Actualit�s : IL Y A DEUX ANS, LE S�ISME...
La longue nuit du 21


Il �tait 19 heures 44 minutes ce mercredi 21 mai 2003, � la cit� des 1200-Logements de Boumerd�s. Kahina est prise dans la tourmente des pr�paratifs de ce qui devait �tre le plus beau jour sa vie. Boualem, petit entrepreneur � Bordj-M�na�el, r�ve du nombre de villas � construire. Dans un immeuble � la nouvelle-ville de Dellys, de nombreux convives c�l�brent les noces de deux des leurs.

A travers toute la wilaya de Boumerd�s, les fans du sport-roi commencent � rentrer chez eux pour suivre � la t�l� la finale de la Coupe d’Europe des clubs. Soudainement la terre commence � rugir, la mer s’est retir�e sur plusieurs dizaines de m�tres. A Cap- Djinet des villageois voient l’eau jaillir de leurs puits. Aux Issers, Akli ne comprend pas pourquoi le sol plat ondule. Apr�s des longs moments de silence, des cris de douleur sont perceptibles � travers d’�pais nuages de poussi�re. La longue nuit vient de commencer sur la wilaya de Boumerd�s et ses environs. La secousse tellurique dans sa course folle emporte des centaines de vies et laisse des milliers de bless�s. Constatant l’ampleur de la trag�die, le peuple alg�rien d�ploie comme � son habitude son �norme g�n�rosit� et sa formidable solidarit�. Toutes les localit�s bless�es par ce cataclysme sont inond�es de secours donnant lieu � de gigantesques encombrements de v�hicules qui viennent de toutes les r�gions du pays. Deux ans apr�s, si plus de 60 personnes avaient dans� avec la mort dans la f�te de Dellys, Boualem est toujours allong� sur son lit r�vant d’une op�ration chirurgicale lui permettant d’�chapper � l’infimit�. Kahina, retir�e 18 heures apr�s la catastrophe des d�combres, finit par se marier et essaye de soigner ses cicatrices physiques et les s�quelles laiss�es par la perte de sa m�re et de sa ni�ce. L’Etat a d�ploy� beaucoup d’efforts, certes avec des insuffisances, mais il a aid� les sinistr�s de cette catastrophe qui, de leur c�t�, leur premier devoir, celui de vivre, est de se reconstruire un avenir. Abachi L.

 

LES SINISTRES DE BORDJ-MENAIEL, SIDI-DAOUD ET BOUMERDES
Entre oubli, col�re et espoir

Deux ann�es apr�s le terrible s�isme qui a caus� tant de malheurs et de tristesse, mais r�v�lateur de la grandeur et de la g�n�rosit� du peuple alg�rien quand il a un d�fi � relever, qu’en est-il de la situation sociale des sinistr�s ? A la suite d’un p�riple qui nous a conduits � travers quelques sites de chalets dans les communes de Bordj-Mena�el, Sidi-Daoud et Boumerd�s on pourrait dire que les sinistr�s se meuvent entre d�ception, exasp�ration et espoir des jours meilleurs. Lorsque nous lui avions rendu visite, dans son chalet � l’entr�e ouest de la ville de Bordj, le mois de mai 2004 la veille du premier anniversaire du 21 mai, Mad�ne Boualem, en d�pit de sa grave blessure qui l’avait clou� au lit, avait une confiance in�branlable dans son pays. “Mentalement, je suis pr�t � mettre mes 14 ann�es d’exp�rience au service de mon pays”, nous disait-il plein d’espoir. En ce mois de mai 2005, il a vieilli d’une ann�e et le sentiment d’abandon a fait na�tre chez lui une rage envie de quitter ce pays qu’il avait encens� sur ce m�me lit l’ann�e derni�re. Il est vrai que pour Boualem et sa famille, rien n’a chang�. Aucune autorit� ne s’est manifest�e pour l’aider � traverser la mer afin de subir une op�ration chirurgicale synonyme, selon lui, de gu�rison. De plus, le salaire de l’�pouse enseignante ne suffit plus � faire face aux soins m�dicaux qui reviennent mensuellement � 5 000 DA et les besoins de la famille qui compte 5 enfants. D’ailleurs, cette m�re sur laquelle repose d�sormais tout le poids de la famille a maigri. Cette �pouse, cette m�re est l’image m�me des milliers d’Alg�riennes qui deviennent les piliers de la famille. En quittant son chalet, elle s’est approch�e de nous et, avec beaucoup de dignit�, elle nous a pri�s d’�crire que sa famille a besoin d’aide. Sa voisine vit aussi dans la m�me pr�carit�. L’unique fille Manal, 21 ans, qui r�vait, avant 2003, de devenir m�decin a abandonn� ses �tudes malgr� l’opposition insistante de sa m�re. “Apr�s le tremblement de terre, je ne pouvais plus me concentrer sur rien”, nous dit-elle timidement. Vraisemblablement, elle a besoin d’un soutien psychologique pour la sauver du traumatisme qu’elle n’arrive pas � d�passer toute seule. Un peu plus chez les Hamrioui, qui ont perdu six membres de leur famille lors de cette catastrophe, c’est une jeune femme qui nous re�oit. “C’est vrai que l’Etat a fait beaucoup de choses pour les sinistr�s, mais la vie est tr�s difficile dans les chalets. Concernant le relogement, rien n’est encore acquis et les sinistr�s ne sont pas organis�s”, nous d�clare la dame. Elle a fait le r�sum� des r�ponses des sinistr�s que nous avions rencontr�s durant cette journ�e. A Sidi-Daoud, ville paisible, mais jamais laiss�e tranquille par les hordes du GSPC. Le dernier m�fait des terroristes datant du mois dernier avait co�t� la vie � quatre gendarmes et militaires. Au niveau du centre-ville, un �migr� construit une villa alors qu’en face � 20 m�tres, deux �normes engins s’acharnent � d�molir ce qui fut la cit� des 80-Logements. Paradoxe de la vie. Le jour de notre passage a co�ncid� avec le coulage de la premi�re dalle. Comme il est de tradition, on ne pouvait pas refuser l’hospitalit� du propri�taire ! Tr�s vite, la discussion s’anima avec les jeunes ouvriers et leur patron. Selon eux, les sinistr�s qui se sont aventur�s � construire euxm�mes leur logement �prouvent moult difficult�s, notamment au niveau de la r�gularisation des documents fonciers. L’attribution des chalets n’a, par ailleurs, pas satisfait tout le monde. “Nous sommes sept adultes dans la famille et on nous a attribu� un seul chalet, nous �tions oblig�s d’opter pour l’aide au logement mais seulement pour 18 mois alors que nous n’avons toujours pas entam� les travaux de reconstruction � cause des probl�mes bureaucratiques”, nous dit un jeune. Les sentiments de frustration et d’indignation sont palpables chez ces jeunes qui voient, impuissants, le massacre fait quotidiennement � leurs plages par les pilleurs de sable qui jouissent de lcomplicit� av�r�e. Plus loin, � hauteur de Sahel- Bouberak, dans la m�me commune, nous rencontrons M. Touileb qui a �t� notre guide l’ann�e derni�re lorsque nous avions rendu visite aux villageois des hauteurs de ce massif montagneux. La m�me r�flexion que celle de l’ann�e �coul�e lui revient � l’esprit : “Dans nos villages, celui qui a des ongles creuse, celui qui a des ailes s’envole.” En clair, ces villageois sont exclus de tout. Nous cl�turons notre p�riple riche d’enseignements par une note � la fois dramatique, mais qui laisse � l’espoir sa raison d’�tre, au chalet qu’occupent Kahina et son mari � la sabli�re de la commune de Boumerd�s. Kahina est une miracul�e de la cit� des 1 200-Logements. Elle a �t� retir�e des d�combres du b�timent n�44 avec sa ni�ce alors �g�e de 2 ans par les secouristes fran�ais, 38 heures apr�s la secousse tellurique. L’entretien, qui devait durer pas plus de dix minutes, s’est �tir� sur plus d’une heure. Le jeune couple et leur voisin et ami, Mourad, avaient besoin de parler. Kahina a perdu sa m�re et sa ni�ce au moment des pr�paratifs de son mariage qui devait �tre c�l�br� avant que le s�isme ne chamboule tout. D�s qu’elle commence � nous relater les p�nibles moments pass�s sous les d�combres nous l’arr�t�mes. Visiblement la d�chirure de l’�me saigne toujours. Son mari n’a pas �t�, quant � lui, �pargn� par cette terrible soir�e, “puisque je suis d�sormais seule sans parents”. La femme de Mourad, grande amie de Kahina, avait �t� sauv�e des d�combres � la suite du tremblement de terre d’El-Asnam, mais le destin est, dit-on, inflexible, le s�isme de Boumerd�s a fait le reste. L’�poux de Kahina, cadre � Sonatrach, voulait offrir � sa femme un voyage de noces en France, “pour changer d’air, d�stresser et surtout lui permettre de voir sa tante”. Malheureusement, les autorit�s fran�aises ont refus� six fois l’attribution du visa. A. L.

 

 

M. ALI BEDRICI, WALI DE BOUMERDES, FAIT LE POINT AVEC "LE SOIR D'ALGERIE"
“Un grand effort a �t� d�ploy�”

 

Le Soir d’Alg�rie : Monsieur le Wali, les op�rations de d�molition des b�tisses endommag�es par le tremblement de terre viennent de reprendre. A quoi est d� ce retard et quel est le nombre de b�tisses programm�es � la d�molition ?
Ali Bedrici :
La situation arr�t�e au 30 avril 2005 donne logiquement 10 513 habitations reconnues comme �tant effondr�es ou class�es rouge. 7 245 �difices sont r�partis ainsi : 3 829 logements individuels, 121 logements collectifs et 191 �quipements publics ou collectifs, cela �quivaut � 2,6 millions de m�tres cubes de gravats �vacu�s. Dans le module de d�molition, 126 entreprises y ont travaill�. Cette op�ration a �t� interrompue par suite d’�puisement des cr�dits, c’est ce qui explique ce retard. Elle a effectivement red�marr� � la suite d’une nouvelle affectation budg�taire et concerne 1 943 b�tisses � d�molir. De plus, il est pr�vu la prise en charge du reploiement et le traitement des d�charges ainsi que l’enl�vement des gravats le long des axes routiers et au niveau des agglom�rations.
Les travaux de confortement sont toujours en cours deux ans apr�s la catastrophe et des voix notamment celles de sinistr�s s’�l�vent pour dire que ces travaux ne sont pas conformes aux normes ou de moindre qualit�. Quel est votre avis ?

D’abord, permettez-moi de citer quelques chiffres arr�t�s au 30 avril 2005. En effet 71 310 logements ont �t� pris en charge dans le cadre du confortement ou de r�habilitation, sinon ont vu les propri�taires recevoir les indemnit�s pour effectuer le travail eux-m�mes. A l’adresse des citoyens, je dirais qu’il reste actuellement 11 569 cas, mais en cours de percevoir les aides : il s’agit de la fameuse op�ration concernant les omis. Tout de m�me ce sont 71 310 logements qui sont pris en charge sans oublier les 10 513 autres, effondr�s ou class�s rouge et qui font l’objet d’un traitement � part. S’agissant du probl�me du respect des normes et de la qualit� des travaux, le cahier des charges �tabli pour la r�habilitation ou le confortement d’une quelconque b�tisse endommag�e pr�cise la nature, les quantit�s et les estimations de tous les travaux � r�aliser soit pour les habitations individuelles ou pour celles confi�es au ma�tre de l’ouvrage d�l�gu�. Pour chaque habitation ou immeuble on savait ce qui devait �tre fait comme travaux. Maintenant, il y a souvent des gens qui pensaient que c’est une op�ration de remise � neuf selon leurs vœux et je vous cite les cas o� les concern�s exigent la dalle de sol, la fa�ence, voire des am�nagements � l’int�rieur des appartements et qui de surcro�t n’existaient pas auparavant. Mais attention, je dis que les citoyens n’ont pas syst�matiquement tort. Il y a eu effectivement des cas d’insuffisances et lorsque nous l’avions constat� nous avions toujours instruit le ma�tre de l’ouvrage � reprendre ces travaux. Je pense que ce n’est pas la majorit� des cas.
L’Etat a indemnis� les parents des victimes d�c�d�es lors de cette catastrophe, mais des bless�s particuli�rement ceux qui seront d�sormais handicap�s et qui doivent continuer leur vie ont �t� les oubli�s de cette solidarit� nationale. Seront-ils pris en charge eux aussi ?
Le dispositif r�glementaire en vigueur qui se rapporte � la prise en charge des victimes du s�isme pr�voit des aides aux parents des victimes d�c�d�es. Dans ce cadre 1 471 dossiers ont �t� apur�s, ce qui a co�t� 1,2 milliard de dinars � l’Etat. Ce texte ne pr�voit pas des aides pour des blessures. Concernant justement les bless�s, il y a eu d’autres formes de prise en charge. Vous savez, la totalit� des bless�s ont �t� �vacu�s vers les h�pitaux y compris militaires. Ensuite, il y a eu le volet r��ducation qui a �t� pris en charge par les assureurs. A ma connaissance, il y a eu plusieurs formes de suivi des bless�s. Nous avions rencontr� avec plaisir plusieurs d’entre eux qui se sont tr�s bien r�tablis. Pour les gens qui ne peuvent plus assurer leur autonomie �conomique je pense qu’il y a lieu de faire appel au dispositif social pour une prise en charge n�cessaire.
Toujours dans le sillage de la solidarit� nationale, l’Etat a aid� les citoyens par le biais du d�cret ex�cutif 03/327 pour la reconstruction de leur logement, nous avions malheureusement rencontr� des commer�ants, des industriels, des m�decins… et des investisseurs r�duits � la pr�carit� � la suite des destructions et des pertes qu’ils ont subies. Que dit le repr�sentant de l’Etat � ces cat�gories de citoyens/sinistr�s ?
La priorit� apr�s le s�isme a �t� accord�e � la prise en charge des populations sinistr�es qui s’est concr�tis�e notamment par la distribution de tentes, de secours, de chalets et d’aides financi�res comme vous l’avez not� pour la r�habilitation de leurs habitations. Il est vrai que les probl�mes des commer�ants en g�n�ral se posent. Je re�ois des requ�tes, j’ai aussi re�u plusieurs fois les repr�sentants de la corporation, des praticiens et des m�decins. Concernant l’indemnit� en elle-m�me, je leur ai dit que le gouvernement a ouvert le dossier pour pr�parer le dispositif d’indemnisation pour les commer�ants dont les locaux ont �t� endommag�s par le s�isme. Par ailleurs, nous avions pris des mesures interm�diaires. Monsieur le chef du gouvernement nous a instruits � ce propos pour proposer la location des locaux vacants appartenant � l’OPGI. Dans la wilaya de Boumerd�s, nous avions autoris� d�s le d�part un certain nombre de commer�ants suivant une liste �tablie en commun avec l’Union des commer�ants pour r�aliser des locaux � proximit� des chalets en vue de r�gler deux probl�mes � la fois : mettre � la disposition des r�sidents des moyens d’approvisionnement et permettre � quelques commer�ants de reprendre leurs activit�s. Dans ce cadre, 72 autorisations ont �t� d�livr�es.
Des chalets continuent � �tre attribu�s, � ce jour; de plus, la majorit� des sinistr�s dont les logements ont �t� confort�s refusent d’�vacuer ces habitations provisoires. Par ailleurs, la distribution de ces chalets avait donn� lieu � des abus de la part de certains responsables locaux. Vos services m�nent une campagne d’assainissement. L’Etat compte-t-il r�cup�rer les chalets injustement attribu�s et ceux dont les b�n�ficiaires ont vu leur logement confort� ? A terme, quel est le sort de tous les chalets ?
Le d�mant�lement des chalets n’est pas une option exclusive. On ne d�cide pas d�s aujourd’hui que tous les chalets seront d�mont�s. Au niveau gouvernemental, en concertation avec toutes les autorit�s locales, il y a une r�flexion en cours. L’appel est donc lanc� � toutes les bonnes volont�s qui veulent participer � cette r�flexion. Je pense que nous arriverons certainement � un traitement au cas par cas. Les sites des chalets qui sont implant�s sur les terres � haut rendement agricole, m�me si nous perdons un peu d’argent et quitte � ramener de la terre v�g�tale pour redonner aux parcelles leur capacit� productive, il y va de l’int�r�t de la r�gion de r�cup�rer ces terres. Vous seriez certainement d’accord avec moi pour ce qui y est des ZET qui seront r�cup�r�es, � moyen terme, il y va aussi de l’int�r�t de la r�gion de consacrer ces ZET � l’implantation de complexes touristiques d’envergure. Certains sites pourraient �ventuellement �tre vers�s � la promotion immobili�re ou � la construction d’�quipements publics. Concernant les b�tisses elles-m�mes, les techniciens disent qu’elles sont d�montables et r�cup�rables. D�s lors, elles seront progressivement r�cup�r�es, je tiens � le pr�ciser, pour ne pas angoisser nos concitoyens que ces habitations en pr�fabriqu� seront ainsi donc vers�es aux stocks de s�curit� du pays pour faire face � d’autres besoins. Quant aux autres volets de votre question, d’abord, les class�s orange rejoindront leurs habitations comme le feront les class�s rouge une fois qu’ils auront leurs logements. Si chacun veut garder le chalet pour son fils on ne s’en sortira jamais. Avouez que nous avons laiss� tout le temps aux concern�s et nous n’avons bouscul� personne, mais j’en appelle au sens civique des citoyens pour qu’ils comprennent que ces chalets serviront � d’autres Alg�riens qui seraient dans la n�cessit�.
L’on note, si vous permettez, une contradiction dans la d�marche : d’un c�t�, on continue � distribuer des chalets et, de l’autre, on demande � certains sinistr�s d’�vacuer les lieux...

Vous savez tr�s bien qu’un chalet vide sera tout sauf une habitation, par cons�quent, ils seront tous attribu�s. Ceci nous permettra de r�soudre de mani�re transitoire pas mal de cas sociaux. Cependant, il faudrait que ceux qui distribuent ces chalets notamment les APC, sous l’�gide des da�ras, le fassent avec toute la rigueur, parce qu’effectivement nous nous sommes rendu compte, et l�, je r�ponds � l’autre aspect de votre question, que dans la pr�cipitation qui avait pr�valu au d�but de la distribution de ces habitations il y avait quelques cas d’indus b�n�ficiaires. Le fichier informatique que nous avons constitu� suite aux investigations sur le terrain montre que c’est une infime minorit� qui est concern�e. La quasi-totalit� est constitu�e de v�ritables sinistr�s ou de cas sociaux av�r�s. Ce travail d’assainissement va aller jusqu’� l’�vacuation des chalets ind�ment occup�s.
Pr�cis�ment, un autre abus, notamment la distribution des aides de l’Etat pour la reconstruction, a �t� constat�. Le remboursement sera-t-il exig� ?

Nous avons commenc� � demander des comptes. Des mises en demeure sont adress�es aux citoyens en infraction par rapport � la r�glementation. Il y a aussi des mises en demeure qui sont envoy�es aux sinistr�s qui ont per�u la premi�re tranche de cette aide mais qui n’ont pas entam� � ce jour les travaux. Le dernier d�lai pour commencer les travaux est fix� 1er juillet 2005. Dans le cas contraire le remboursement de la somme sera exig� m�me si nous devrions aller devant la justice. L’exploitation du fichier informatique au sujet pr�cis�ment de ces aides a d�montr� qu’il y a des cas, le nombre est infime, je tiens � le pr�ciser pour qu’il n’ait pas d’anath�me � jeter sur les citoyens, qui ont b�n�fici� � la fois des chalets et de l’aide au loyer. En la mati�re, des mises en demeure sont envoy�es afin de r�cup�rer les sommes ind�ment per�ues. L� aussi nous ferons appel � la justice en dernier.
Les sinistr�s qui ont choisi le relogement par les soins de l’Etat seront-ils pris en charge dans les d�lais convenus, � savoir avant la fin du premier trimestre 2006, et comment �viter ces attributions abusives ?

Nous avons affirm� plusieurs fois que sur le programme de logements de 8 452 unit�s nous pr�voyons r�ceptionner pr�s de 5 000 habitations avant la fin de l’ann�e en cours. Le solde se fera durant le premier semestre 2006. Les premiers relogements se feront au d�but de juillet 2005. Nous attendons, sur la base des engagements des entreprises de r�alisation, la livraison de 1 277 logements d’ici fin juin, sur la d�cision prise par M. le chef du gouvernement, les 8 452 logements seront r�serv�s exclusivement aux sinistr�s. A ce propos, je profite de vos colonnes, si vous le permettez, pour lever une ambigu�t�. Ces logements ont un caract�re social, mais c’est un programme sp�cial sinistr�s. Les listes ne seront pas, par cons�quent, ouvertes aux autres cas sociaux mais uniquement aux sinistr�s. Les premi�res familles relog�es seront celles qui ayant enregistr� des d�c�s dans la famille, ensuite les bless�s, les malades... En tout �tat de cause, je garantis aux citoyens que je veillerai � ce que la distribution se fera dans la transparence totale.
Le gouvernement, de concert avec la wilaya, a lanc� un vaste programme de reconstruction des logements perdus. Or, les sites choisis sont d’une part situ�s dans la bande c�ti�re � forte activit� sismique et d’autre part cette m�me bande rec�le l’essentiel du potentiel agricole et touristique. On remarque en outre que ce programme a �t� lanc� alors que l’�tude du PAW n’a pas �t� avalis�e par l’APW. Ne risque-t-on pas de r�p�ter les m�mes erreurs d’autant que le piedmont de la wilaya moins riche et plus solide a �t� d�laiss� ?
Je commencerai par la seconde partie de votre question. Nous avons pris des terrains dans le piedmont chaque fois que des superficies �taient disponibles. Je vous renvoie � cet effet aux projets des communes de Dellys, Cap-Djinet, Khemis-El- Khechna, Bordj-Mena�el,… N’oublions pas que l’installation, dans l’urgence, des chalets avait par ailleurs consomm� les terrains les plus � m�me d’accueillir des logements. Quelques ann�es apr�s le s�isme, on commence � oublier les circonstances dans lesquelles on �tait oblig� de travailler. Chacun est libre de formuler ses propres analyses, il faudrait tout de m�me se remettre dans la conjoncture nous obligeant � mettre plus de 110 000 personnes � l’abri. Dans la majorit� des cas, les 8 452 logements ont �t� implant�s sur des terrains urbanisables compris dans les PDAU et souvent dans les POS. Certains chantiers sont implant�s dans des terrains accident�s, tels que ceux de Cap-Djinet, Zemmouri 1, qui ont engendr� des surco�ts. Je pose une autre question : ces logements sont bien construits, structurants pour les localit�s concern�es, o� est le probl�me ? Pour construire des logements il faut forc�ment des terrains et veiller au juste milieu entre le pr�l�vement des assiettes fonci�res et le co�t de revient de ces habitations. S’agissant de la s�curit� de ces projets je le dis de la fa�on la plus solennelle, ils r�pondent aux nouvelles normes antisismiques de la zone 3 et peuvent r�sister � un tremblement de terre de l’�chelle 9. Quant au PAW qui va �tre effectivement soumis � l’approbation de l’APW, il reprend uniquement les grands axes du d�veloppement de la wilaya.
Les centre-ville tr�s endommag�s de Th�nia, Zemmouri, Bordj- Menaiel, Dellys risquent de perdre � jamais leurs sp�cificit�s avec des constructions particuli�res qui n’en finiront pas. Afin de r�cup�rer le cachet touristique de sa ville, le maire de Zemmouri avait lanc� en collaboration avec deux bureaux d’�tude l’id�e d’une reconstruction globale des b�tisses de mani�re plus ou moins homog�ne par un m�me promoteur pour att�nuer le co�t. L’id�e ne m�rite-t-elle pas un d�bat pour son �ventuelle concr�tisation au niveau r�gional ?
Concernant Dellys, plus sp�cialement sa Casbah, nous avions lanc� localement une �tude pour sa restauration. Le minist�re de la Culture voit plus loin dans le cadre du classement de la vieille ville, il a pris donc en charge le processus du classement qui induira n�cessairement un financement plus important pour la r�habilitation de ce patrimoine. Au sujet des autres villes, c’est vrai ! Pourquoi ne pas profiter de cette reconstruction pour redonner le cachet historique culturel. Je crois que tout le monde serait d’accord sur cette id�e. Les services de l’urbanisme ont �t� instruits pour aller dans ce sens en int�grant les propositions concr�tes, certaines ont �t� formul�es, visant � r�habiliter les ensembles urbains des villes de la wilaya.
Votre dernier mot...

Je pense que quand on pr�sente le volume de travail r�alis� deux apr�s le s�isme et quand on constate que l’Etat a consacr� 68 milliards de dinars, c’est tout de m�me un grand effort d�ploy�. J’ajouterai que beaucoup de choses ont �t� faites pour la prise en charge des effets du s�isme et le reste sera termin�. Tous les citoyens qui ouvrent droit � des indemnit�s les auront et ceux dont les maisons ont �t� endommag�es seront pris en charge pour leur r�habilitation. Il n’y aura aucun laiss�-pour-compte. Remontons, si vous voulez bien, un peu le temps pour revivre les moments dramatiques. Nous avions avec nous monsieur le Pr�sident de la R�publique. C’est gr�ce � sa d�termination que tous ces efforts ont �t� d�ploy�s et ces r�sultats obtenus. Pour ce, je tiens � le dire de la fa�on la plus claire. A ce titre, en mon nom personnel et au nom des sinistr�s je lui rends un hommage appuy� pour tous ses efforts.
Interview r�alis�e par Abachi L.

 

AIDES POUR LE CONFORTEMENT DES LOGEMENTS ENDOMMAGES A BOUMERDES
Les 19 milliards de dinars seront insuffisants

L’Etat, � travers la CNL (Caisse nationale du logement), continue � verser des aides diverses au profit des sinistr�s de la wilaya de Boumerd�s victimes du s�isme du 21 mai 2003. Le montant des cr�dits allou�s � cet effet sont de 18 907 600 000 de dinars. Ce montant arr�t� au 3 mai 2005 va n�cessairement augmenter avec la prise en charge des 18 000 sinistr�s qui avaient �t� omis par les pr�c�dentes campagnes de diagnostics des b�tisses endommag�es par la secousse tellurique. Au 3 du mois courant, la CNL de Boumerd�s a re�u 46 379 d�cisions individuelles notifi�es aux concern�s dont 33 461 pour les vert II ouvrant droit, rappelons-le, � l’aide de 200 000 dinars vers�s en deux tranches et 12 375 pour les orange III qui b�n�ficient de l’aide de 400 000 dinars toujours vers�s en deux tranches. 35 131 sinistr�s (24 987 vert II et 10 144 orange III) ont d’ores et d�j� re�u la premi�re tranche qui �quivaut � 50% de l’indemnit�. Pour ces cat�gories d’aides, 8 444 279,00 dinars ont �t� allou�s, mais d�s que les 18 000 omis, dont 7 000 ont re�u leurs d�cisions, seront inclus dans les listes de b�n�ficiaires, ce chiffre va presque doubler. A ce propos, les autorit�s ont mis un point d’honneur de n’exclure personne, du moins ceux qui ouvrent droit � cette forme d’aide. S’agissant de l’aide indirecte ou plus exactement les aides pour le confortement et la r�habilitation des logements collectifs (vert II et orange III) ou des logements individuels class�s orange IV dont le suivi est confi� aux 16 ma�tres de l’ouvrage d�l�gu�s, il est recens� 24 162 cas r�partis comme suit : 7 775 vert II, 6 060 orange III et 10 327 orange IV. Les cr�dits allou�s, g�r�s par les 16 ma�tres de l’ouvrage d�l�gu�s, sont de l’ordre de 8 175 568 500dinars. Quant aux autres formes de l’aide de la part de l’Etat, notamment celle de 1 000 000 de dinars relative � la reconstruction d’une habitation effondr�e ou class�e rouge, 320 sinistr�s ont re�u la premi�re tranche, soit 500 000 dinars, et 24 d’entre eux, puisqu’ils ont avanc� leur projet, ont encaiss� le compl�ment de la somme. Avec les nouvelles dispositions gouvernementales, facilitant la confection des dossiers dans lequel la pr�sentation du certificat de possession � la place de l’acte de propri�t� pour les sinistr�s qui ne disposent pas de ce documents, les responsables de la CNL s’attendent � un rush de la part des demandeurs dans les prochaines semaines. Seuls 16 citoyens qui ont perdu leur maison ont opt� pour la formule d’aide � l’acquisition et ont vu leur notaire percevoir les 1 000 000 de dinars contre promesse de vente d’un logement. En plus de ces aides, la CNL a d�bours� 34 % des 12 milliards de dinars affect�s � la construction des 8 000 logements destin�s aux sinistr�s qui ont choisi le relogement dans ce cadre. Abachi L.

 

SYNDROME DU 21 MAI
La hantise du b�ton

Un p�re de famille, qui occupe un chalet et dont le logement class� orange 4 est confort�, rencontre un probl�me. “Ma famille est terroris�e � l’id�e de r�int�grer notre maison situ�e dans un immeuble”, nous confie-t-il d�sempar�. Des cas similaires sont l�gion dans la wilaya de Boumerd�s. Manal, 21 ans, qui a vu des membres de sa famille p�rir sous les d�combres � Bordj-Mena�el, a abandonn� ses �tudes et ne s’int�resse plus � rien. Elle reste clo�tr�e dans le chalet familial et s’exprime difficilement devant toute personne �trang�re. Visiblement, deux ann�es apr�s, elle n’est pas gu�rie des malheurs subis. Quant � Kahina, nouvellement mari�e, qui est rest�e 38 heures sous les dalles de b�ton en s’accrochant avec rage � la vie pour sauver sa ni�ce de deux ans qu’elle tenait dans ses bras, tra�ne des cicatrices physiques et morales. Kahina avait perdu dans la catastrophe pas loin de l’endroit o� elles �taient, sa m�re et une autre ni�ce. “La moindre vibration ou le bruit d’un moteur me terrorisent”, nous dit-elle. Elle n’arrive toujours pas � �vacuer cette peur. Pour Mme Chellah, psychologue, les images de la catastrophe sont ind�l�biles dans chaque m�moire. Habitant la cit� des 1200- Logements de Boumerd�s o� on a d�plor� plus de 600 d�c�s le 21 mai et exer�ant dans une UDS (Unit� d�pistage scolaire) elle est bien plac�e pour nous faire, m�me sommairement, un diagnostic sur la situation des sinistr�s, notamment la frange la plus fragile, � savoir les enfants. En d�pit de la cassure du rythme scolaire, du d�racinement de l’environnement dans lequel �voluait l’enfant (cit�, quartier ou village) et pour certains la perte de liens affectifs (perte des parents) les enfants auraient, selon elle, mieux r�sist�. “Il y a eu une prise en charge psychologique par l’Etat et la soci�t� civile au niveau des camps de toile”, estime-t-elle. A ce propos, le cas de Safia Benchiha, 11 ans, qui a perdu ses parents m�rite de l’int�r�t. Elle obtient actuellement de tr�s bons r�sultats scolaires. Elle est entour�e par ses fr�res. “Nous veillons sur elle”, dit Kouider, �g� de 22 ans. Mme Chellah d�plore toutefois qu’on ait mis fin au travail des psychologues recrut�s durant 18 mois pour assister les victimes. “Ils peuvent rendre d’�normes services aux sinistr�s”. L’Etat a investi des sommes faramineuses pour reconstruire des logements et investir dans la reconstruction et dans le mental des victimes ne n�cessite pas d’�normes d�penses. A. L.

Des logements et puis...?

Deux ann�es apr�s la catastrophe du 21 mai, il semblerait que la r�gion n’ait toujours par de v�ritable projet global de reconstruction des agglom�rations ravag�es par la secousse tellurique de la terrible soir�e du 21 mai 2003. Certes des milliers de logements sont en construction et une grande partie de ces habitations sera, s�rement, livr�e avant la fin de l’ann�e en cours. De m�me que l’Etat a d�vers� sa g�n�reuse manne financi�re sur les citoyens sinistr�s. Ce qui a donn� lieu � un certain nombre d’abus et de trafics sur les indemnisations. Incontestablement l’Etat joue pleinement son r�le social en mati�re de prise en charge des probl�mes caus�s par le s�isme aux citoyens mais par contre il a, � ce jour, occult� son r�le de concepteur et de meneur de la politique d’am�nagement du territoire et par cons�quent d’une politique d’occupation des espaces et de la nouvelle politique de l’habitat. Entam� en 2001, le PAW (plan d’am�nagement de la wilaya) n’a pas �t� discut�, � ce jour, par l’APW. Cette institution d�lib�rante, il est vrai, ne s’est pas donn� la force n�cessaire pour �tre d’une quelconque utilit� dans cette reconstruction. N’a-t-on pas vu des commissions se d�placer dans la pr�cipitation pour choisir des assiettes fonci�res destin�es aux projets de logement ? Absence donc de plans d’expansion des agglom�rations et d’une politique de constitution des stocks de terrains urbanis�s et/ou � urbaniser. Notre pays sortira-t- un jour de l’archa�sme. Preuve suppl�mentaire, cette reconstruction repose exclusivement sur l’OPGI, ma�tre de l’ouvrage du programme de construction de 8000 logements au b�n�fice des sinistr�s de la wilaya, la CNL, le tr�sorier de l’Etat qui, il faut le dire, ex�cutent correctement leurs missions respectives. A. L.

RECONSTRUCTION
Les Chinois au hit-parade

L’entreprise chinoise qui a pris en charge la construction de 2500 logements, 800 � Boumerd�s et 1.700 � Ouled-Moussa, occupe la t�te de cette course qu’ont d�clench�e les pouvoirs publics pour la livraison d’une premi�re tranche d’environ 5.000 unit�s avant la fin de l’ann�e en cours. A peine entam�s le 20 octobre 2004, les passagers de la RN24 remarquent � la sortie est du chef-lieu de wilaya l’avanc�e quotidienne des travaux qui ont d’ores et d�j� atteint pour certains b�timents le dernier �tage. Pour M. Zhang Xue Jian, directeur du projet de Boumerd�s, la livraison s’effectuera en deux phases, 400 unit�s seront remises aux autorit�s d�s d�cembre prochain et 400 en avril 2006. En plus des 800 habitations r�parties 320 F4 320 F3 et 160 F2, le plan pr�voit par ailleurs 80 locaux commerciaux. Selon M. Zhang , son entreprise r�alise ces logements sans chercher � engranger des b�n�fices. “Nous le faisons par solidarit� avec les sinistr�s”, affirme-t-il. R�alit� ou d�magogie, les Chinois lorgnent certainement sur le programme de 1 million de logements command�s par le chef de l’Etat pour se faire une fortune. En effet, force est de constater que mis � part Cosider qui colle aux Chinois, les autres soci�t�s publiques ou priv�es, en d�pit de nombreuses remontrances du ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, r�pondent que tr�s difficilement aux sollicitations pressantes des autorit�s. Pourtant ces entreprises, nous l’avions constat� lors de diverses r�unions tenues en pr�sence du ministre du secteur, n’ont pas de raison de justifier les retards enregistr�s dans la r�alisation par les r�currents probl�mes de disponibilit� de mat�riaux de construction ou de financement. A noter que l’ERCC a livr�, selon M. Bensalem, responsable au sein de cette entreprise charg�e de la coordination avec la wilaya de Boumerd�s, plus de 300.000 tonnes de ciment pour la seule wilaya, et ce, jusqu’� fin avril 2005. Elle a ouvert en outre 5 points de distribution � travers la wilaya. “La prise en charge des besoins de la wilaya n’est pas un probl�me pour nous”, assure M. Bensalem. Le seul point noir en mati�re de mat�riaux de construction reste la disponibilit� en quantit� et en qualit� des sables. A ce propos, le wali de Boumerd�s vient de signer un arr�t� autorisant 3 entreprises publiques � pr�lever le sable marin et l’une d’elles est charg�e d’approvisionner les entreprises activant au profit du programme sp�cial s�isme. A. L.

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