Actualit�s : Des directeurs de publication en parlent

Le 11 f�vrier 1996, une bombe explose au Soir d’Alg�rie , � la Maison de la presse. Neuf ans apr�s, les directeurs de publications et r�dacteurs en chef ayant v�cu directement ou indirectement ce drame reviennent sur ce jour. Neuf ans apr�s, les souvenirs sont encore vivaces. Quel est le bilan depuis cette date ? Quel est le chemin parcouru ? O� en est aujourd’hui la corporation ?

- M. Hassan Bachir Cherif, directeur de publication de La Tribune: “Une d�faite pour les terroristes”
�a a �t� une journ�e de grand deuil puisque nous avons perdu des confr�res du Soir d’Alg�rie, une maison de la presse quasi d�truite et un journal en poussi�re. Au-del� du choc �motionnel de cette journ�e, nos larmes de sang se sont transform�es en quelques secondes en larmes de courage. Cependant, d’une seule main et dans des conditions des plus p�nibles, nous avons d�cid� de sortir nos journaux. C’�tait une r�ponse unitaire et solidaire, qui pour moi, �tait une des �tapes-phares et historiques qui a donn� � la presse alg�rienne ses lettres de noblesse et le respect de nos confr�res de la presse mondiale. C’�tait, aussi, une r�ponse d’un des pans importants de la soci�t�, qui chacun de son c�t�, a d�cid� de lutter et de vaincre le terrorisme. Et donc, une autre d�faite pour les auteurs des massacres de Bentalha, Ra�s et de la bombe de l’a�roport. Neuf ans apr�s cet �v�nement et les nombreux camarades qu’on a perdus, au m�me titre que toutes les familles endeuill�es par la violence, nous nous posons la question de savoir pourquoi on en est arriv� l� ? Une forme de th�rapie professionnelle. Le fait que tous ensemble, dans la corporation, pour diverses raisons, on a recul� sur le plan de la coh�sion et de la solidarit�. On peut �videmment se demander si on a �t� � la hauteur des gens qui sont morts. Est-ce que pour les jeunes g�n�rations des journalistes, il y a encore un id�al ?

- M. Belhimer Mahmoud, r�dacteur en chef adjoint � El-Khabar: “Un autre combat commence”
Ce qui m’a marqu�, sinc�rement, est que quelques jours avant la bombe, j’ai rencontr� Allaoua, un homme modeste et professionnel, plein de courage d’espoir. Neuf ans apr�s, on a tendance � oublier ce qui s’est pass� durant les dix derni�res ann�es. Nous n’avons pas pu en tant que corporation tirer les meilleures conclusions de cette d�cennie. Cette presse a �t� courageuse contre la violence des terroristes et a arrach� petit � petit son ind�pendance et sa libert�. On a l’impression, aujourd’hui, que la corporation a laiss� tomber ces acquis lourdement arrach�s. La presse, qui a pu r�sister contre le terrorisme de l’�poque, pourra aujourd’hui affronter d’autres dangers qui menacent le m�tier. Il y a deux aspects : les menaces du syst�me qui ne veut pas se d�mocratiser et l’incapacit� de la corporation � se professionnaliser et �tre en conformit� avec les normes r�gles universelles de l’�thique. En principe apr�s avoir termin�, le combat contre le terrorisme, un autre doit obligatoirement commencer par le professionnalisme.
- M. Idir Benyoun�s, directeur de publication de La D�p�che de Kabylie: “Cultivons la m�moire et le souvenir” Il faut cultiver la m�moire et le souvenir des sacrifices consentis par la corporation d’abord, puis par l’ensemble du peuple alg�rien durant ces ann�es de terrorisme. Il faudrait, peut-�tre, dans cette œuvre de sauvegarde de la m�moire, transmettre � la nouvelle g�n�ration de journalistes toutes les donn�es utiles. Les journalistes ont �t� bien seuls durant ces ann�es. Le sacrifice de nos confr�res, un sacrifice supr�me, devrait nous appeler � plus d’humilit�, nous qui avons la chance d’avoir surv�cu. L’hommage qu’on pourrait leur rendre pour l’�ternit� est d’essayer de faire au mieux notre m�tier. Et en deuxi�me lieu, de continuer le combat pour lequel ils sont morts.

- M. Abderrahmane Mahmoudi, directeur de publication du Jour d’Alg�rieet des D�bats: “Un anniversaire douloureux”
L’entretien de la m�moire des personnes mortes est important. Ceci, sans en faire un culte ou une adoration, mais pour que les gens sachent bien ce qui s’est pass�. Il y a un r�flexe qui est en train de voir le jour. Celui de dire pourvu que ce soit fini et qu’on n’en parle plus. Ne plus remuer le couteau dans la plaie, dans le souci de tourner la page. Cette attitude contient des germes de n�gationnisme, car elle est injustifi�e et terrible, d’apr�s moi, pour les familles des victimes. Cette attitude de l’oubli est un danger terrible. Pour avoir subi le premier attentat contre la presse en mars 1994, contre l’Hebdo Lib�r�, je ressens une tr�s grande douleur. Nous sommes dans une situation, aujourd’hui, d’amn�sie qui se traduit par nous faire oublier la gravit� de ce qui est arriv�. Dans tous les cas, rendons hommage aux hommes et aux femmes de la profession pour qu’aujourd’hui, nous puissions exercer ce m�tier. Je salue l’initiative du Soir d’Alg�rie de revenir sur cette date d’une fa�on assez consistante. C’est un anniversaire douloureux pour toute la profession.

- M. Chafik Abdi, directeur de publication du Jeune Ind�pendant: “La corporation a besoin de cadres de concertation”
C’est tr�s difficile d’exprimer ce que l’on ressent apr�s avoir �t� frapp� directement par le terrorisme. Nous avons perdu des camarades qui ne faisaient que leur travail. Je souhaite de tout cœur que jamais l’Alg�rie ne vivra plus ce cauchemar et qu’aucun journaliste n’aura peur d’exhiber sa carte professionnelle ou de cacher sa fonction � ses voisins. Quoi qu’il puisse arriver � l’avenir, ceux qui ont planifi�, ex�cut� ou se sont r�jouis de la mort de journalistes ne pourront trouver la paix avec eux-m�mes qu’apr�s avoir rendu des comptes et �tre ch�ti�s. La corporation se rappelle qu’elle doit s’organiser, discuter apr�s seulement une trag�die. Il est �vident que tout le monde souffre d’absence de cadres de concertation aussi bien entre journalistes et/ou entre les directeurs de journaux. Je suis persuad� que si ces cadres existaient la corporation serait moins vuln�rable.

- Fay�al M�taoui, r�dacteur en chef d’ El Watan: “La corporation ne doit pas oublier”
C’est un souvenir douloureux pour la simple raison que les gens morts � l’�poque, �taient des camarades et des amis � l’image de Allaoua. Lors de cette journ�e, Le Soir d’Alg�rie a d’un seul coup disparu et d’autres journaux ont subi des d�g�ts. Cela a �t� �galement un choc pour la corporation. Les partisans de la haine ont voulu effacer carr�ment de la carte la Maison de la presse et les journalistes avec. Aujourd’hui, il ne faut pas oublier tout cela. Il ne faut pas, sous couvert du pardon g�n�ralis�, effacer totalement ou partiellement une v�rit�. Ceux qui ont commis ce crime, � mon avis, n’ont ni �t� identifi�s, ni jug�s. C’est � la corporation de ne pas oublier �galement. La presse, dans son ensemble, a une responsabilit� dans ce sens.

Propos recueillis par Meriem Ouyahia

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