Sports : ENTRETIEN SAID BOUAMRA (EXPERT A L'IHF) AU "SOIR D'ALGERIE"
“Le respect de l’homme : une dimension de la performance”


Sa�d Bouamra, l’actuel directeur du Centre national de l’information et de l’animation de la jeunesse (CNIAJ) est aussi un expert en handball vu sa pr�sence � la F�d�ration internationale de handball depuis 24 ans. De retour de Tunisie o� il a �t� d�l�gu� par cette instance internationale, en tant qu’officiel, il est revenu en profondeur sur tout ce qui a entour� ce Mondial avec un arr�t sur notre �quipe nationale messieurs et par extension sur la pratique handballistique en Alg�rie.

Le Soir : Vous venez d’assister au Mondial tunisien. Vos impressions sur l’organisation…
Sa�d Bouamra :
A l’unanimit�, les participants l’ont jug� parfaite sur tous les plans. La Tunisie n’a rien � envier aux autres pays, car les prestations y ont �t� excellentes et ont m�me d�pass� les pr�visions faites par les pays participants. De petits probl�mes ont surgi, mais n’ont pas caus� de souci. D’ailleurs, aucune contestation n’a �t� enregistr�e sur cette organisation. C’est une grande r�ussite et un grand honneur et ce petit pays nous a donn� une grande le�on. Cela nous a mis du baume au cœur.
Et le volet technique. Quelle a �t� la tendance de jeu qui s’en est d�gag�e ?

Comme le handball est une discipline assez standard, il n’y a pas eu une �volution. D’une mani�re g�n�rale, ce sont les m�mes prestations, car la discipline ne peut pas changer du jour au lendemain. Cependant, la majorit� des �quipes a utilis� la rapidit� dans la relance du jeu pour ne pas donner aux d�fenses adverses l’opportunit� de s’organiser et les surprendre ainsi. Il y avait une grande qualit� dans la gestualit� chez les joueurs dont la majorit� est tr�s jeune et de grande taille. Cette ann�e, les �quipes ont fait leur mue, vu l’absence d’autres �ch�ances internationales. Il faudrait attendre les prochaines manifestations pour voir comment se d�veloppera ce niveau technique.
Le palmar�s de ce Mondial est-il logique ?

Ah oui il l’est ! Mais d’autres �quipes auraient pu acc�der aux premi�res loges comme la Norv�ge, la Serbie. En outre, le succ�s de l’Espagne n’est pas une surprise vu sa r�gularit�.
La 4e place de la Tunisie est-elle le fruit d’un travail ou d’un hasard ?
Non ! Avant ce Mondial, j’avais constat� qu’elle avait laiss� appara�tre des pr�mices d’une �quipe qui jouait un handball moderne pour s’inscrire dans la logique contemporaine de cette pratique. Cette jeune formation se construisait lors de ses nombreux stages � l’�tranger ainsi que ses matches internationaux face � de grandes nations. Cette politique a fini par payer. Si la Tunisie avait acc�d� � la troisi�me place, cela n’aurait surpris personne.
Et l’Alg�rie ?

C’est tr�s difficile pour moi de donner un point de vue, car je ne l’ai pas vue � l’œuvre. Selon les techniciens �trangers pr�sents dans le groupe de l’Alg�rie, il ressort que notre �quipe n’avait pas dans les jambes, un nombre suffisant de matches. On ne peut pas affronter un Championnat du monde qui s’�tale sur une certaine dur�e, avec une pr�paration insuffisante qui s’est d�roul�e dans de mauvaises conditions. Une �quipe nationale se construit � long terme avec tout un travail, au niveau national, avec un championnat de qualit�.
Il y a toujours ce slogan “l’�quipe alg�rienne est jeune et pleine d’avenir” qui revient apr�s les �checs. Votre avis…

Une �quipe nationale peut-�tre jeune, mais si elle n’est pas prise en charge tr�s s�rieusement et si elle ne s’inscrit pas dans une logique � long terme, le r�sultat sera n�gatif. C’est de cette mani�re que les joueurs pourraient se rapprocher de la haute performance. Pour les observateurs d’El- Menzah, � l’exception de deux �l�ments de niveau international, le reste de l’�quipe n’est pas encore � la hauteur de ce niveau de pratique. L’Alg�rie a �volu� dans un groupe “jouable” et aurait pu se creuser un petit espace. Il faudra tirer un certain nombre d’enseignements. A mon humble avis, si nous ne sommes pas capables de bien se pr�parer � un Mondial, il faudra s’y d�sister. Ce sont des �v�nements qui ne pardonnent pas.
La composition d’un staff technique peut-elle jouer un r�le pr�pond�rant dans une r�ussite ?

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les staffs techniques sont devenus tr�s �toff�s avec des r�les bien d�finis pour chaque membre. C’est tout un environnement qui apporte une contribution aux joueurs pour maintenir chez eux cette n�cessaire motivation. Un entra�neur ne peut subvenir � tous les besoins de sa formation. Les �quipes bien structur�es ont compris tout l’impact que peut avoir ce riche environnement. C’est devenu une des conditions de r�ussite. Chez nous, on n’accorde pas beaucoup d’importance � cela. Il faudrait y penser � l’avenir.
Comment expliquer les 35 sorties pour 2 minutes, les 12 avertissements et les 2 cartons rouges subis en cinq matches par l’�quipe alg�rienne ?

Ce sont les meilleurs arbitres qui �taient pr�sents. Ils ont re�u des consignes strictes pour sanctionner l’attaque sur l’homme. Il y a peut-�tre des techniques d�fensives que nous pouvons utiliser m�me si nous avan�ons sur l’attaquant, mais il y des gestes qui sont r�pr�hensibles. Aussi, il fallait � ce moment-l� prendre d’autres dispositions pour �viter les sanctions.
Comment y rem�dier ?

Il faut s’interroger si dans la comp�tition en Alg�rie, les arbitres, trop gentils, permettent aux joueurs d’aller au-del� de certaines r�gles. Cela am�ne les joueurs � s’y habituer malheureusement. Peut-�tre que c’est � ce niveau qu’il faudra commencer � prendre les d�cisions qui s’imposent et obliger les joueurs � ne pas aller au-del� de certaines choses admises. Nos arbitres et leurs responsables ainsi que les entra�neurs exer�ant en Alg�rie, doivent prendre conscience de certains comportements en d�fense � bannir car portant pr�judice � l’�quipe.
L’�quipe nationale est absente des grands tournois internationaux contrairement � la Tunisie et l’Egypte. Pourquoi ?

Ces tournois-l� sont organis�s pour promouvoir les �v�nements handballistiques. Pour y garantir le spectacle, ce sont les meilleures �quipes nationales qui y sont invit�es telles que l’Egypte et la Tunisie, car elles sont appr�ci�es. Il y avait un temps o� l’Alg�rie avait attir� l’attention sur elle � cause de son syst�me d�fensif mais plus maintenant. Comme ses r�sultats ne sont pas tr�s encourageants, elle est oubli�e. Par extension, nos joueurs ne sont plus massivement recrut�s en Europe. Il faut analyser le pourquoi. Tout le volet des �quipes nationales doit �tre supervis� par le MJS car il engage la nation.
Apr�s le retrait alg�rien de l’organisation du Mondial espoir 2003, aura-t-on, un jour, la chance d’abriter un Mondial comme la Tunisie ?
Modestement, j’avais contribu� � la r�ussite de cette candidature en ce temps-l� lorsque notre pays avait un certain standing. Ce retrait a laiss� les gens de l’IHF sur leur faim. Maintenant, je me pose la question de savoir si l’Alg�rie serait encore choisie pour abriter un Mondial. Les gens de l’IHF ne se confient pas facilement, mais n’y pensent pas moins.
Vous venez d’�tre reconduit en tant que membre de la commission “d�veloppement et relations publiques” de l’IHF. Vos impressions ?
J’ai �t� tr�s sensible � la marque de confiance que m’a accord� une nouvelle fois l’IHF. Je crois que je suis parmi les plus anciens membres de cette institution. Nous y avons beaucoup contribu� avec plein d’id�es. Je rappelle que l’objectif de cette commission est d’�laborer un certain nombre de projets dans le d�veloppement du handball dans le monde avec la sensibilisation des f�d�rations nationales et des autorit�s de leurs pays � sa meilleure promotion.
Oubli� par la FAHB, mais reconnu par les instances internationales. Quel est votre sentiment ?
Je ne pense pas que je sois oubli�. Apr�s 1997, quand j’ai d�cid� de ne plus me repr�senter � la pr�sidence de la FAHB, j’avais constat� que mon projet de restaurer le handball pour une meilleure promotion n’avait pas convaincu. Alors, j’ai consid�r�, apr�s 16 ans de gestion, qu’il �tait pr�f�rable de se retirer. L’actuel pr�sident de la FAHB m’avait relanc� pour que j’apporte ma contribution.
A l’AGE de 2004, la famille handballistique avait esp�r� en vain votre retour � la t�te de la FAHB.

Quand j’ai quitt� la FAHB, j’avais d�cid� de ne plus y revenir. Je ne voulais plus revivre ce sentiment d’ingratitude que je n’ai pas accept� alors. Je ne pouvais subir cette attitude m�prisante malgr� mes sacrifices et ceux des autres serviteurs de ce sport. A l’IHF o� j’ai d�j� pass� 24 ans, il y a, au contraire, un respect de l’homme, de son travail malgr� de grands enjeux. Les hommes ne sont pas amn�siques. Cela est tr�s touchant. Cela n’existe pas en Alg�rie. A partir du moment o� le travail n’est pas un param�tre important et qu’il y a d’autres consid�rations qui entrent en jeu, j’ai pens� qu’il �tait pr�f�rable de se mettre � l’�cart et ne pas d�ranger des int�r�ts. Nous aurions pu, modestement, apporter une contribution. Comment revenir pour pr�sider cette discipline alors que nous avions �t� presque humili�s ? Pour moi, c’�tait un drame corn�lien : l’amour ou le devoir ? Le respect de l’homme est une dimension de la performance.
Que peut apporter M. Bouamra au handball, car il ne veut pas s’y impliquer directement ?
Si nous sommes � l’IHF, c’est pour l’aider grandement. J’ai montr� souvent ma disponibilit� dans ce sens. Derni�rement, la proposition faite par la FAHB d’int�grer une commission pour d�velopper ce sport, est rest�e lettre morte. Au Mondial tunisien, contrairement aux responsables de la FAHB, ceux des f�d�rations tunisienne, �gyptienne et qatarie nous sollicitaient souvent pour des conseils techniques.
Et l’avenir ?

Il ne faut pas que les gens entretiennent le malaise car le perdant ne sera que le handball. Nous �tions bien en avance sur certains pays en Afrique. Malheureusement, nous sommes en train de payer des choses. Une f�d�ration, quelle qu’elle soit, doit ob�ir � des r�gles de fonctionnement. Elle ne doit pas d�cider seule. L’autorit� aurait d� s’impliquer un peu plus, non pas pour s’ing�rer, mais pour baliser le chemin car cette activit� est engageante pour la nation.
Propos recueillis par O. Karimi

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