Le Soir Retraite : LA FRANCE “D’EN BAS” REJETTE MASSIVEMENT LE TRAITE DE CONSTITUTION
L'Europe de l'ins�curit� sociale clou�e au pilori


La France d’ “en haut”, celle du pouvoir, des technocrates et des milieux d’affaires est sous le choc depuis dimanche soir, 29 mai 2005. Les sondages durant toute la campagne pour le r�f�rendum sur le Trait� Constitutionnel europ�en, qui vient de se d�rouler, ont �t� confirm�s par les urnes et m�me bien au-del� : 55% de non ! Les salari�s et les 3 millions de ch�meurs, appuy�s par les syndicats et leurs associations, se sont fortement mobilis�s pour exprimer leur rejet de l’ultralib�ralisme, leur col�re et leur sanction d’une classe politique m�prisante et arrogante � leur �gard.

Le r�f�rendum sur le Trait� de Constitution europ�enne s’est d�cid� autour des questions sociales. C’�tait d�j� pr�visible au vu des d�bats et des meetings qui ont eu lieu durant toute la campagne, mais aussi depuis deux ans avec toutes les luttes sociales qui ont marqu� l’actualit� en France. Mais les Fran�ais, qui ont multipli� les gr�ves et les manifestations autour de leurs revendications sociales, n’ont pas �t� �cout�s par les gouvernants. Plus grave encore, ces derniers ont non seulement ignor� les plus touch�s par la crise, mais ont fait pass� en force des lois antisociales, � l’image de celles sur les retraites et l’assurance maladie en 2004. Le d�calage entre la France “d’en bas” et les �lus s’est nettement approfondi : 92% des parlementaires fran�ais avaient dit oui � ce trait�, mais 55% des �lecteurs ont dit non ! M�me les experts ont perdu la partie, en se laissant aller � d�velopper des th�ories favorables au oui, meilleure garantie, selon eux, � la pr�servation des acquis sociaux, � l’image de Daniel Vaughan-Whitehead, conseiller principal au Bureau international du travail (BIT), � Gen�ve, dans une tribune publi�e dans le quotidien fran�ais Le Monde, la veille du r�f�rendum, le samedi 28 mai 2005. Pour lui, “le social a donn� lieu, dans la campagne, � nombre de contrev�rit�s ou de “v�rit�s cach�es”, les partisans du oui comme du non revendiquant la “l�gitimit� sociale” de leur vote”. D'o� l'int�r�t pour notre haut fonctionnaire du BIT “de pr�senter dans la transparence les risques sociaux futurs, afin de mieux juger de l'apport social de la Constitution. Sur le premier aspect, disons-le : l'�largissement (NDLR : �largissement de l’Europe des 15 � 25 membres en 2004) a apport� des d�calages �conomiques et sociaux qui seront tr�s longs � combler et qui stimulent d�j� des comportements de dumping social”. Erreur que de se cacher derri�re l’�largissement pour justifier la remise en cause des droits sociaux des pays europ�ens les plus avanc�s !
Enorme foss� entre les gouvernants et les gouvern�s
Et � ce technocrate bien � l’abri dans cette agence onusienne du travail de cultiver l’alarmisme en mena�ant au cas o� le “non” devait pr�valoir : “Il sera d�sormais difficile (mais pas impossible) d'avancer dans le domaine social. Comment, d�s lors, juger de la contribution sociale de la Constitution ? Rappelons que la dimension sociale n'y avait pas �t� pr�vue.” Ce qui ne l’a pas emp�ch� d’avouer, sentant que la partie pour le “oui” �tait d�j� perdue : “Il a �t� tr�s difficile de faire accepter � la Convention l'id�e m�me d'un groupe de travail sur le social, dont nombre de propositions sont d'ailleurs rest�es lettre morte.” Encore une autre erreur des gouvernements de l’Union europ�enne d’avoir d�lib�r�ment sacrifi� les questions, pourtant essentielles, de protection sociale et du ch�mage, confirmant l’�norme foss� qui s�pare les gouvernants des gouvern�s. Mais Daniel Vaughan-Withehead finit quand m�me par reconna�tre que “tout reste � faire au regard de la d�finition et de la consolidation du mod�le social europ�en. Le projet de trait� a donc bien rat� l'opportunit� de hisser une fois pour toutes le social parmi les dimensions essentielles de la construction communautaire (au m�me titre que l'�conomique et le mon�taire)”. Mais l’expert du BIT se fait pi�ger plus loin en d�veloppant ses propres contrev�rit�s en osant affirmer que dans le Trait� de Constitution europ�enne on retrouve : “La reconnaissance d'une base juridique pour les services publics et d'int�r�ts g�n�raux, (ce qui) est une avanc�e significative. Enfin, l'avantage majeur de la Constitution est de permettre, malgr� tout, de consolider ce qui est d�j� acquis sur le social. Elle permet de garantir ces acquis sociaux plut�t que de tenter de jouer � quitte ou double dans une ren�gociation hypoth�tique de la Constitution.”

Que va devenir l'accord d'association entre l'Europe et l'Alg�rie ?
Et de finir par l�cher, n’�tant pas � une contradiction pr�s, qu’ “en mati�re sociale, ce ne sont donc pas les “b�n�fices” de la Constitution qu'il faut souligner mais plut�t les “co�ts” de sa non-adoption”. Le “non” fortement majoritaire des �lecteurs fran�ais fera des vagues dans le reste de l’Europe, surtout l� o� les gouvernements ont choisi la voie r�f�rendaire pour l’adoption de ce trait�. A commencer par la Hollande d�s aujourd’hui. Dans un contexte de d�mocratie, de libert� d’expression et de respect des droits de l’homme, le poids des urnes — dans un contexte de transparence — peut �tre d�terminant pour tous ceux qui veulent se faire entendre, surtout quand les gouvernants et les �lus, gris�s par le pouvoir, ont d�velopp� une surdit� � l’�gard des citoyens d’“en bas”. Le pouvoir en Alg�rie saura-t-il m�diter les victoires �clatantes qu’enregistrent en Europe les dizaines de millions de travailleurs et de laiss�s-pour-compte ? Ce m�me pouvoir qui ne cesse de citer comme exemple — et de s’abriter derri�re — les politiques sociales d�vastatrices prises par ses partenaires europ�ens. Au fait, et � propos de ces partenaires europ�ens, que va devenir le tout r�cent accord d’association entre l’Union europ�enne et l’Alg�rie, pr�nant le libre-�change tous azimuts, maintenant que l’ex-futur Trait� de Constitution europ�enne ne sera plus qu’un tr�s mauvais souvenir ?
Djilali Hadjadj

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