de parvenir � notre lib�ration. Si notre travail n’�tait pas consid�r� juste, nous n’aurions pas b�n�fici� de cet �lan de sympathie et de soutien des journaux de la presse ind�pendante, comme Le Soir d’Alg�rie qui n’a pas cess� de publier des articles sur l’arbitraire qui nous frappe. En ce qui me concerne, je continuerai � travailler de la m�me mani�re qu’auparavant. La d�mocratie a besoin de nous, comme le pouvoir a besoin des contre-pouvoirs qui le rappellent � l’ordre. Que ceux qui font de la complaisance un style de travail, il faut qu’ils sachent que cela appelle le pourrissement et le pourrissement convoque � son tour la d�cadence. Chose que nous refuserons pour notre pays. Je continuerai � d�noncer toute malfaisance. Entretien r�alis� par Nadir Benseba

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