
Panorama : KIOSQUE ARABE Secrète et cruelle Oum Kalsoum Par Ahmed HALLI halliahmed@hotmail.com
Personne ici n'en doute : le président Bush n'aime pas les Arabes; pire: il les "calcule" pas comme dirait notre regretté ami Ameyar. Les seuls qui croient encore à l'amitié des Américains, ce sont les fans de westerns et de Marlboro. Ils sont malheureusement les plus nombreux. Et si notre grand ami Bush (DLP) s'est mis en tête de changer les Arabes, c'est qu'il désespérait de les voir agir par euxmêmes. Il est arrivé aussi à la conclusion que les Arabes pouvaient constituer un danger pour les autres. Après s'être acharnés à se purifier par élimination du meilleur d'eux-mêmes, les Arabes pouvaient songer à exporter leurs pulsions irrésistibles, s'est-il dit. Avec la coopération résolue de Saddam et de Ben Laden, la bonne volonté du clan "Assad", il a enfin pu dévoiler son grand projet : réformer les Arabess. Reste à savoir comment réformer et donc agir quand on est embourbé dans le marécage irakien. Et, surtout, comment mener à bien son projet quand les futurs réformés ont déjà trouvé la parade? La menace du changement a paradoxalement refait l'unité du monde arabes autour d'un seul mot : "islah". Pour ceux qui l'ignoreraient encore, "islah" est l'arme fatale contre la réforme américaine. Islah peut dire aussi bien réformer les sociétés que réparer les torts ou les atteintes physiques. Ainsi, on peut parler sans fausse pudeur de "islah" lorsque l'on pose un cautère sur une jambe de bois. C'est pour ça que la réforme peut prendre les directions les plus inattendues. Nous avons eu en Algérie la période des réformateurs, une mode éphémère qui eut ses "gentils" et ses "incroyables", un nuage d'été pour reprendre l'expression de Saïd Sadi. Avant eux, les "Uléma" ont appuyé à fond sur la pédale de l'islah tricolore avant de prendre le train de la révolution en marche. Des partis ont brandi le "kamis" de l'"islah" pour corriger les travers de la société décadente et lui faire revivre l'âge d'or des étripages à l'ombre des minarets. Quand un opposant saoudien brandit le mot "islah" à partir de Londres, ce n'est pas pour démocratiser le royaume et le moderniser mais pour y instaurer un régime théocratique plus dur que l'actuel. Ce qui veut tout dire. Il y a aussi ceux qui prennent les devants et font des réformettes pour éviter les réformes. On retrouve dans cet étalage les initiatives les plus inattendues. Ainsi la Ligue arabes fait de la réforme de pointe. Déjà menacée d'asphyxie financière, l'institution qui ne sert à rien veut encore se rendre encore plus inutile. Elle propose de mettre sur pied un parlement arabes. Vu le rôle et le pouvoir des Parlements nationaux actuels, ce serait une expérience intéressante quoique ruineuse. A la Ligue arabes, on est en quelque sorte réformateurs "additionnalistes". On se propose d'ajouter un surcroît de charge à un corps déjà lourdement lesté. Ce faisant, on a de meilleures chances de toucher le fond. Des "additionnalistes", on peut en trouver encore derrière les "aménagements" prévus au code de la famille. Pour paralyser l'activisme féministe, il suffit d'ajouter un boulet ou deux au code. Dans ce cas d'espèce, on dépasse la réforme pour se lancer dans le reformatage. "Les menottes les serrent trop aux poignets et entravent leur liberté, eh bien, qu'on leur ajoute des fers aux pieds!". Et tant pis pour les mécontents qui n'auront pas apprécié cette cinglante rebuffade d'un responsable islamiste : "C'est le code de la famille, ce n'est pas le code de la femme." Tout est dit. Personne n'ignore qu'en Algérie, la famille c'est l'homme, sauf inclusion d'éléments additionnels du genre reproducteur. On peut ergoter à l'envi sur les non réformes qui se trament en Egypte ou en Libye (avec la naissance d'un héritier mâle, la Tunisie devrait pouvoir suivre) et même en Syrie. On parle aussi au royaume alaouite du Machrek de la réforme. Là, elle est de type "soustractif". Lorsque Bachar Al-Assad dialogue avec deux opposants, il en met dix en prison. Rééditée autant de fois qu'il le faut, cette action de démocratisation finira par souder tout le peuple encore libre autour de la personne du "Raïs". La réforme dite soustractive n'a pas les moyens d'entretenir une armée de geôliers au Liban, elle procède par élimination. Un ôté de un égale zéro. C'est par cette simple opération arithmétique qu'a été résolu le problème Hariri. Mais là où la nation arabes devrait suffoquer d'indignation, c'est lorsque l'Etat libanais dépose une plainte contre X pour l'assassinat du dirigeant politique libanais. Après la détestable plaisanterie du bobard australien, la justice de Beyrouth lance des poursuites contre inconnu(e)s. C'est une manière de perpétuer l'insoluble équation libanaise. Le chef de la sûreté locale, le général Djamil Al-Sayed, a de son côté choisi d'ester en justice le quotidien koweïtien Al-Siassa et devant les tribunaux du Koweït où il s'est rendu à cet effet jeudi dernier. Al-Siassa avait nommément accusé Al-Sayed d'être l'un des trois instigateurs de l'attentat contre Hariri (Kiosque arabes du 21 02 05). Le rédacteur en chef du journal, Ahmed Al-Djarallah, s'est dit satisfait que le responsable libanais se soit adressé aux tribunaux mais il ne retire rien de ce que son journal a écrit. Tout en affirmant vouloir protéger ses sources, il a affirmé qu'il apporterait des éléments probants devant le tribunal lors du procès. Al-Djarallah a fait remarquer qu'aucune des personnes incriminées par le journal n'avait apporté de démenti aux faits. En dépit de tout, les lecteurs du quotidien londonien Al-Quds, proche des thèses islamistes, continuent eux aussi de privilégier la piste israélienne dans l'attentat de Beyrouth. Selon les résultats du sondage publié samedi 26 février par le journal, 62% accusent l'Etat hébreu. La Syrie ne recueille que 24,2% de voix la déclarant coupable. 10,9% des lecteurs désignent des "adversaires locaux" de Hariri et, enfin, 2,9% y voient la main des islamistes. Par contre, l'ultime sondage du quotidien Al-Arabia que nous avions évoqué la semaine dernière est moins affirmatif. Israël et la Syrie sont pratiquement au coude-à-coude. Et pourquoi pas un complot bilatéral des deux protagonistes? Miracle du réformisme ambiant : une jeune Saoudienne, Marwa Al-Aifa 25 ans, a remporté la victoire dans un rallye de voitures à Dubaï, nous apprend le magazine Elaph. Elle a battu la favorite, championne d'Afrique du Sud, Lara Babler. Se laisser doubler par une concurrente d'un pays où les femmes n'ont pas le droit de conduire une automobile, ce n'est pas commun. Précision utile : Marwa et ses parents ne vivent pas en Arabie saoudite mais dans les Emirats. On ne se souvient pas de la chanteuse Oum Kalsoum conduisant un véhicule mais on retiendra de la diva égyptienne qu'elle menait ses hommes à la baguette. Un livre publié par l'historienne de la musique égyptienne, Ratiba Alhafni, jette un éclairage inédit sur la vie privée de la cantatrice. Ainsi, affirme-t-elle, l'idole des foules arabess a été mariée secrètement durant onze ans avec Mustapha Amine, le fondateur du journal Akhbar-Al-youm. Et c'est le président Nasser qui a conservé le contrat de mariage. Mustapha Amine avait été un proche du leader égyptien avant d'être arrêté sous l'accusation d'espionnage au profit de la CIA. Ce qu'il a toujours démenti jusqu'à sa mort. Oum Kalsoum était également impitoyable avec son entourage qu'elle traitait très durement. Ratiba Alhafni rapporte ainsi qu'elle avait retiré la direction de son orchestre au musicien Mohamed Al Kasbadji, réduit à jouer du luth derrière la diva. Cruelle revanche sur le sort fait aux personnes du sexe faible. A. H.
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