Panorama : LES MOTS DU JEUDI
Le syst�me a choisi
Par Ma�mar FARAH, http://farahblog.ift.cx


Notre chroniqueur �tant au repos, nous vous invitons � lire ou � relire ce condens� des “Mots du jeudi” publi�s le 26 f�vrier de l’ann�e qui s’�teint. Que 2005 soit plus gaie et qu’elle vous apporte plus de bonheur et de r�ussite !

“La semaine derni�re et dans ce m�me espace, nous hurlions que Bouteflika sera le nouveau pr�sident de la R�publique, non pas que nous ayons quelques sympathies politiques pour son programme ; mais un d�chiffrage lucide de certains faits pr�cis nous a conduit � pr�dire une issue qui nous semble de plus en plus certaine ! �videmment, cela ne peut pas faire plaisir � tout le monde, et notamment aux r�veurs qui continuent � croire que le nouveau pr�sident ne sera pas Bouteflika ! Libre � eux d’entretenir cette illusion, ils n’en seront que plus d�senchant�s le 9 avril ! Ce n’est point ici de la g�omancie ou du charlatanisme, l’affaire est trop s�rieuse pour que nous la confions aux cartomanciennes. Elle concerne l’avenir d’un pays qui ne va pas, malheureusement, profiter de cette occasion en or pour conna�tre un changement salutaire dans sa gestion et ses mœurs politiques. Nous sommes les premiers � regretter ce qui va arriver, car l’Alg�rie m�rite mieux ! Plus qu’une simple lecture journalistique de certains �v�nements surgis au cours des derni�res semaines, cette affirmation est autoris�e d’abord par la certitude que Bouteflika est le candidat du syst�me. Appelez-le comme vous voulez : d�cideurs, cabinet noir ou rose, puissance de l'ombre ; tout indique aujourd’hui que le syst�me a opt� pour l’actuel pr�sident. On ne va pas nous faire croire que Sidi Sa�d, le chef de l’UGTA, s’est introduit frauduleusement dans la salle o� se tenait le meeting de Bouteflika ! Un tel soutien, qui engage en fait plus de deux millions de travailleurs, ne peut avoir �t� d�cid�, sur un simple coup de t�te ! Quand Ahmed Ouyahia, l’un des hommes les plus fid�les de ce syst�me, s’aligne derri�re Bouteflika et quand HMS, cette n�buleuse driv�e par certains puissants du moment, choisit la m�me voie, on ne peut plus rien attendre de l’issue du prochain scrutin. Et quand les organisations patronales en font de m�me, il est ridicule de parler d’actions individuelles Quand l’Union nationale des fellahs apporte sa caution � la candidature du pr�sident, cela n’est pas �galement le fruit du hasard Quand l’Organisation des moudjahidine, les anciens condamn�s � mort, les associations d’enfants de chouhada et de moudjahidine, les victimes du terrorisme, les grands syndicats, la presque totalit� des associations venant de tous les horizons, les petits et les grands groupes de pression, les notabilit�s locales, les zaou�as, les confr�ries, les tribus, les clubs sportifs et scientifiques, les chanteuses et les chanteurs, les ligues, les unions, les alliances, les f�d�rations et tout ce qui p�se de l’argent en Alg�rie, sont avec Bouteflika, n’est-ce pas la preuve par neuf que le syst�me a choisi son candidat ? Ce syst�me est une grande galaxie, pas toujours visible, pas toujours homog�ne, mais qui a cette extraordinaire capacit� de retrouver sa coh�rence dans les moments d�cisifs, c’est-�-dire � chaque fois que ses int�r�ts fondamentaux sont potentiellement menac�s. En apparence, Ahmed Ouyahia et Bouguerra Soltani sont des rivaux politiques, ils peuvent m�me se livrer un combat superficiel pour amuser la galerie et tromper leurs vrais ennemis ; mais lorsque la survie du syst�me est en jeu, ils se retrouvent vite c�te � c�te, la main dans la main. Rien n’unit id�ologiquement et politiquement les patrons et les syndicats, mais comme ils font partie du m�me syst�me, ils ne peuvent pas s’opposer dans des �lections de cette importance ! Toutes les forces organis�es et structur�es, qu’elles soient r�ellement repr�sentatives ou non, se trouvent toujours du bon c�t� de la barri�re. Elles n’ont pas besoin d’attendre que le vent tourne. Elles savent se ranger dans le camp utile au m�me moment, comme si elles recevaient un seul et m�me ordre. Et si quelques brebis �gar�es choisissent d’autres sentiers, elles sont vite rattrap�es, sermonn�es et invit�es � rentrer dans les rangs. Si elles refusent, elles sont imm�diatement chass�es du syst�me et trait�es de tous les noms. A partir du moment o� ces �l�ments d�voy�s se trouvent en dehors du grand cercle, ils n’ont plus le droit de revenir aux petits ensembles d’o� ils sont originaires. Ils deviennent comme des pestif�r�s. Ils sont porteurs d’un virus dangereux qui peut contaminer tout le r�seau et d�truire l’harmonie du syst�me. Ce sont des “adversaires du peuple”, des “perturbateurs”, des “manipulateurs”, des “d�fenseurs d’int�r�ts ext�rieurs manœuvr�s par la main de l’�tranger”, “des ennemis de l’unit� nationale”, des “contre-r�volutionnaires”, des “tra�tres � la nation”, “des extr�mistes”, “des terroristes de la plume”, etc. Quant aux candidats, ils peuvent certes jouer le r�le de li�vre, servir d’alibi pour couvrir la farce “d�mocratique”, mais si jamais ils prennent au s�rieux leur r�le de candidat, avec des programmes politiques solides et une organisation pr��lectorale bien assise, ils deviennent un danger potentiel pour le syst�me ! Le probl�me actuel de ces candidats avec le syst�me est qu’ils ne jouent pas dans une com�die, qu’ils participent pour de vrai, qu’ils sont tous cr�dibles. Benflis, �lu d�mocratiquement secr�taire g�n�ral du FLN et qui dispose d’atouts non n�gligeables, a �t� �puis� dans une bataille secondaire, celle qui a tourn� autour du petit ensemble FLN, afin de r�duire ses chances de monter plus haut et de menacer le grand ensemble ! Sa�d Sadi, je n’en parlerai pas beaucoup parce que je risque de ne pas �tre objectif. C’est simple : c’est le pr�sident dont je r�ve personnellement pour l’Alg�rie. Je passe sur le discours de Louiza Hanoune qui m’a toujours d�sappoint� dans la mesure o� j’ai tellement fr�quent� les trotskystes que je me demande s’il reste quelque chose aujourd’hui de cette flamme r�volutionnaire et socialiste dans des propos qui tant�t caressent les islamistes dans le sens du poil, tant�t tirent � boulets rouges sur l’une des rares forces d’avenir de ce pays, le mouvement citoyen en Kabylie ! Bien que je ne partage pas son projet de soci�t�, je pense que Djaballah est porteur d’un message qui est aussi celui de beaucoup d’Alg�riens. Ceci �tant, il est clair que le temps o� les foules se pressaient dans les stades pour �couter les pr�ches incendiaires des fondamentalistes est bien loin. Quant � Taleb, il est connu pour son int�grit� et sa clairvoyance politique. L’homme ne trouve pas incompatible l’id�e d’une v�ritable modernit� avec une forte affirmation de l’identit� arabo-musulmane. Mais, ce revenant, qui risque de jouer sur les plates-bandes historiques du Boumedi�nisme, sur lesquelles Bouteflika surfe � merveille, est aussi un danger pour le syst�me ! Les d�s �tant pip�s, faut-il laisser faire ? Je continue de croire, duss�-je rester seul, que les partis, lamin�s par une vie politique squelettique, fourvoy�s dans des Parlements qui votent tout et rien, ne repr�sentent plus la seule alternative du combat d�mocratique. Plus encore, ils paraissent bien p�les aujourd’hui devant la mont�e des mouvements populaires, nourris par la col�re et la haine de ceux qui souffrent de l’injustice, du m�pris et de la corruption. De ceux que le syst�me a oubli�s et qui demeureront la principale menace pour sa survie. Ils n’ont appartenu � aucun petit cercle et sont en dehors du grand ensemble, mais ce sont des millions de voix, unies dans la souffrance, port�es par la m�me fougue rebelle, caressant le m�me espoir de b�tir une autre Alg�rie, celle de la fraternit�, de l’�galit� des chances et de la citoyennet� ! Les vents sahariens qui ont souffl� ces derniers jours sur le Nord n’ont pas apport� que les temp�tes de sable. Ecoutez la col�re qui monte de Ouargla. L�-bas aussi, les gamins ont grandi trop vite !

M. F.

P. S. : Demain soir � minuit, les f�tards se souhaiteront bonne ann�e et feront des vœux pour 2005... Dans une froide et sinistre cellule d’El Harrach, un homme regarde la nuit � travers les barreaux. Il ne sait pas encore qu’il va rentrer dans l’histoire. Il ne sait pas que le jour se l�vera t�t ou tard sur son pays pour glorifier tous les justes !
Bonne ann�e, Mohammed Benchicou !

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