Panorama : KIOSQUE ARABE
Randonn�es pour tueurs patent�s


"L'affaire a requis dix cigarettes "Marlborough rouge" — tant pis pour le cœur — accompagn�es d'excuses sinc�res � mon cardiologue. J'avais renonc� � l'�criture en d�pit de l'insistance de nombreux compagnons d�fenseurs de la libert� de conscience et d'expression. J'avais donc choisi de vivre en paix mais je ne m'attendais pas � tant de rancune de la part des tenants du courant religieux. Toutefois, et malgr� tout ce que j'ai d� entendre, j'ai persist� dans mon choix pour �viter des probl�mes avec la justice kowe�tienne qui p�nalise l'acte de penser et de s'exprimer.
Jusqu'� ce que Khoudir Al-Anzi �crive cet article provocateur � mon �gard, moi qui ne lui ai jamais consacr� une ligne malgr� la m�diocrit� de ce qu'il �crit. Plus encore, je trouvais assez surprenant qu'un journal lib�ral comme Al-Qabas permette la publication d'articles aussi faibles et aussi mauvais (…) J'ai donc d�cid� de me remettre � �crire quoi qu'il puisse advenir." C'est ainsi que commence l'article de l'universitaire kowe�tien Ahmed Baghdadi publi� dans le quotidien Al- Siassa du samedi 16 avril 2005. Baghdadi avait �t� condamn�, le mois dernier, � trois ans de prison avec sursis pour un article jug� offensant envers l'islam (Kiosque arabe du 4/11/2005). Il avait alors annonc� qu'il renon�ait d�sormais � �crire pour ne pas encourir le risque d'�tre jet� en prison. Seulement, il ignorait que ses adversaires qui n'ont jamais os� l'affronter avec les m�mes armes que les siennes, allaient s'enhardir. Pensant que Ahmed Baghdadi n'allait pas oser rompre sa retraite, l'un d'eux a jou� la mouche du coche. Khoudir Al-Anzi a choisi de frapper un adversaire � terre ( Al-Qabas du 14/04/2005) croyant ainsi l'achever. Las, Baghdadi s'est relev�. On ne chatouille pas impun�ment la crini�re du vieux lion. Au risque d'�tre � nouveau la cible de la justice kowe�tienne, il est sorti de son mutisme avec cet article dont le titre r�sonne comme un d�fi : "Nous serons toujours l� et les jours des tyrans sont compt�s." "Je serai toujours l� avec mon esprit, ma plume et ma culture, proclame en effet Ahmed Baghdadi. Je les confronterai, mettant � nu leur ignorance, la pauvret� de leur culture et des id�es qu'ils d�fendent dans leurs �crits (…) Qu'ils l'admettent ou non, mes articles font mouche et mettent � mal leurs id�es faibles et incoh�rentes." Remerciant ses d�tracteurs pour cette provocation qui l'a fait sortir de ses gonds, Baghdadi s'�tonne que ses d�tracteurs se soient ainsi m�pris sur ses capacit�s de riposte. "ils ont pari� � tort sur ma faiblesse, dit-il. Ils ignoraient que ma d�cision d'arr�ter ou de reprendre l'�criture est celle d'un homme libre, un homme qui, gr�ce � Dieu, n'a jamais mis sa plume au service d'un groupe ou d'un gouvernement." Apr�s ce long pr�ambule et pour bien montrer qu'il ne renonce pas, Ahmed Baghdadi propose � la r�flexion des ses lecteurs un texte extrait du manuel d'�ducation islamique des classes de quatri�me ann�e moyenne. Il s'agit du chapitre intitul� "La force des musulmans est dans leur unit� et leur solidarit�". On y lit ce qui suit : "Introduction : l'islam est une religion de force et de fiert�, une religion de tol�rance et de fraternit�. Il incite les musulmans � s'unir pour �tre puissants face � l'ennemi. De plus, Dieu le Tr�s Haut a appel� les musulmans � ne pas se diviser et � ne pas se disperser, de crainte que le diable ne s'en r�jouisse et n'envoie les d�mons, ses disciples, pour r�pandre sur la terre la corruption et l'anarchie." "Imaginez-vous que nous d�pensons, en tant que parents, des milliers de dinars pour que nos enfants aillent dans les �coles priv�es pour leur �viter le pi�tre enseignement public, souligne Ahmed Baghdadi. Et puis, le minist�re impose que leur soit dispens� un "enseignement" tel que celui-ci. Que viennent donc faire les d�mons dans l'unit� des musulmans ?, s'interroge Baghdadi qui persiste et signe, bravant les tabous et les interdits. On ne sait pas d'ailleurs si les m�saventures judiciaires de Ahmed Baghdadi ont quelque chose � voir mais l'un des autres quotidiens kowe�tiens Al-Rai-al-Am vient d'obtenir l'autorisation d'�tre �dit� � Chypre. Le journal des Emirats Al-Bayane qui rapporte la nouvelle pr�cise que cette autorisation a �t� sollicit�e au cas o�. Certes, souligne Al- Bayane, il y a actuellement un litige commercial concernant Al-Rai-al-Ammais il y a surtout les obstacles que rencontrent les �diteurs dans les pays arabes. Il observe ainsi que la plupart des nouveaux titres arabes de ces derni�res ann�es ont �t� cr��s � l'�tranger. Autres interdits, moins spectaculaires puisque relevant des formalit�s habituelles, celle de l'universit� Al- Azhar qui vient d'ajouter deux nouveaux livres � sa litt�rature interdite. Le Centre d'�tudes islamiques, rattach� � l'universit�, vient de rendre coup sur coup deux verdicts. Le premier concerne un livre sur l'Arabie saoudite qui constitue une violente critique de la famille r�gnante. L'interdiction est motiv�e par le fait que l'ouvrage porte atteinte au rite wahhabite et donc � l'islam. Le second livre est curieusement un classique du genre. Il y est question de gu�risons par m�tempsychose et autres proc�d�s d'occultisme. Son auteur est un certain Avicenne. Il ne vit pas au Kowe�t ou en Arabie saoudite mais � Boukhara, la localit� mythique situ�e aujourd'hui en Ouzb�kistan. "Al-Azhar" proscrit cette œuvre parce qu'elle pourrait avoir une influence n�faste sur la jeunesse. On peut donc se demander si ce n'est pas en lisant Avicenne que le jeune Hassan Ra'fat Bashandi a d�cid� de se faire exploser au milieu d'un groupe de touristes pr�s de la c�l�bre universit�. La fabrication des explosifs, impliquant parents et proches, aurait ob�i au principe du travail en miettes cher � Friedman, jusque dans sa finalit�. La tante de Hassan dont le domicile a servi d'atelier � bombes pourrait aussi �tre une fervente lectrice de Avicenne et une sp�cialiste des sciences occultes. On en d�duirait aussi que c'est dans la lecture du grand m�decin de Boukhara que le terroriste a puis� l'id�e d'interdire la t�l�vision aux membres de sa famille. C'est ainsi que les th�ologiens dits mod�r�s font la chasse � Avicenne…ou � Baghdadi et encouragent les vocations de kamikazes. En s'�veillant � une certaine foi, apr�s la mort de son p�re, le jeune Hassan Bashandi a pr�par� son tr�pas et celui de personnes innocentes. Hassan Ra'fat Bashandi s'est immol� avec la certitude de finir dans la b�atitude �ternelle. Il n'aura pas la latitude de retrouver ici-bas sa lucidit�, telle qu'en sa d�finition terrestre. C'est cette lucidit�-l� dont se r�clame Adel Tebourski, un des inculp�s dans l'assassinat du commandant Massoud en Afghanistan. Au proc�s de ce groupe devant le tribunal de Paris, on a pu appr�cier toute la panoplie de la mauvaise foi int�griste. Qu'on en juge : outre le fait d'�tre redevenu subitement lucide apr�s son arrestation, Adel Tebourski retient de Dahmane Abdessatar, un des ex�cutants de l'assassinat, qu'il avait "un grand sens de l'humour". Pour forcer le trait, un autre accus�, Ibrahim Keita, dit que son but n'est pas la guerre, mais comprendre la guerre. Ibrahim Keita et son copain Mahrez Azouz rejettent l'appellation de terroristes. Mahrez qui �tait charg� de l'entra�nement des volontaires a m�me soulign� qu'il avait agi ainsi parce qu'il aimait les randonn�es. Massoud a donc �t� tu� par un groupe de joyeux randonneurs, entre deux escalades en montagne. Tout simplement.
A. H.

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