Panorama : PARLONS-EN
Syndrome de Stockholm
Par Malika BOUSSOUF malikaboussouf@yahoo.fr


Si � chaque round de n�gociations l’un des partenaires pouvait nous gratifier d’une seule bonne nouvelle, on prierait pour qu’un dialogue tel qu’entrepris par les arouch et le pouvoir s’�ternise. Des probl�mes que l’on disait insurmontables, jusqu’� la derni�re sortie d’Abrika, semblent d�sormais �ligibles � la solution esp�r�e.
Ce n’est pas tous les jours que l’on vous annonce � l’issue d’une rencontre destin�e � l’origine � lever les contraintes qui p�sent sur une r�gion que l’on a obtenu, en r�ponse � des revendications appropri�es, des r�sultats relatifs aux journ�es de repos hebdomadaire. Le syst�me ne joue pas. Il faudra bien l’admettre et se le dire sans penser sp�cialement � se faire violence ou � imposer aux autres la n�cessit� de regarder s’�panouir un r�gime qui, pour pr�server sa p�rennit�, ne plaisante jamais avec ses adversaires. Un seul exemple pour illustrer le s�rieux avec lequel nos autorit�s �tudient une question avant de s’employer � la traiter : les actes terroristes �tant essentiellement circonscrits � la Kabylie, il �tait pr�visible que les populations de la r�gion qui avaient auparavant demand� le d�part de la gendarmerie r�clament un jour son retour. Chose presque inesp�r�e, il y a quelques semaines encore, pour Ouyahia et Abrika qui auraient �t� plut�t confus d’annoncer aux familles des victimes l’impossibilit� d’un retrait total de cette derni�re en m�me temps que le jugement de ceux que la r�gion avait d�s le d�but des tragiques �v�nements d�sign�s comme les principaux instigateurs des troubles qui l’ont secou�e. Renvoyer la comparution des pr�sum�s coupables devant des tribunaux civils � une date ind�termin�e s’imposait depuis longtemps. Et aucun interlocuteur, �tranger au tr�s courtis� “mouvement citoyen”, ne pouvait mieux faire passer cette pilule � une population en mal de reconnaissance et de rep�res mais qui, surtout, n’en finit pas de panser ses blessures. Pourtant, les arouch qui s’�taient engag�s � d�loger les gendarmes de leurs casernes n’ont, en contrepartie, rien tent� pour prot�ger leurs concitoyens des terroristes qui r�gnent sur les maquis environnants ou du grand banditisme qui s�vit dans la r�gion. Les gangsters qui braquent les banques et �cument les commerces � tour de bras courent toujours. Quant � nos braves “mousquetaires”, ils auraient, eux, bien trop � faire pour s’inqui�ter de d�tails qui ne rel�veraient pas de leur comp�tence — cela arrange bien leurs affaires — mais de la seule autorit� de l’Etat. Et il serait mal venu de ne pas applaudir au fait qu’ils mettent beaucoup de cœur � l’ouvrage quand ils ne se d�m�nent pas comme de beaux diables pour lever l’impasse sur des questions d’int�r�t g�n�ral comme celle relative au week-end universel. On aura pourtant beau r�fl�chir � un d�nominateur commun — il semble si �vident — entre l’inscription de Yennayer dans le calendrier des journ�es ch�m�es et pay�es et le r�glement de la crise en Kabylie que l’on n’en trouvera aucun. Entre l’apaisement des tensions en Kabylie et la r�appropriation du week-end universel, inutile de chercher, il n’y en a pas non plus. Bela�d Abrika qui affiche au fil du temps un go�t de plus en plus prononc� pour le dialogue y voit, lui, pourtant, une possibilit� de retour au calme et s’accorde m�me un bon point pour avoir r�ussi, pr�tend-il, � arracher au pouvoir central ces deux “concessions de taille”. Il semble, du coup, que rien ne soit plus habile que de se lancer � la conqu�te ais�e de solutions d�j� impos�es par des imp�ratifs de coop�ration et donc pr�emball�es d�s lors que les probl�mes deviennent trop encombrants. Les tenants du syst�me semblent, pour leur part, s’�tre rendus, depuis un moment d�j�, � l’id�e d’un retour au week-end universel. Cela ne les d�rangeait donc en aucune mani�re que son annonce soit mise sur le compte du dialogue Ouyahia-arouch ni qu’un alli� s�r tel que B�laid Abrika soit, au tournant d’un round de n�gociations, �lev� au rang de porte-parole du gouvernement. Un alli� qui n’aura pas compris que si tous les arguments qui militaient depuis des ann�es en faveur d’un retour au dit week-end, y compris ceux li�s � notre �conomie, n’avaient, durant 30 ans, ni convaincu ni fait fl�chir la d�cision des responsables alg�riens et encore moins les forces r�trogrades entretenant l’inertie jusqu’au plus haut niveau, il ne pouvait suffire que les arouch s’en m�lent pour que le miracle soit. Bela�d Abrika, m�me mandat� pour le faire, ne pouvait, en effet, s’en aller discuter d’une plate-forme de revendications propres � une r�gion pour en ressortir brandissant le week-end universel comme troph�e dans son escarcelle sans que cela n’apparaisse suspect aux yeux d’observateurs plus aguerris au cynisme des pouvoirs publics. La question banale que devraient se poser notamment les familles des victimes du Printemps noir, c’est ce que pouvait bien venir faire le repos hebdomadaire dans une plate-forme de revendications o� figurent le jugement de gendarmes accus�s d’avoir tortur� et assassin� des citoyens de Kabylie, l’exigence de lib�rer des d�tenus du mouvement contestataire ou celle d’annuler un scrutin qui mettrait fin � l’incurie d�nonc�e par une population en col�re. Autre question � laquelle ces m�mes populations devront trouver une r�ponse sans attendre que les d�l�gu�s d’un mouvement se chargent de leur en proposer une, c’est ce que pourrait bien apporter la satisfaction de cette “incidence” incongrue aux maux qui rongent leurs villages et � l’ostracisme dont elles font l’objet et qu’elles tentent inlassablement de vaincre. Encore une question : et si le gouvernement ne satisfaisait pas cette revendication, qu’adviendrait- il de la plate-forme d’El Kseur dans laquelle figurent aussi l’officialisation de tamazight et la libert� d’expression ? Il faudra alors revenir � cette �vidence qui veut que s’il n’y en avait que pour les arouch ces derniers mois, ce ne f�t pas pour leurs beaux yeux. L’urgence manifest�e par les autorit�s � casser la cr�dibilit� d’emp�cheurs de tourner en rond comme ceux parmi les partis qui ont pignon sur rue dans la r�gion voulait que l’on substitu�t � ces derniers un mouvement dit citoyen repr�sent� par des hommes non rompus � l’esprit retors de leurs interlocuteurs et donc plus ais�ment manipulables. Il fallait diviser pour r�gner et on a travaill� vite et bien � d�stabiliser le FFS et le RCD. Puisqu’ils sont les partis les mieux implant�s en Kabylie, il fallait leur tailler des redresseurs sur mesure. Et des redresseurs redoutables comme seuls, � l’exception du syst�me, ont su l’�tre � leur �gard Abrika et ses compagnons de “lutte”. Le RCD, frileux, n’a toujours pas r�agi. Seul le FFS continue de se d�mener pour se relever du discr�dit jet� sur lui par ses propres �lecteurs, entre autres. Le doyen des partis politiques de la r�gion aura-t-il assez de souffle pour d�jouer l’alliance conclue entre le pouvoir et un Abrika obstin�ment d�termin� � se faire une place dans l’�chiquier politique local ? Rien ne para�t moins s�r quand on sait que pour tenir une r�gion aussi rebelle, le pouvoir n’a rien laiss� au hasard. Il exploitera tout ce qui, d’un c�t� ou de l’autre des arouch, arrangera conjoncturellement le mieux ses affaires. Dialoguistes et non dialoguistes, Taiwan ou d’origine, les ennemis � abattre d’hier ont �t� transform�s pour les besoins de la cause en partenaires privil�gi�s. Ceux qui appelaient, il fut un temps, � la d�sob�issance civile exhortent, aujourd’hui, leurs concitoyens � s’acquitter de leurs factures d’�lectricit�. Une dissolution de mairies et l’organisation d’�lections partielles pour donner le change et parer au plus press� aura suffi pour aplanir les malentendus entre les bourreaux d’hier et leurs victimes revenues depuis � de meilleures dispositions.
M. B.

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