Panorama : LETTRE DE PROVINCE
Arouch, indus �lus et petites manœuvres
Par Boubakeur Hamidechi


Allons donc ! Comment croire un instant que monsieur Ouyahia ait pu agir seul, sans feux verts et sans prendre l’avis de ses pairs � �l’alliance� ? Lui qui, de la main droite dirige la chefferie du gouvernement et de la main gauche le RND, est un politicien top calculateur pour �tre un aventureux. Prudent pour s’engager avec la seule lanterne de sa chapelle, l’on suppose qu’il a consult� tous les entourages et pris des assurances fermes.
Autant dire que sa r�cente directive destin�e � faire remettre les mandats des indus �lus de Kabylie n’est pas une initiative unilat�rale. S’engageant uniquement en �claireur, comme l’exige la pr��minence de sa fonction, il n’est pas exclu de le voir rejoint et soutenu par le FLN. � eux deux — le MSP n’a pas d’�lus dans la r�gion— , ils comptent r�soudre � moindre co�t politique l’�quation de la repr�sentativit� locale, sans pour autant toucher � l’immuable �quilibre au Parlement d’o� ils puisent leur l�gitimit�. L’effet d’annonce du RND est par cons�quent moins un ballonsonde destin� � mesurer les r�actions, qu’une strat�gie se mettant progressivement en place afin de liquider une revendication des arouch et, pourquoi pas, transf�rer l’objet de la querelle sur les partis qui en contestent le caract�re partiel et partial d’une pareille solution. En mati�re de courage politique, le proc�d� n’est-il pas d�j� qualifi� de solide tromperie sur sa finalit� r�elle ? �voquant en toile de fond la r�activation des n�gociations avec les arouch, l’on soup�onne, du c�t� du FFS et PT, le pouvoir de vouloir les d�signer comme les derniers opposants � la r�habilitation des urnes locales ! Il est vrai que le haut fait d’arme de Ouyahia envoyant au sacrifice quatorze ��lus� si�geant au fin fond de la cambrousse kabyle est incontestablement une concession sans risque majeur, tant son parti est sousrepr�sent�. Mais par cet acte de fausse bravoure politique, esp�re-t-il se rendre plus cr�dible aupr�s des arouch en les amenant � penser que dor�navant les seuls obstacles sont les partis en charge des communes de la r�gion ? Le FFS et le PT en sont clairement la cible. Contr�lant une bonne partie des instances �lectives, ils sont � l’�vidence enclins � crier au complot consistant � les jeter en p�ture � une opinion d�sinform�e et surtout � un mouvement affaibli et dont ils veulent souligner que sa l�galit� reste � �tablir. De leur c�t�, que pensent les d�l�gu�s, en n�gociations ouvertes, du traitement de ce point crucial de la plate-forme d’El-Kseur ? C’est-�-dire, doivent- ils � leur tour se poser des questions de proc�dure ? Sontils � m�me de contester ce changement de perspective et la �solution� de rechange qui leur sera propos�e incessamment ? Pourquoi une usurpation de repr�sentativit� appelant en toute logique une invalidation dans les m�mes termes que sa l�gitimation constitutionnelle devient-elle par la magie politicienne une simple affaire de �conscience et de morale� partisanes ? Le caract�re r�ducteur d’une telle pirouette n’est-il pas d’abord conforme aux int�r�ts du pouvoir alors qu’il �tait affaire d’�thique r�publicaine ? Qu’est-ce � dire si ce n’est que l’on s’efforce en priorit� � contenir toute la probl�matique de nos fausses �lections dans le ghetto kabyle et partant �pargner un Parlement croupion. Le FFS, absent de la repr�sentation nationale, tout comme le RCD d’ailleurs, est par contre fortement implant� dans les institutions de proximit�. Le contr�le qu’il exerce sur les affaires locales, en d�pit de la validit� relative des mandats qu’il d�tient, l’expose pr�cis�ment � devenir l’unique abc�s de fixation des arouch. Ce que souhaite actuellement le pouvoir et que vise en partie cette op�ration de �d�missions �. Ainsi les prochaines �lections partielles ne doivent se justifier que par la �vacuit� administrative et jamais par une invalidation constitutionnelle, laquelle pr�sente le risque de donner des �id�es et susciter des grognes� dans d’autres r�gions aux �lus contestables. Ceci pos�, faut-il s’attendre � ce que les arouch r�futent les amalgames contenus dans le nouveau processus ? Jusque-l� rien n’indique qu’ils soient en position de force pour en d�noncer la mani�re. Totalement obnubil�s par les r�sultats, ils sont guett�s par le d�sir de parvenir � un accord sur la question, quitte � se tromper d’adversaires. Le r�alisme faisant le reste, l’on s’attend � ce qu’ils accompagnent toutes les �proc�dures� qu’on leur soufflera et iront jusqu'� mettre sous influence les �lus des formations r�fractaires, afin que ceux-l� s’en remettent � de nouvelles �lections. C’est qu’ils ne sont pas vernis ces d�l�gu�s qui ajout�rent foi aux signaux. Eux qui pens�rent avoir enfin affaire � une ��coute� moins hostile et s’imagin�rent acteurs de plein exercice dans la r�solution de quatre ans de crise ; les voil� aujourd’hui face � un d�bat de principe les concernant exclusivement. Sans doute que leur assentiment � un �dialogue� �tait-il d’abord dict� par l’enlisement de leur mouvement et l’in�vitable recomposition des rapports politiques apr�s la r��lection du 8 avril. Sans doute, �galement, firent-ils quelques projections en fonction de ce contexte sans trop tenir compte du fait que c’�tait le �timing� du pouvoir qui seul expliquait et justifiait qu’on les invit�t � un moment pr�cis et pas avant. Dans ce domaine, ils ne pouvaient qu’�tre tributaires du marketing politique pr�valant en haut lieu et jamais de ce qu’ils portaient comme revendications. Le fait qu’on les ignor�t longtemps apr�s le 8 avril et qu’ils retrouv�rent subitement le statut de clients, indique, dans le meilleur des cas, qu’ils conservent une certaine audience ; et dans le pire, que l’on s’attelle � instrumentaliser le reliquat de leur mouvement. En se flattant de n’agir que dans le sens de la plate-forme d’El-kseur et sa concr�tisation, ils s’autorisent des postures avantageuses et se donnent abusivement le beau r�le. Alors qu’il est clair, que si des dividendes doivent �tre tir�s de ce travail de �normalisation� ils iraient d’abord au r�gime, lequel est parvenu � ses fins en vidant de toute �nergie leur mouvement avant de l’amener sur son terrain tactique. Dans ce registre, il se pr�pare justement � marquer de nouveaux points en ressuscitant une hostilit� subjective opposant les arouch et les courants partisans, avec pour objet d’affrontement la question des indus �lus. Cette �patate br�lante� qu’il renvoie aux partis en les accusant implicitement d’emp�cher le d�nouement de la crise de Kabylie. Immense contre-v�rit� � la mesure des fausses solutions qu’il ne cesse de concocter pour cette r�gion et le pays dans son ensemble. Pour �tayer cette crainte, il n’est qu’� rappeler qu’il n’a eu cesse de r�primer au nom du droit, puis de se d�fausser, par n�cessit�, sur les acteurs qui lui sont d�favorables. C’est dans ce sens, qu’entre avril 2001 et avril 2004, il imposa au pays, par un autoritarisme d’airain, un calendrier politique d�mentiel qui laminera tous les r�seaux de la d�mocratie et aboutira aux pires trafics �lectoraux. Point d’orgue de l’abstentionnisme �lectoral, les fameuses �l�gislatives� et �locales� de 2002 se d�roul�rent dans un climat quasi insurrectionnel et d’o� ne sortirent que des mandataires mal �lus. Puis pour ajouter � la mascarade une couche d’h�r�sie, le Conseil constitutionnel validera jusqu'� des mandats obtenus avec moins de 3% du corps �lectoral ! L�gaux mais pas l�gitimes, ce qui n’est pas la m�me chose, ces �lus ind�ment investis tout autant que les partis les ayant pr�sent�s, �taient, il est vrai, dans l’indignit�. Mais comment qualifier la fabrique du r�gime qui en commercialisa le label ? Or, qu’est-ce qui a chang� chez celui-ci, � l’exception de la m�thode, pour que les arouch focalisent uniquement leurs griefs sur des partis politiques compromis et d�douanent par omission le corrupteur qui les a soudoy�s ? Si par hasard quelques r�serves venaient � �tre faites � ce pernicieux proc�d�, elles doivent imp�rativement signifier qu’accessoirement les formations politiques incrimin�es portent certes la tare morale d’une telle d�rive, mais que le seul mis en cause dans une falsification de cette ampleur demeure le pouvoir d’Etat et ses institutions, coupables d’avoir fait obstruction � l’expression de l’�lecteur. Les arouch ayant pris langue avec le pouvoir sauront-ils se rappeler de cette �chelle des responsabilit�s en s’abstenant d’accabler les partis ? Qu’ils leur reprochent d’avoir �t� les b�n�ficiaires d’une escroquerie �lectorale est en soi un argument imparable, par contre il serait mal venu de leur part de reprendre � leur compte un odieux marchandage par la �d�mission�, au pr�texte qu’il n’y a pas d’autres alternatives � la tenue de nouvelles �lections. Or, il est admis que le recours � l’invalidation d’un scrutin ne manque pas de dispositions l�gales. C’est donc par calcul que le r�gime privil�gie l’arsenal administratif pour ne pas avoir � d�battre de sa culpabilit� pass�e, voire du respect des libert�s publiques qu’il ignore. Un mouvement, hier porteur d’id�aux d�mocratiques et que le r�gime qualifia un temps de hors-la- loi, est-il encore capable d’op�rer les distinguos utiles ? Ceux qui lui rappellent qu’en d�pit des malentendus, il demeure du m�me bord que les partis dont les existences sont indissociables des libert�s politiques. En face, sur l’autre rive, l’appareil d’Etat est par d�finition un antidote m�me quand parfois il se r�v�le � la hauteur des attentes. Aller � la cur�e anti-partis au nom d’�lections libres n’est certainement pas la preuve d’une grande subtilit� dans le combat que l’on m�ne.
B. H.

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