Actualités : POUR OUTRAGE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Une année de prison ferme requise contre le caricaturiste, le chroniqueur et l’ex-directeur de “Liberté”


Pour outrage au chef de l’Etat, le procureur de la République de Sidi M’Hamed a requis 12 mois de prison ferme à l’encontre de Ali Dilem, Mustapha Hammouche et Farid Alilat. Verdict le 24 mai prochain.
Saïda Azzouz - Alger (Le Soir) - Le caricaturiste, le chroniqueur et l’ex-directeur du journal Liberté comparaissaient hier devant le tribunal d’Alger pour outrage au président de la République. Bien que des faits différents soient reprochés à chacun des journalistes, l’affaire a été traitée dans un seul et même dossier. Le commentateur de Liberté est poursuivi pour une chronique écrite dans un contexte précis — les élections présidentielles d’avril 2004 — et dans laquelle il faisait remarquer que les gouvernants n’avaient pas de temps à consacrer aux affaires courantes du pays puisque trop occupés par «la gestion politique» de l’évènement. Mustapha Hammouche, poursuivi en justice par le ministre public parce que son écrit a été jugé outrageant à l’égard du chef de l’Etat, jugera utile d’expliquer aux magistrats ce qui est un commentaire, avant de leur faire remarquer qu’à aucun moment le président de la République ou un tout autre responsable de l’Etat n’a été cité dans son commentaire. Une remarque que notera la présidente du tribunal, mais qu’ignorera totalement le procureur puisqu’il sollicitera l’application de l’article 144 du code pénal pour demander une année de prison ferme et une amende pour le commentateur. La même sentence a été requise à l’encontre de Farid Alilat, ex-directeur de Liberté, absent lors de l’audience d’hier et Ali Dilem. Ce dernier est poursuivi pour près d’une dizaine de caricatures qui traitent entre autres de la dilapidation de l’argent de Sonatrach, de la libération de Ali Benhadj, du bras de fer de Bouteflika avec la presse, de la relation du chef de l’Etat avec la chanteuse Amel Ouahbi, des rapports de l’armée avec le président, de l’utilisation du diminutif de Boutef ou du sobriquet de Atika. Les débats entre les magistrats et le dessinateur ont été révélateurs du choc entre «l’intelligence et l’absurde » comme le fera remarquer un avocat présent qui en observateur suivait l’audience. «Comment voulez-vous que je vous explique un dessin dont la lecture diffère d’une personne à une autre ? », a rétorqué Ali Dilem aux magistrats qui lui ont demandé ce qu’il voulait dire par telle ou telle caricature. Au procureur qui revient à la charge en demandant à l’artiste «ce qu’il ciblait par ses dessins », le caricaturiste, excédé, tente de faire comprendre que «le dessin reflète un point de vue, ou un fait donné à un moment donné, la lecture est votre lecture et vous ne pouvez pas nous l’imposer !! ». Impossible de restituer fidèlement la scène qui se déroulait en ce mardi 10 mai à la chambre des délits de presse du tribunal de Sidi M’Hamed. Pourtant l’instant est à immortaliser parce qu’il illustre parfaitement le dialogue de sourds. «A votre avis, parler de Bouteflika en l’appelant Boutef, n’est pas diffamatoire ? », demande la juge au caricaturiste qui, pour toute réponse, lui demande pourquoi les centaines de jeunes qui arboraient pour les élections des tee-shirts avec le slogan «Boutef, c’est mon choix !» ne sont pas poursuivis en justice pour outrage au chef de l’Etat et de se demander pourquoi Zeroual et avant lui Boudiaf pourtant malmenés par le crayon du caricaturiste ne l’ont pas poursuivi en justice. «Et Atika ?», s’exclame le procureur. «Où est-ce qu’il est dit que c’est de lui que je parle ? Et en quoi un prénom féminin est insultant ? demande le caricaturiste aux magistrats qui feignent d’ignorer que s’est par ce sobriquet que le chef de l’Etat est accueilli à chaque fois qu’il met les pieds dans un stade. «Pensez-vous qu’il soit correct de dire que le président parle à une chanteuse au téléphone ? interroge le magistrat qui veut épingler le dessinateur de presse. «Et pourquoi ça le serait, Abdelaziz Bouteflika est le président de la République, c’est un homme public, j’ai le droit de tout savoir sur l‘homme qui a entre les mains le destin de 30 millions d’Algériens… » Ali Dilem tentera à chaque fois de démontrer qu’il est burlesque de lui demander d’expliquer un dessin que dicte l’actualité, que c’est son métier que de grossir les traits pour dépeindre une réalité pas toujours gaie. Le ministère public, lui, ne le voit pas de cet œil puisqu’il a demandé une année de prison ferme pour les dessins «commis» par Dilem. Même sentence requise contre Hakim Laâlam et Fouad Boughanem en mars dernier. Le verdict devait être rendu hier, il sera, pour la quatrième fois, reporté.
S. A.



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