Culture : DERNIER TOUR DE MANIVELLE DU FILM “LE CHOIX” DE PHILIPPE FAUCON
UNE FIN EXPLOSIVE


Le dernier clap du tournage du film Le choix a r�sonn�, il y a quelques jours sur une des collines de Dermel, localit� d’El Hamel. Une petite commune nich�e au creux de Bou Sa�da, dans les Hauts-Plateaux. Six semaines de tournage quotidien, pendant lesquels se sont succ�d� les plans de sc�ne, tant�t dans d’impressionnants d�cors construits, tant�t sur de vastes terres, cadre sauvage vierge de toute trace de civilisation. L’�quipe technique trinationale et les acteurs log�s � l’h�tel El Ka�d de Bou-Sa�da ont commenc� � remballer leur paquetage d�s vendredi matin sous l’œil �mu mais non moins satisfait du r�alisateur Philippe Faucon.

Dermel, au cœur de l’histoire !
C’est gr�ce � Yacine Laloui et Moun�s Khammar, fondateur de la soci�t� de production alg�rienne Saphina, que le regard de Philippe Faucon s’est d�tourn� de la Tunisie et du Maroc pour atterrir, �merveill�, sur les paysages lunaires de Dermel, calques parfaits des d�cors d�crits dans le sc�nario, une aubaine pour les deux Alg�riens qui leur a permis d’assurer la production ex�cutive du film.
Une histoire alg�rienne…

Le choix raconte une histoire sociale dans l’Alg�rie d�chir�e et ensanglant�e de 1959. Rencontre et confrontation d’id�es et d’id�al entre deux appel�s fran�ais et quatre jeunes Alg�riens enr�l�s dans l’arm�e fran�aise. Le lieutenant Roque et le sergent Vergnat sont les responsables d’une trentaine d’hommes dont font partie Taieb, Ahmed, El Hachemi et Ali. Tous errent quelque part dans l’Est de l’Alg�rie et ont pour point de chute une ancienne ferme isol�e. Le lot de leur quotidien est fait d’embuscades, de contr�les et de ratissages s’ajoutent � cela lassitude et d�prime, ce qui laisse le temps � de nombreuses interrogations. Entre Taieb et Roque s’engagent des discussions r�v�latrices de l’ambigu�t� et de l’incompr�hension qui se cultivent de part et d’autre sur cette guerre qui cumule les absurdit�s et les paradoxes.
Pas d’exp�rience mais une grande pr�sence

Ahmed Berrahma, Mehdi Yacef, Walid Bouhazam, Mehdi Idris sont les quarte jeunes choisis pour interpr�ter les r�les des principaux soldats alg�riens. Ahmed occupe le premier r�le (caporal Taieb) aux c�t�s de Vincent Martinez (lieutenant Roque). Pour ce “Babelouadis” de 25 ans, l’univers cin�matographique n’est pas totalement inconnu et c’est en qualit� de chauffeur, qu’il �tait venu cette fois participer au projet. Tout de suite remarqu� par Philippe Faucon, il s’est vu attribuer le r�le principal. Walid n’a que 20 ans et est toujours scolaris� � Blida. Regard per�ant et voix pos�e, il jouera Ahmed, personnage r�fl�chi et calme. Walid aspire d’ores et d�j� � jouer autre chose ; fort de sa carri�re dans les arts martiaux, il esp�re incarner un r�le dans un film d’action, un genre qui reste encore � inventer en Alg�rie, dit-il. Mehdi a le m�me �ge que Walid mais un temp�rament diff�rent. Trublion de la bande et de Soustara, cet amoureux de l’Usma est un sympathique agitateur qui marque par sa pr�sence l’objectif de la cam�ra dans le r�le de El Hachemi. S’exprimant essentiellement en fran�ais, le Bougiote de la bande, Mehdi Idris joue Ali, le r�leur du groupe, un r�le qui, dit-il, ne s’�loigne pas trop de sa nature, il compte renouveler au plus vite cette exp�rience qui est d�j� devenue une addiction.
Une technique nouvelle
La cam�ra num�rique HD est pour la premi�re fois utilis�e dans un long m�trage enti�rement tourn� en Alg�rie, une technologie que seuls quelques r�alisateurs dans le monde ont os� employer, Georges Lucas en a d’ailleurs fait l’exp�rience dans le dernier vol� de la Guerre des �toiles. Utilisant des cassettes de 40 mn, cette cam�ra pr�sente de nombreux avantages dont un rendu tr�s abouti en pr�varication sur plateau et un montage plus rapide. Les preuves de l’�quipe alg�rienne La production ex�cutive Saphina en collaboration avec Kinok Films et les Cr�ations du dragon, a drain� : d�corateur, maquilleuse, costumiers, r�gisseurs, assistants casting, techniciens de son et assistants r�alisateur. Ces professionnels et surtout passionn�s du 7e art ont �t� � la hauteur et m�me au-del� des exigences du r�alisateur. Pour ces jeunes tels Bahia, Imad, Samia…, cette exp�rience n’est certes pas la premi�re mais elle est la plus riche en apprentissage des m�tiers du cin�ma.
Froid, chaleur et explosion
Il faisait tr�s froid les deux derniers jours du tournage, mais l’ambiance qui r�gnait sur le plateau entre com�diens et techniciens de France, de Belgique ou d’Alg�rie a r�chauff� l’atmosph�re. A l’approche des derniers claps, beaucoup d’entre eux appr�hendaient la fin de l’aventure comme une s�paration tragique. Apr�s plus de six semaines pass�es ensemble, tout ce monde a fini par former une grande famille, plusieurs amiti�s se sont li�es et comme bel exemple celle de Cyril Troley (Sergent Vergnat) qui est devenu tr�s vite la coqueluche des com�diens alg�riens et de l’�quipe. Une lueur de soleil s’est d�voil�e durant les derniers instants de tournage cach� par l’explosion d’une grenade, le dernier plan � filmer. Une fin enflamm�e pour une ambiance chaleureuse.

Yacine Hir�che

 

QUI EST PHILIPPE FAUCON ?

Philippe Faucon est n� le 26 janvier 1958 � Oujda, Maroc. Dipl�m� de lettres modernes, il entre en autodidacte dans le monde du cin�ma, puis �crit et r�alise en 1989 son premier long m�trage, L'amour. Dans cette chronique sentimentale, r�compens�e par le prix du public au Festival de Belfort 1989, le prix Perspectives du cin�ma fran�ais et le prix de la Fondation Gan pour le cin�ma au Festival de Cannes 1990, des adolescents de la banlieue parisienne connaissent, le temps d'un �t�, leurs premiers �mois amoureux. D'embl�e, le r�alisateur impose un ton sensible, juste et naturaliste, qu'il retrouvera dans ses films � venir, avec pour th�me central de son œuvre le mal de vivre adolescent et les d�sarrois du cœur. Sabine (1992, fiction ARTE sortie en salles) est l'histoire d'une jeune fille de 16 ans qui, livr�e � elle-m�me apr�s un accouchement, fugue et tombe dans la spirale de l'errance, de la drogue, de la prostitution et de la maladie ; une œuvre forte et �mouvante, port�e par l'interpr�tation de Catherine Klein et mention sp�ciale au Festival Europa 1993. Muriel fait le d�sespoir de ses parents (1994, Fiction ARTE) �voque l'�veil d'une adolescente � son homosexualit�, la violente r�action de sa m�re face � cette d�couverte et le fragile m�nage � trois qui en d�coule (Muriel, la jeune fille dont elle est amoureuse et le petit ami de celle-ci). Un t�l�film sorti en salles, r�compens� par le prix du jury et une mention sp�ciale � Catherine Klein au Festival de Gen�ve 1995. Apr�s Mes dix-sept ans (1996), film sur les rapports difficiles entre une jeune fille et ses parents, et Tout n'est pas noir (1996), un des dix courts m�trages de l'op�ration exceptionnelle “L'amour est � r�inventer”, lanc�e � l'initiative de la Lesbian and Gay Pride Films � l'occasion de la Journ�e mondiale de lutte contre le sida, Philippe Faucon r�alise Les �trangers (1999, Fiction ARTE), l'histoire d'un jeune beur homosexuel devant faire face � l'intol�rance de sa famille et de l'arm�e il effectue son service militaire au sein d'un contingent de casques bleus de l'ONU en Bosnie. Avec Samia (2000), film s�lectionn� dans de nombreux festivals (Venise, Toronto, etc.), il poursuit ses portraits de jeunes en pleine crise identitaire — ici celui d'une beurette marseillaise de quinze ans, �touffant dans son milieu familial r�gi par les traditions, les interdits et le poids de la religion.

 

ENTRETIEN AVEC LE R�ALISATEUR
D�j� six semaines !

De retour � son h�tel, le r�alisateur Philippe Faucon nous a accord� une entrevue pour parler du tournage de son film Le choix qu’il venait d’achever quelques heures auparavant.

 

> Le Soir d’Alg�rie : Que pensez-vous des six semaines de tournage pass�es ici � Bou-Sa�da ?
Philippe Faucon :
Six semaines et un jour. J’ai �t� tr�s content de tourner en Alg�rie, parce que c’est ici que l’histoire se passait…
> Pourtant, le tournage devait avoir lieu en Tunisie …

Oui, c’est plus par habitude et aussi parce que l’Alg�rie �tait class�e comme pays en guerre donc les assurances n’assuraient pas les films mais �a a �volu�. Pour revenir � l’histoire, il y avait beaucoup de petits r�les que j’ai pr�f�r� faire jouer par des Alg�riens et non pas par des gens qui avaient l’accent tunisien ou marocain. On a rencontr� Mounes et Yacine qui nous ont propos� de venir tourner ici, puis ils nous ont montr� les photos des rep�rages qu’ils avaient faits.
> Vous parlez de Dermel ?

Oui, les photos correspondaient pas mal aux besoins de l’histoire. On pouvait trouver ici des restes de petits villages et des ruelles dans le vieux El Hamel qui n’avaient presque pas boug� depuis 1959. On a construit un d�cor, un poste militaire en utilisant des d�cors naturels, les petites montagnes et l’oued.
> Et pour l’�quipe technique alg�rienne que vous avez trouv�e…
La coproduction alg�rienne Saphina s’est beaucoup boug�e, ce sont des gens tr�s dynamiques qui connaissent assez bien les ressources du cin�ma alg�rien. Ils nous ont fait rencontrer des gens vraiment bien, qui ont beaucoup donn� avec g�n�rosit� que �a soit en r�gie, prise de vues ou autre. On sentait l’envie de tourner la page de l’�poque.
> Prenez-vous conscience de la lourde barri�re qui vient de tomber gr�ce � ce tournage enti�rement fait en Alg�rie ?
Pas encore, mais je le sais un petit peu. J’en suis tr�s heureux parce que, d’une part, c’est presque une premi�re et, d’autre part, c’est une grande r�ussite par rapport � l’�quipe alg�rienne qui voulait d�montrer ce dont elle �tait capable et elle l’a tr�s bien r�ussi dans ce tournage, qui n’�tait pas un tournage facile.
> Expliquez-nous le choix des acteurs alg�riens qui sont jeunes et non exp�riment�s
Jeunes parce que c’est l’�ge des r�les, ils ne sont pas dans le m�tier parce qu’on trouve forc�ment des com�diens de cet �ge-l�. Je ne regrette pas un seul instant les choix que j’ai faits parce qu’ils ont une grande pr�sence dans le film et ils ont de vraies personnalit�s sans �tre d�natur�s par des tics. Le film va �tre riche de leur authenticit�.
>Vous parlez souvent dans vos pr�c�dents films franco-alg�riens d’aujourd’hui, et dans celui-ci vous tenter une premi�re, c’est-�-dire parler de ceux d’hier. Y a-t-il un lien ?
Oui, c’est peut-�tre une premi�re mais il reste beaucoup de choses � dire sur cette �poque. En France, ce sont des gens qu’on a pr�f�r� oublier, ce qui a rendu le film plus difficile � r�aliser, �a n’int�resse plus personne d’en parler aujourd’hui.
> Claude Sales, l’�crivain du roman dont est tir�e l’histoire du film Le choix, �tait sur le plateau de tournage…
Exact, pour deux ou trois jours, il a �tait troubl� par les d�cors qui se rapprochaient de ce qu’il avait v�cu puisque son œuvre est autobiographique. Il est tr�s content du sc�nario et il attend le film.
> Aux c�t�s de la production ex�cutive alg�rienne y a une co-production belge...
Oui, parce qu’en Belgique il y a un fonds pour les coproduction avec les films �trangers dans le cadre de l’Union europ�enne. On l’a obtenu et en contrepartie l’�quipe technique devait int�grer quelques �l�ments belges (ing�nieur du son : Alain Sironval).
> Y aura-t-il une premi�re du film en Alg�rie ?

Oui, bien �videmment, elle aura lieu � Alger en pr�sence des com�diens pour le mois d’avril.
> Cette exp�rience vous donne-t-elle envie de refaire autre chose ici ?

Oui, j’aimerais bien revenir ici et refaire quelque chose avec les gens avec qui j’ai travaill� sur ce projet, incha Allah.

Propos recueillis par Yacine Hir�che

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