
Régions Centre : NICHEE AU PIED DES MONTS DE TAMEZGUIDA N’haoua, une localité laissée-pour-compte
“Sommes-nous condamnés à habiter des gourbis et boire de l’eau de l’oued, parce que nos ancêtres l’ont fait avant nous ou pouvions- nous aspirer à mieux à l’instar de nos congénères vivant dans une Algérie indépendante ?” Telle est la question qui nous a été posée de prime abord par les habitants de la localité de N’haoua lorsque nous les avions abordés pour un reportage sur leurs conditions de vie pendant cette vague de froid qui s’est abattue sur le territoire national. Très haut perché sur une colline, au pied des montagnes de Tamezguida, Djebel Haouche, Goudey et El Hayhaya, le village semble complètement oublié. Ses habitants sont imprégnés d’une fierté qui les empêche d’implorer une quelconque assistance des autorités locales. Pour arriver à N’haoua, il faut emprunter une route sinueuse et à peine carrossable, d’une longueur de 15 km à partir de la daïra de Mouzaïa, laquelle est distante de 14 km du chef-lieu de la wilaya de Blida. Relevant actuellement de la commune de Aïn Romana, cette localité dépendait, avant le dernier découpage, de la wilaya de Aïn-Defla. 3000 âmes y vivent mais dans des conditions moyenâgeuses, hélas. A voir N’haoua, l’on déduit d’emblée que la civilisation n’est jamais passée par là. Les taudis faits de tob,un matériau à base de boue et de foin, constituent la majorité des maisons où vivotent ces citoyens donnant une image parfaite d’une misère qui ne dit pas son nom. Néanmoins, et faute d’alternative, ces laissés-pour-compte acceptent stoïquement la rudesse de la vie dans ce bourg. En cette vague de froid, la neige a couvert d’un manteau blanc toute la région. Et pour se chauffer, les pauvres N’haouis utilisent, comme dans l’ancien temps, le nafekh (brasero). Dans chaque maison que nous avons visitée, nous avons constaté la même chose : un nafekh au milieu de la pièce en guise de chauffage. “Cela fait trois jours que nous n’avons pas été alimentés en gaz butane”, nous rétorquent-ils. Alors qu’ils vivent quasiment tous sous le seuil de la pauvreté et dans des conditions lamentables, d’aucuns ont préféré nous montrer, par décence, la demeure de la famille Hadj Mihoub Sidi- Moussa. En effet, c’est une masure de fortune dans laquelle vit un jeune couple. L’une des pièces est à moitié sans toit. Dans ce gourbi ouvert à tous les vents vivent pourtant deux êtres humains. Comment sont-ils arrivés à résister au froid sibérien de ces derniers jours ? Un mystère. D’autres familles qui nous ont accordé l’hospitalité souffrent autant du dénuement. Ladjelat Ahmed, Ahmed Serrir Abdelkader, Mohamed Zayed Mohamed ou Benayed Yekhlef, pour ne citer que celles-là, sont l’exemple de familles qui continuent de souffrir des affres du laisser-aller des pouvoirs publics. Le salaire des chefs de famille est une honte. “La meilleure paie ici est de 8000 DA”, nous dit-on (même pas le SNMG). Nous apprenons aussi que certains pères de famille touchent une aide du filet social de 4000 DA. Cependant, ils sont tous unanimes à dire que si l’Etat les encourage par des aides financières dans le cadre de l’élevage ovin ou autres investissements dans le secteur de l’agriculture, leur situation pourra s’améliorer et, partant, contribuer au développement local. Par ailleurs, et en voulant savoir si des membres de l’APC de Aïn Romana se sont inquiétés de leur sort durant cette vague de froid exceptionnelle, ils nous ont répondu que la seule institution qui leur a prêté aide et assistance est la brigade de la Gendarmerie nationale de Mouzaïa. “Depuis les intempéries, seuls les éléments de la gendarmerie de Mouzaïa viennent régulièrement s’enquérir de notre situation”, martèlent-ils. Dans un autre registre, les citoyens de N’haoua déplorent avec dépit l’inexistence d’une mosquée dans leur village. “La seule mosquée qui nous permettait de faire la prière ensemble a été détruite en 1998 par les terroristes. Et toutes les demandes adressées aux autorités concernées pour sa reconstruction sont restées vaines”, nous font-ils savoir. Sur le plan de l’éducation, N’haoua dispose d’une seule école primaire. Pour le cycle moyen, les collégiens sont contraints de faire plusieurs kilomètres à pied, et ce, en allant jusqu’à Aïn Romana ou Mouzaïa ; raison pour laquelle les filles arrêtent leur scolarité à la 6e année primaire. Justement, au sujet des filles, on nous dira que rares sont celles qui convolent en justes noces à N’haoua. Et si par chance elles se marient, elles prennent pour époux des veufs qui ont l’âge de leur père. La réponse donnée à ce célibat forcé est que tout simplement les jeunes n’ont ni les moyens ni le logement pour prétendre à demander une fille en mariage. C’est dire que N’haoua vit un temps qui est loin d’être le nôtre. M. Belarbi
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