Panorama : LETTRE DE PROVINCE
Les effets d’annonce d’un porte-parole
Par Boubakeur Hamidechi


E�t-il mieux fait de ne r�pondre qu’aux seules questions pos�es au lieu de se …r�pandre en commentaires et en f�cheuses �r�v�lations � ? S�rement qu’en politique l’�conomie de paroles �vite bien des d�rapages. C’est ce qu’avait d� oublier, ou ne le savait pas du tout, le porte-parole des arouch. Prenant pour monnaie sonnante des promesses de gascon, il les expose comme des troph�es et s’expose dans le m�me temps � la d�rision.
C’est que l’enthousiasme du sieur Abrika lui a jou� un tour pendable avec cette histoire de � week-end universel � qu’il aurait n�goci� avec le chef du gouvernement. Terrible m�prise sur les comp�tences qu’il s’octroie pour aborder une telle question. S’�garant dans les m�andres subtils de la rh�torique des �changes de propos, il n’aurait pas compris qu’en la mati�re, laisser filer la discussion sur tous les sujets est une habilit� pour noyer une n�gociation. Car, enfin, de quel mandat national les arouch �taient-ils d�positaires pour faire de telles propositions ? Va encore pour la folklorique inscription de �Yennayer�. Elle satisfera au rabais le culturalisme berb�re alors que la reconqu�te identitaire est plus ample et plus haute qu’un vague calendrier des saisons. Pr�occup�s � l’exc�s par les �chos m�diatiques du dialogue qu’ils m�nent, ne sont-ils pas en train de succomber � une sorte de donquichottisme parfois ridicule ? Eux, qui ferraillent contre un invisible appareil d’Etat, oublient-ils que le bretteur qui leur est d�sign� les pousse � commettre de tels impairs ? Tant de tartarinades mettent assur�ment dans la g�ne ceux qui ont conserv� de la sympathie � ce mouvement. A bien des �gards, ceux-l� comprennent difficilement qu’au nom d’une crise � d�nouer, il y ait autant de fausses annonces. C’est � ce genre de confusions que se r�f�reront ses contempteurs pour le brocarder et le disqualifier. En effet, �tre �hors du sujet� n’est pas un accidentel d�tail mais le r�v�lateur d’un certain amateurisme. De toute les fa�ons, d’aussi d�testables gesticulations amusent s�rement leur h�te politique qui se garde bien de d�mentir, laissant le soin � l’opinion de se faire une id�e � partir de ces �non-sens � revendicatifs. Ouyahia peut boire du petit-lait � l’�coute de ces forfanteries. Lui, qui finement continue � donner du mou � une n�gociation tra�nant en longueur et s’en allant de toutes parts, agit dans sa bonne direction : celle de ramener la plate-forme d’El- Kseur � une �liste civile� d’ayants droit ! Pensions, d�fiscalisation, cr�dits � taux z�ro, etc. Abrika et ses compagnons peuvent bien s’abriter derri�re le respect scrupuleux de la table des mati�res de cette fameuse plate-forme, cela ne les rend pas plus vigilants qu’ils ne le sont ni cons�quents d’ailleurs avec les principes. Entre l’euphorie du maximalisme de combat qui accoucha d’une foule de dol�ances h�t�roclites et la n�cessit� d’�tablir un ordre de priorit�, ils privil�gi�rent le marchandage autour des indemnisations effleurant avec prudence les v�ritables probl�mes politiques. La m�thode, avec ses omissions et ses priorit�s, ne valant que par l’efficacit� suppos�e, n’a pourtant pas fait le consensus aupr�s de toutes les coordinations qui se sont divis�es sur la validit� de ces discussions. Autant dire que son inspirateur n’est autre que le repr�sentant de l’Etat. Ainsi au fil des rounds et des communiqu�s, nous d�couvrons un fatras de r�ponses qui concernent p�le-m�le des questions mat�rielles et d’improbables assentiments moraux sans engagements pr�cis. C’�tait cela la m�thode Ouyahia, elle ressemble � celle de Cou� qui pousse les d�l�gu�s des arouch � l’auto-suggestion pour se convaincre du bien-fond� de la d�marche. En d�veloppant subtilement une strat�gie de sur-valorisation de leur r�le, le chef du gouvernement leur fait croire � l’incontournabilit� de leur pr�sence. Dans le m�me temps, il prendra soin de laisser ouverte la discussion sur les points accessoires auxquels il donnera satisfaction. C’est pr�cis�ment l’imparable carotte financi�re qui dominera toutes ces rencontres et fournira aux d�l�gu�s des raisons de pavoiser. En se pr�valant d’un r�alisme payant, ils �vacuent le credo du combat et r�duisent la r�solution globale de la crise � une op�ration de courtage avec la Kabylie pour seule ligne d’horizon. Jusque-l�, la poursuite de ces contacts avec le pouvoir s’inscrivait publiquement dans une logique r�gionale et concernait exclusivement la remise � niveau d’une province ghetto�s�e depuis quatre ann�es. Aussi bien aux plans politique que social et �conomique, elle �tait leur sujet exclusif. La d�marche tout autant que l’esprit qui pr�sident � ces n�gociations ne souffrent gu�re de r�serves tant qu’elles se tiennent dans ces limites et avec cette unique pr�occupation. Chacun connaissant son r�le ; les repr�sentants de l’Etat �valuant � leur aune les possibilit�s de gommer les iniquit�s et leurs vis-�-vis de ne pas se d�partir de l’approche r�gionale pour exprimer leurs dol�ances. Mais voil� que l’on nous apprend, qu’autour de la table se �n�gocient� �galement des questions relevant de la l�gislation commune et que des engagements solennels sont d’ores et d�j� pris. Qu’importe la nature anecdotique du fait rapport� par Abrika dont lui-m�me n’a pas mesur� l’incongruit�, il renseigne cependant sur la niaiserie des uns et la fourberie politicienne des autres. A travers ce surr�aliste dialogue et cet accord qui n’en est pas un, l’on peut imaginer facilement qui tire les ficelles d’une telle plaisanterie. D’Ouyahia ou d’Abrika se faisant face � face, c’est bien celui qui opine qui dupe l’autre ! Le chef du gouvernement, poseur de mines tactiques, a r�ussi comme il le souhaitait � vider le mandat de ces d�l�gu�s de son s�rieux, ne leur laissant le choix qu’entre l’instrumentation ou le ridicule. C’est ainsi que les pi�ges un � un se referment sur eux. Ils applaudirent � une demi-mesure concernant des �lections partielles et ils firent de m�me de la question amazighe et sa constitutionnalisation. Seul lot de consolation pour maquiller ces reculs, la promesse d’instituer un troisi�me jour de l’an avec Yennayer. L’impression d’enlisement qui transpara�t de cette lenteur � conclure vient � son tour renforcer la th�se de ceux qui n’ont vu dans la relance d’un processus apr�s un gel d’une ann�e (fevrier 2004-janvier 2005) qu’une volont� de solder � moindre frais un probl�me de soci�t�, en mettant en marche la corruptibilit�. Pour ceux-l�, la satisfaction de quelques points d’une plateforme ne constitue, gu�re la d�monstration d’un changement de perspective mais bien un escamotage du d�bat de fond. Par ailleurs, cet enterrement dans une d�bauche de flonflons permettra la r�cup�ration des acteurs de la dissidence pour �tablir une nouvelle rampe de lancement destin�e � modifier le champ politique de la r�gion. Depuis 1990 et les premiers scrutins pluralistes, la pr�occupation des r�gimes a toujours �t� cette mainmise bipolaire qu’exer�aient le FFS et le RCD et qui verrouillaient les terres �lectorales de la Kabylie. Pas plus le FLN, qui a pourtant conserv� quelques r�seaux rescap�s du naufrage du 1988, que le RND contr�lant l’administration et r�gentant la fraude ne parvinrent � inverser ce rapport � leur profit. A chaque consultation, ils �taient sanctionn�s par des scores qui tranchaient avec leur h�g�monie dans le reste du pays et les emp�chant de d�ployer des relais de pouvoir. Or, les arouch avec leur ind�niable capital d’audience pourraient justement servir d’avant-postes de campagne en cas d’�lection. Le travail de parrainage pour lequel ils seront sollicit�s visera �videmment � se pr�senter en troisi�me voie, face � cette bipolarit�. Et cela par le biais de listes �citoyennes� dont on aura pris soin quelles n’�chappent pas au contr�le du pouvoir. Chevaux de Troie d’une majorit� pr�sidentielle dans la r�gion, elles seront la synth�se de l’alliance actuelle d�s lors qu’elles ignoreront l’�tiquette partisane. Ainsi au-del� de sa l�gitimation par la n�gociation, le mouvement des arouch pourrait �tre d’un autre �usage� politique dans les batailles �lectorales de la r�gion. Contestataire hier, partenaire aujourd’hui et instrument demain, il est pass� de l’intransigeance subversive � la collaboration. L’�preuve du temps et les doutes ont rendu ses dirigeants vuln�rables � la pression de l’environnement. Ils ont certes de bonnes raisons de revoir � la baisse nombre d’objectifs, sans que cela prenne l’allure d’une compromission. Dit autrement : dialoguer par principe, conc�der ici et conqu�rir l�, sont les voies royales d’une bonne n�gociation. Mais y aller sans discernement et avec un d�ficit de vigilance pr�pare in�luctablement au discr�dit.
B. H.

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