Panorama : PARLONS-EN
D�linquants, g�t�s et pourris !
Par Malika BOUSSOUF, [email protected]


L’Alg�rie n’est pas le seul pays o� l’on regarde volontiers, et m�me souvent avec curiosit�, comme partout ailleurs, s’�taler au grand jour les cocasses stupidit�s de sa “jet-set”. Mais le reconna�tre ne d�douane pas pour autant cette derni�re aux yeux de la classe moyenne ahurie de d�couvrir, par un hasard de fortune, que les spectacles de triste facture et dont on aimerait bien laisser croire qu’ils rel�vent du domaine exclusif des petites gens sont bel et bien ceux de sa prog�niture.
Cela ne nous emp�chera pas non plus de nous int�resser d’un peu plus pr�s � cette derni�re et aux frasques de tous ces parvenus maladroits, plut�t niais au demeurant, conscients que nous sommes des efforts insurmontables que ces malheureux, sans atouts pr�alables et sans avoir �t� pr�par�s � la belle vie qu’autorise la promotion sociale, ont d� bien souvent consentir pour se fabriquer un statut et une vitrine dignes des “notables” qu’ils s’acharnent � devenir. C’est ce qui nous renvoie, d’ailleurs, d’eux, cette image des plus gauche qui frise, fr�quemment et � leur insu, le burlesque. Nous aurions volontiers et m�me avec beaucoup d’amusement ferm� les yeux sur cette absence de r�f�rences qui exigent, si l’on veut s’en pr�valoir, que l’on aille les chercher loin dans ses racines, voire dans ses histoire et trajet personnels. Mais voil� que le triste et non moins condamnable �pisode de la r�sidence s�curitaire de Moretti qui a fr�l� la trag�die nous interpelle de nouveau sur l’�tat de d�pravation avanc� relev� au sein d’un certain nombre de familles. Des familles d�sign�es comme respectables puis intouchables avant qu’elles n’obtiennent qu’on les soustraie au regard inquisiteur d’�ventuels “envieux”. Mais il fallait bien que cela arrive, que cela apparaisse enfin au grand jour, que le scandale finisse par enjamber les barri�res que l’on aura voulues en vain infranchissables pour fuir la “gueusaille”. Nous faisons l� r�f�rence � certaines familles cot�es non pas pour ce qu’elles incarnent comme valeurs et dont elles pourraient faire b�n�ficier les autres mais pour ce qu’elles ont r�ussi � engranger sur le dos de la R�publique. Ce sont ces m�mes familles que l’on estimait n�cessaire de prot�ger, il y a quelques ann�es d�j�, de possibles agressions aujourd’hui de plus en plus fictives, si l’on en croit les affirmations du chef de l’Etat dont le r�gne aurait permis aux Alg�riens de ne plus se clo�trer chez eux au-del� de 18 heures. A l’heure actuelle, les r�sidences du Club-des-Pins et de Moretti sont pourtant toujours class�es zones interdites et restent ferm�es au public. Pour y p�n�trer, il faut montrer patte blanche. C’est obligatoire si l’on veut y �tre tol�r� m�me pour un laps de temps tr�s court. Nous parlons l� de deux clubs ultraprot�g�s o� les personnes qui y r�sident vivent en autarcie, o� ces derni�res qui ont d�cid� qu’elles appartenaient au m�me monde sont cens�es se fr�quenter en toute convivialit� et o� tout ce qui s’y passe ne peut �tre, par cons�quent, imput� aux �trangers, autrement dit au reste des Alg�riens. Faut-il vraiment croire que la situation s�curitaire a souvent des travers insoup�onnables comme celui de contraindre l’Etat � entretenir, en m�me temps que des privil�gi�s temporaires, de futurs candidats � la criminalit� ? Des assassins en herbe qui, pour l’instant, en sont encore � tester leur pouvoir de nuisance en m�me temps qu’ils s’exercent � d�fier l’impunit� dont ils jouissent gr�ce aux relations de papa. Tels les h�ritiers de seigneurs m�di�vaux, les rejetons, dont les parents montrent plus de dispositions � assurer l’aisance que l’�ducation, sont livr�s � eux-m�mes sans autre obligation sinon celle de courir jouer les gros bras en cas de p�pins. Et les ennuis, ce n’est pas ce qui manque apparemment dans ce milieu, o� l’immoralit� se conjugue au pluriel, contrairement � ce que l’on pourrait croire, et m�me si l’on fait tout pour que n’apparaisse pas au grand jour le comportement d�natur� de la descendance. H�las, Alger est un microcosme o� les langues se d�lient avec une facilit� d�concertante, o� tout finit par se savoir et o� les cancans vont bon train malgr� une farouche volont� d’�touffer les graves d�rapages. Une fois c’est le fils d’un ministre qui s’improvise chef de gang et �cume au grand jour les pavillons des voisins momentan�ment absents sans que personne ose y mettre un terme, une autre fois c’est le neveu d’un autre ministre qui pique une m�chante col�re, fait usage de l’arme de tonton et que l’on s’empressera d’exp�dier � l’�tranger pour l’extraire � la justice et surtout parce qu’il ne faut pas trop g�ner l’oncle en question dans une ascension potentielle vers des fonctions qui pourraient s’av�rer plus int�ressantes. La fois d’apr�s, c’est le fiston d’un g�n�ral � la retraite qui tabasse quelqu’un � la sortie d’une bo�te de nuit, et, enfin, il y a quelques jours, cette sordide histoire de tentative de meurtre entre copains et o� c’est le pavillon de l’une des deux r�sidences s�curitaires qui a �t� mis � la disposition de tortionnaires plus que dou�s pour r�gler son compte � un jeune adolescent victime de son manque de discernement et du mauvais choix de ses fr�quentations. Et dire que cette racaille-l�, qui ne poss�de aucun principe de base, qui, en plus d’�tre ignorante, sans �ducation et sans rep�res, ose vous regarder de haut ! M�prisante � souhait parce qu’elle les aura estim�s infr�quentables, cette prog�niture en panne de mod�le pr�tendra effront�ment, alors qu’aucune valeur morale ne lui a �t� inculqu�e, apprendre � vivre � ceux qui malgr� leur d�nuement travaillent � atteindre le sommet en s’�clairant d’une bougie. Quand les uns se nourrissent une fois par jour et s’acharnent � r�ussir ce qu’ils entreprennent, les autres qui ignorent tout de l’effort, la sueur ou la difficult� ne sont pas loin de croire que leur avenir est d�j� tout trac� puisque les parents sont l� pour leur garantir la perp�tuation des privil�ges consentis par le syst�me. Cela commen�ait � bien faire de ne parler que de ces petites gens qui investissent la rue pour crier leur d�sespoir en occultant volontairement les d�lits de petits voyous, y compris ceux engendr�s par la nomenklatura. Une classe sociale qui, tout en les maintenant loin de la populace, ne r�ussit pourtant pas l’�ducation de ses enfants et fait que ces derniers, par oisivet�, d�veloppent pr�cocement des instincts meurtriers. Et alors que ceux du peuple se font tabasser qui �tudiant par-ci qui ch�meur par-l�, que des bambins meurent dans un frigo abandonn� sur un terrain d�saffect� — endroit privil�gi� par les trois innocents — ceux de notre “�lite” d�sœuvr�s r�fl�chissent � monter une bonne exp�dition punitive contre l’un des leurs avec, bien s�r, tout le cynisme qu’impose pareille circonstance et n’h�sitent pas � tester les effets du viol et de la torture. Ainsi, un code moral pos� par les parents, les enfants n’ont plus qu’� s’y conformer ou � tout le moins tenter de faire mieux. Pendant que les uns respirent de la colle pour s’�vader d’un monde cruel qui leur interdit d’aspirer � mieux, les autres s’entra�nent au cœur de chalets, plac�s sous haute surveillance, au ch�timent de l’adversaire qu’ils sont pr�ts � �liminer froidement. Il est d�cid�ment bien �trange ce r�gime qui croit s’en tirer � bon compte en parquant de la sorte ses pr�tendus favoris. Une pratique trop r�currente pour �tre honn�te. A m�diter par ceux qui ne se sentent pas concern�s.
M. B.



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