Les établissements pénitentiaires devront
entamer une nouvelle ère après l’adoption de la nouvelle loi relative à la
réorganisation de ces établissements par la première chambre. Cependant, il
y a lieu de s’interroger sur le sort de certains dossiers non conclus
jusqu’à présent. Il s’agit des dossiers relatifs à la série d’incendies
commis dans nombre de nos prisons en 2002.
Mettre le feu volontairement dans
ces établissements et provoquer la mort de plusieurs personnes reste un
phénomène nouveau qui avait secoué la société car durant même la décennie
noire où le taux de remplissage des prisons avait atteint le maximum, cela
ne s’est pas produit. Le malaise viendrait donc, et selon des spécialistes
en droit criminel, d’un autre problème, celui de l’abus de détention
provisoire ou préventive. Pourtant en novembre 2000 et lors de son
allocution à l’occasion de l’ouverture de l’année judiciaire coïncidant avec
la remise du rapport de la commission de réforme de la justice, le président
Bouteflika avait précisé : “La détention préventive sera plus précisément
circonscrite dans sa définition par la loi, pour en limiter les abus et la
conformer strictement à ses finalités.” La série des incendies a débuté le 2
avril 2002 à l’établissement de réadaptation de Chelghoum-Laïd. Un incendie
volontaire y a été commis provoquant la mort de 22 personnes et des
blessures à 20 autres. L’enquête de la police était achevée le 10 mai 2002.
Le réquisitoire introductif pour l’ouverture de l’information judiciaire a
été effectué le 14 septembre 2002. Le dossier est resté donc quatre mois
dans les tiroirs du procureur général de la cour de Constantine. Pourquoi ce
retard ?
Un non-lieu !
On apprend de sources bien introduites que le juge d'instruction du tribunal
de Chelghoum-Laïd aurait décidé au mois de décembre 2004 d’une ordonnance de
non-lieu. En termes plus clairs : ni coupable ni responsable. Selon
l’article 163 du code de procédure pénale : “Si le juge d’instruction estime
que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou s’il
n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé, ou si l’auteur est
resté inconnu, il rend une ordonnance de non-lieu.” Dans ce cas-là, il ne
s’agit pas d’un délit mais d’un crime où l’auteur est connu, vingt-deux
personnes sont mortes et les responsabilités doivent être établies. Les
qualifications d’acte criminel, prémédité d’incendies volontaire et de
meurtre ont été prouvées par l’enquête préliminaire et les témoignages
recueillis. A la demande du ministère public, une information judiciaire a
été ouverte contre X et pour délit de non-assistance à personne en danger
conformément à l’article 182 du code pénal qui stipule : “Sans préjudice de
l’application le cas échéant des peines plus fortes prévues par le présent
code et les lois spéciales, est puni d’un emprisonnement de 3 mois à 5 ans
et d’une amende de 500 à 15 000 DA ou l’une des deux peines seulement
quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou
pour les tiers, soit un fait qualifié de crime, soit un délit contre
l’intégrité corporelle d’une personne, s’abstient volontairement de le
faire.” “Est puni des mêmes peines, quiconque s’abstient volontairement de
porter à une personne en péril l’assistance sans risque pour lui ni pour les
tiers...” De ce fait, il est évident que les faits ont été dénaturés. La
qualification adéquate apparaît normalement comme incendie volontaire et
meurtre. Les sentences obéiraient donc à l’article 395 du code pénal
stipulant : “Quiconque met volontairement le feu à des bâtiments, logements,
tentes, cabines, navires, bateaux, magasins, chantiers, quand ils sont
habités ou servant à l’habitation, qu’ils appartiennent ou pas à l’auteur du
crime, est puni de mort.” De même l’article 399 du même code prévoit que
“dans tous les cas prévus aux articles 396 à 398, si l’incendie
volontairement provoqué a entraîné la mort d’une ou plusieurs personnes, le
coupable de l’incendie est puni de mort. Si l’incendie a occasionné des
blessures ou des infirmités permanentes, la peine est la réclusion
perpétuelle”. Même si le mis en cause est mort, les spécialistes en droit
criminel affirment l’obligation de l’ouverture de l’information judiciaire
en concluant le dossier selon l’article 6 par l’ordonnance de l’extinction
de l’action publique. Cela n’a pas été fait et les interrogations
surgissent.
Ilhem Tir