Le Soir Retraite : POINT DE VUE
Quelques v�rit�s sociales
Le Monde du 28.05.05


Le r�f�rendum se d�cidera autour des questions sociales. Pourtant, le social a donn� lieu, dans la campagne, � nombre de contrev�rit�s ou de "v�rit�s cach�es”, les partisans du oui comme du non revendiquant la “l�gitimit� sociale” de leur vote. Il est d'autant plus difficile de s'y retrouver que l'opposition � la Constitution est li�e � l'�largissement de l'Union, r�alis� il y a un an. Lequel, contrairement � la Constitution, n'a jamais donn� lieu � un d�bat public ni � un r�f�rendum.
Pour preuve, les craintes — syst�matiquement attis�es par les opposants � la Constitution — � propos des travailleurs polonais ou lettons. D'o� l'int�r�t de pr�senter dans la transparence les risques sociaux futurs, afin de mieux juger de l'apport social de la Constitution. Sur le premier aspect, disons-le : l'�largissement a apport� des d�calages �conomiques et sociaux qui seront tr�s longs � combler et qui stimulent d�j� des comportements de dumping social. Ce constat est confort� par nombre d'�tudes. Ajoutons que l'absence de solidarit� de l'Union europ�enne (UE) des Quinze (sur leurs contributions, les fonds structurels, ou la mobilit� des travailleurs) retardera le processus de rattrapage social. D'o� un deuxi�me constat : c'est surtout l'�largissement, et non la Constitution, qui a �t� mal pr�par�. De m�me, admettons que les d�localisations Ouest-Est ont d�j� eu lieu de mani�re massive dans les grandes entreprises industrielles transnationales, souvent par la sous-traitance, et qu'elles continueront d'avoir lieu, pour s'�tendre aux PME et aux services. Enfin, les pratiques de certains des nouveaux Etats membres ne se r�sorberont pas toujours au rythme du rattrapage �conomique, car elles refl�tent aussi des orientations id�ologiques, parfois lib�rales � l'exc�s. D'o� un troisi�me constat : il sera d�sormais difficile (mais pas impossible) d'avancer dans le domaine social. Comment, d�s lors, juger de la contribution sociale de la Constitution ? Rappelons que la dimension sociale n'y avait pas �t� pr�vue. Il a �t� tr�s difficile de faire accepter � la Convention l'id�e m�me d'un groupe de travail sur le social — dont nombre de propositions sont d'ailleurs rest�es lettre morte. Les politiques sociales (et fiscales) continuent d'�tre soumises au vote � l'unanimit�. L'UE continue � ne pas �tre habilit�e � agir ni m�me � proposer des mesures sur le droit de gr�ve et les salaires. Enfin, tout reste � faire au regard de la d�finition et de la consolidation du mod�le social europ�en. Le projet de trait� a donc bien rat� l'opportunit� de hisser une fois pour toutes le social parmi les dimensions essentielles de la construction communautaire (au m�me titre que l'�conomique et le mon�taire). Pourtant, la Constitution apporte des �l�ments nouveaux. D'abord la reconnaissance des droits sociaux fondamentaux. M�me si leur respect n'est toujours pas contraignant, ils pourront servir de base � une interpr�tation juridique future. De m�me, la reconnaissance d'une base juridique pour les services publics et d'int�r�ts g�n�raux est une avanc�e significative. Enfin, l'avantage majeur de la Constitution est de permettre, malgr� tout, de consolider ce qui est d�j� acquis sur le social. Elle permet de garantir ces acquis sociaux plut�t que de tenter de jouer � quitte ou double dans une ren�gociation hypoth�tique de la Constitution. En mati�re sociale, ce ne sont donc pas les “b�n�fices” de la Constitution qu'il faut souligner mais plut�t les "co�ts" de sa non-adoption. Car une ren�gociation d�boucherait presque certainement non pas sur “plus” mais bien sur “moins” de social, compte tenu de la position des nouveaux Etats membres, qui revendiquent haut et fort leur tendance lib�rale. Dans un contexte lib�ral, l'acceptation de la Constitution ne serait qu'une premi�re �tape. Il faudra d�ployer encore bien des efforts pour continuer � faire progresser les droits sociaux dans une Union europ�enne �largie. Mais avant de s'atteler � des luttes futures, encore faut-il consolider les fruits des luttes pass�es.
Daniel Vaughan- Whitehead est conseiller principal au Bureau international du travail (BIT), � Gen�ve

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