Panorama : LES MOTS DU JEUDI
Vous �tes plus belles que le 8 mars !
Par Ma�mar FARAH http://farahblog.tk


Le 8 mars est une illusion. Ce jour-l� et alors que la nature en bourgeons se r�veille apr�s la pesante torpeur de l’hiver, les femmes de tous les continents se l�vent avec une �trange sensation de grande libert�. Partout, c’est la f�te, leur f�te. Sous les chapiteaux du grand cirque plac� la veille et dans la fi�vre des kermesses populaires, les clowns, les orchestres et les troubadours vont amuser un public exclusivement f�minin.

En m�me temps, s’installe dans nos rues grises et habituellement sans fleurs, un surprenant ballet de bouquets de roses porteurs d’amour et de passion. Ce jour-l�, les jeunes timides et ind�cis prennent leur courage � deux mains et osent ce qu’ils n’osent pas les autres jours. Tout est possible et le r�ve d’amour devient � port�e de main... Ce jour-l�, les femmes se font belles pour oublier que la vie est laide les 364 autres jours de l’ann�e, pour oublier leur statut de mineures, pour oublier la supr�matie de l’ordre m�le, pour oublier les harc�lements sexuels, les agressions et les violences conjugales... Ce jour-l�, les restaurants, les pizzerias et les salons de th� se remplissent enfin, embaum�s par les parfums de luxe que l’on r�serve pour les grandes occasions, illumin�s par l’�clat de ces cr�atures redevenues elles-m�mes, c’est-�-dire �l�gantes, gracieuses et fringantes sous leurs habits de f�te. Ce jour-l�, le syst�me des hommes, le pouvoir absolu des m�les, le tout- puissant ordre qui exploite la femme tout au long de l’ann�e, se met volontairement au repos, gav� de certitudes : ce ne sont pas ces exc�s de sentiments envelopp�s dans la fausse joie des r�jouissances exceptionnelles et le folklore rituel des “journ�es internationales” qui vont remettre en cause sa supr�matie. Au contraire, en livrant la rue aux femmes, il leur donne l’impression qu’elles sont libres et cela le met � l’abri de toute contestation s�rieuse pour l’ann�e en cours. Cette parenth�se ouverte dans la tristesse de la vie des femmes et la p�nibilit� de leur situation est une sorte de tr�ve olympique qui permet aux uns et aux autres d’oublier la r�alit� quotidienne. Mais, cet �cran de fum�e, mont� par les sp�cialistes de la manipulation, cache mal la difficile condition f�minine. Et le 9 mars, dans l’aurore naissante et le froid des avenues mal �clair�es, les cohortes de femmes de m�nage qui rev�tiront nos rues de leurs tristes couleurs, rappelleront � tous qu’une hirondelle ne fait pas le printemps ! Dans les salles au plancher garni de papiers, d’emballages vides et de restes �pars de la f�te, sous les lampions et les fanions agit�s par le petit vent matinal, ces bouts de femmes qui tremblent dans les courants d’air des grandes baies b�antes, sont les premi�res � r�aliser que le 9 mars n’a rien � voir avec le 8 et que, malheureusement, tous les autres jours de l’ann�e auront les m�mes couleurs que ce matin frisquet et incolore, bl�me comme la vie de tous les jours. Cet arri�re-go�t qui vous reste des r�jouissances, quand la t�te lourde et la gorge encombr�e vous donnent une gueule de bois, tra�nera quelque temps avant que l’insipidit� n’emporte � nouveau les �tres et les choses dans son tourbillon fatal ! R�signation, r�signation... Domin�e et exploit�e du 9 au 7 mars de l’ann�e suivante, la femme vit un jour de r�ve ; mais quels que soient la beaut� de cette journ�e et les nobles sentiments qui peuvent animer les promoteurs des festivit�s qui la marquent, elle n’arrivera jamais � faire oublier les injustices que l’on fait � Eve dont le statut demeure un outrage � notre histoire et � nos traditions et une honte nationale que les quelques repl�trages � gauche et � droite ne r�ussiront jamais � camoufler. La femme est l’�gale de l’homme ou elle ne l’est pas ! Toute solution � mi-chemin de ces deux options est un faux-fuyant relevant des techniques de d�robade qui sont le propre d’un syst�me plus � l’aise dans les labyrinthes et les sous-sols que dans la clart� des grands espaces. Ainsi en est-il des derniers “am�nagements” du code de la famille qui n’ont rien r�gl� quant aux probl�mes fondamentaux de la femme et sa place dans la soci�t� alg�rienne. Et les associations f�minines ainsi que l’opinion internationale ne s’y sont pas tromp�es en r�clamant plus de droits pour la femme. Les politiques et les moralisateurs vont nous saouler encore avec la “participation de la femme � la guerre de Lib�ration”, son r�le dans “l’�ducation des g�n�rations”, sa “participation � l’œuvre d’�dification nationale” et blabla et blabla... Mais en ces temps o� l’amnistie g�n�rale et le grand pardon sont devenus les points cardinaux d’une politique de reniement et d’abandon, on oubliera de rappeler que la femme fut la cible privil�gi�e et la premi�re victime des discours haineux et des agissements criminels des hordes int�gristes ! On oubliera de saluer le courage et la d�termination de ces millions de femmes qui ont vaillamment r�sist� � la terreur islamiste, � un moment o� beaucoup d’hommes abandonnaient le combat ! On oubliera d’honorer ces enseignantes courageuses qui ont continu� � prendre le chemin des �coles et des lyc�es au milieu de mille dangers ! On oubliera d’�lever des statues � ces maquisardes qui ont rejoint spontan�ment les rangs des patriotes ! On oubliera de rappeler le sursaut de dignit� des centaines de milliers de femmes qui ont march� � Alger un certain mois de mars pour r�veiller le peuple de sa l�thargie et montrer aux mollahs et � leurs troupes sanguinaires un autre visage que celui de la peur et de la soumission ! On oubliera et on oubliera encore... Que d’oublis sur la route qui a sauv� la R�publique et l’Alg�rie, la seule et l’unique que nous connaissons et que nous n’abandonnerons jamais, quel que soit le prix � payer ! Non, nous n’emprunterons ni les petits sentiers de la honte, au milieu des fourr�s qui cachent la lumi�re, ni les autoroutes opulentes de cette Alg�rie minoritaire qui finira un jour par �tre cern�e par ceux qui ont faim et froid ! Non, la seule route que vous nous avez montr�e, mesdames, nobles et belles filles de l’Alg�rie r�elle, authentique Kahina et Fatma N’soumer, est la route du combat pour la dignit�, la seule qui m�ne vers la lumi�re ! Alors je ne vous ferai pas l’injure de vous souhaiter bonne f�te, car je ne crois pas en ce 8 mars ! Vous �tes trop belles pour �tre c�l�br�es un seul jour de l’ann�e et trop grandes pour un petit apr�s-midi f�ri� ! Le syst�me de l’homme absolu veut vous f�ter comme il a appris � le faire pour honorer l’arbre, la m�t�o ou les zones humides ! Il a m�me r�ussi � donner l’illusion aux handicap�s qu’ils ont une journ�e bien � eux ! Et vous savez toutes ce qui se passe durant les 364 jours qui s�parent le 15 du 13 mars de l’ann�e suivante : les handicap�s sont abandonn�s ! Vous n’�tes pas une esp�ce en voie de disparition ou un domaine � prot�ger pour que l’on vous affable d’une journ�e internationale. Si vous �tes l’�gale de l’homme, toutes les journ�es sont normalement � vous ! Ou alors, pour plus de justice, que l’on cr�e la “journ�e internationale de l’homme” ! M. F.

P.S. : Et pendant ce temps-l�, la pluie qui tombe brutalement sur la cour d’une prison noy�e dans la grisaille d’une banlieue alg�roise, ram�ne quelques images nostalgiques de ce pass� si cher que nous avons en commun... Un petit bistrot dans les ruelles voisines du 20, rue de la Libert�... Odeurs de fritures de sardines... Quelques pots... Les sous qui manquent... “Ils n’ont pas vir� encore!”... Hocine le cuistot qui va aux nouvelles � la banque Ali- Boumendjel... Le syndicat... Nos d�bats anim�s... Et dire que nous avons �t� aussi des �lus UGTA � la section syndicale d’El Moudjahid ! C’�tait une autre �poque... Le 14 mars prochain, tu auras boucl� 9 mois de prison. Mohamed Benchicou, courage ! La libert� viendra t�t ou tard ! Allez, ferme les yeux et r�ve au Matin ... Je suis s�r qu’il repara�tra. J’en suis convaincu m�me !

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