Panorama : KIOSQUE ARABE
Nancy Adjram au lieu de Kadhafi
Par Ahmed HALLI, halliahmed@hotmail.com


La fin de l’ann�e, c’est la saison des bilans, le moment o� se soldent les comptes. Sur ce chapitre, la Libye et l’Arabie saoudite m�nent une bataille d’experts. Aucun registre n’est exclu, aucune colonne n’est n�glig�e. Il n’y a pas de fum�e sans feu, dit-on, et les Saoudiens ont sans doute raison de crier au meurtre, ou plut�t � la tentative de meurtre. C’est qu’il excelle dans l’�limination de masse, le fr�re Kadhafi.

Il ne s’embarrasse pas de consid�rations morales ou religieuses. Quand il n’arrive pas � �pouser, il tue ou fait tuer. Apr�s l’�chec en 1988 de sa tentative d’union avec l’Alg�rie (concoct�e par un certain Hadjar), Kadhafi nous a certainement mijot� quelques coups tordus avec ses relais int�gristes. En moins d’une ann�e, entre 1988 et 1989, il fait exploser deux avions bourr�s de passagers. 280 passagers p�rissent � Lockerbie (Ecosse), 180 autres, dont un Alg�rien, sont tu�s au-dessus du d�sert du T�n�r�. Moins pour se donner bonne conscience que pour faire un pied-de-nez � l’Occident, le dictateur libyen a cr�� une fondation des droits de l’homme � son nom. Et comme on ne se refuse rien, � ce niveau du pouvoir, il a confi� la pr�sidence de sa fondation � un Alg�rien (1). N�anmoins, on pouvait consid�rer que Kadhafi �tait un terroriste rang�, ayant obtenu le pardon des Fran�ais et l’absolution des Am�ricains, moyennant un juste prix du sang. Mais les Saoudiens, � leur tour, crient vengeance. En 2003, Kaddafi avait foment� l’assassinat du prince Abdallah Ibn Abdelaziz, r�gent de fait du royaume. L’information n’est pas nouvelle et la presse anglo-saxonne en avait fait �tat, il y a quelques mois, sans que cela d�clenche un toll�. Seulement, cette fois-ci, il y a eu l’attentat contre le consulat am�ricain de Djeddah, attribu� � Al-Qa�da ainsi que plusieurs autres actions terroristes. La terminologie officielle continue d’attribuer les attentats � la �minorit� �gar�e�, c’est de bonne guerre. Mais on peut comprendre que les saoudiens, grands sp�cialistes du genre, soient tent�s de voir la main de l’�tranger � l’origine de leurs malheurs. Ils ont sans doute de bonnes raisons de s’en prendre � Kadhafi Il a destitu� un roi pour tr�ner � sa place en substituant la Djamahiria � la monarchie et il a toujours eu des rapports conflictuels avec l’Arabie saoudite. C’est le suspect id�al, maintenant que Saddam est emprisonn� et th�oriquement hors d’�tat de nuire, ce que contredit quotidiennement l’actualit� en Irak. Les Saoudiens ont donc ressorti des cartons le dossier du complot contre leur prince h�ritier et ils s’emploient � remettre Kadhafi � sa vraie place, dans le pr�toire, juste � c�t� de Saddam. C’est ainsi qu’un de leurs quotidiens Al-Watan n’h�site pas � qualifier Kaddafi de marionnette entre les mains des Anglais et des Am�ricains. Le journal raconte d’abord la �conversion� de Kadhafi. C’est en voyant les corps sans vie des deux fils de Saddam abattus en juillet 2003 � Mossoul que le chef de la Djamahiria aurait �t� saisi de terreur pour lui et pour sa dynastie. Sur-le-champ, il a charg� un de ses fils et h�ritier pr�somptif de contacter les Britanniques. Le rejeton qui se pr�pare � la succession t�l�phone imm�diatement � un officier des services, ce qui ouvre la voie au rapprochement entre la Libye d’une part, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, d’autre part. Les deux puissances ont ainsi impos� leurs conditions et Kaddafi a �chang� son statut de � r�volutionnaire � contre celui de simple ex�cutant des ordres et des instructions. Toujours aussi peu sourcilleux, Al-Watan �num�re alors les reniements de Kadhafi : ils lui ont demand� de s’excuser pour son pass� r�volutionnaire et il l’a fait. Ils ont exig� qu’il ait des contacts avec Isra�l et il a ouvert les portes de la Libye aux d�l�gations isra�liennes qui arpentent les rivages de Tripoli comme si c’�taient ceux de Tel-Aviv. Avant m�me d’en �tre saisi, il a r�v�l� ses pr�paratifs nucl�aires et il a fait acheminer tous les mat�riaux et ingr�dients n�cessaires � ces programmes vers les Etats-Unis. Ces derniers n’ont pas manqu� de relever que c’�tait l� l’exemple que devaient suivre d’autres pays comme l’Iran et la Syrie. Al-Watanqui semble pr�pos� aux attaques d’envergure contre les ennemis conjoncturels du royaume en rajoute : �Kadhafi a sans doute cru que son rapprochement pr�cipit� avec l’Occident, en d�pit de ce qu’il a d’humiliant pour son peuple et pour sa nation (arabe), allait permettre � ses enfants et � lui-m�me d’�chapper au sort de Saddam et des siens�. Suit alors une �num�ration apitoy�e des crimes de Kadhafi contre ses concitoyens et surtout contre ses opposants les plus r�solus qu’il a fait assassiner. On n’oublie pas de rappeler ses attaques contre la Ligue arabe et ses vell�it�s d’en sortir. Silence charitable aussi sur les d�marches et les suppliques des dirigeants maghr�bins pour que le potentat de Tripoli ne d�serte pas les bancs de l’UMA. Quant � ses propres opposants, l’Arabie saoudite n’en a cure. L’Occident tant d�cri�, s’agissant de kadhafi, s’en occupe. Les Etats-Unis ont d�cid� il y a une dizaine de jours de geler les avoirs de l’opposant Sa�d Al- Faqih. Ils ont �t� suivis par la Grande-Bretagne qui a pourtant offert l’asile politique au Saoudien depuis une dizaine d’ann�es. Sa�d Al-Faqih, sur qui p�sent de fortes pr�somptions d’accointance avec Al-Qa�da, n’a revendiqu� aucun meurtre, aucun attentat en Arabie saoudite. Mais il a suffi que l’Arabie saoudite se sente menac�e pour que les foudres de la l�galit� internationale se d�cha�nent contre Al-Faqih. La semaine derni�re, son nom a �t� ajout� sur la liste des terroristes �tablie par le Conseil de s�curit� des Nations unies.(2) En attendant que nos �opposants � sanguinaires soient trait�s sur un pied d’�galit� avec leurs fr�res saoudiens, je vous sugg�re de finir l’ann�e en beaut�, loin des mesquineries et des misanthropies politiques. Cette fin, c’est le magazine saoudien (encore !) Lahaqui la propose : la chanteuse libanaise Nancy Agram a �t� sacr�e pour la deuxi�me fois femme de l’ann�e. La p�tulante Nancy occupe, pour l’occasion, quatre pages de ce magazine qui appartient au groupe �Al- Hayat�. Et comme Nancy n’a pas que des amis dans le vaste monde arabe, on a appel� � la rescousse des artistes et des intellectuels qui la couvrent d’�loges. Laha rappelle fort opportun�ment cette invocation du chroniqueur du quotidien cairote Al-Akhbar, Ahmed Radjab : �Allahouma adjrim nissa’ana�, (Dieu fasse que toutes nos femmes soient des Nancy Adjram !). On ne peut mieux attendre de la part de ce chroniqueur � la verve satirique qui sait aussi se pr�munir contre la fureur des religieux. En conclusion d’un billet o� il avait �reint� l’un des muftis de l’universit� Al- Azhar, Nasr Farid Wassel, il disait : �Je ne crois pas que ces lignes me vaudront d’�tre s�par� de ma femme (3), je suis veuf !�. On ne s’�tonnera pas qu’entre Kadhafi et Nancy, Ahmed Radjab ait d�j� fait le bon choix.

A. H.

(1) Il s’agit de notre premier pr�sident de la R�publique, Ahmed Ben Bella. Il y a quelques semaines, il a remis le Prix Kadhafi des droits de l’homme au pr�sident v�n�zu�lien Hugo Chavez.
(2) Souvenons-nous de la r�ticence des Europ�ens � mettre le GIA sur la liste des organisations terroristes. Esp�rons que le �Grand Fr�re� y pourvoira.
(3) C'est la mode chez les int�gristes d'Egypte de s�parer les maris de leurs femmes et inversement apr�s les avoir proclam�s apostats.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable