Actualit�s : AUX PORTES DU D�SERT
Les Tiaretis attach�s � leur terre
Reportage r�alis� par Meriem Ouyahia


L’amour de la terre et de la libert�. Cette phrase r�sume la fortune des agriculteurs de Tiaret. Sous des airs modestes, les Tiaretis cachent une force int�rieure inou�e. C’est gr�ce � cette force qu’ils ont pu r�sister au colonialisme fran�ais et aux hordes terroristes. Elle est encore plus vivace. Malgr� la s�cheresse et la duret� de la vie, ils ne laisseront pas leur ch�re terre. Et pour rien au monde, ils n’abandonneront cette libert�. La visite de Rachid Bena�ssa, ministre d�l�gu� au D�veloppement rural, en compagnie du wali de Tiaret, Brahim Merad, qui l’a conduite � des endroits les plus recul�s, fait ressurgir ce sentiment ancestral.

Durant deux jours, gr�ce aux diff�rentes haltes et �tapes, les difficult�s et probl�mes qu’ils rencontrent se d�voilent ais�ment, notamment concernant le manque d’eau et d’infrastructures routi�res. L’�valuation de l’apport des projets de proximit� de d�veloppement rural (PPDR) dans la vie de ces paysans est plus palpable.

Logement rural : la pierre de l’�difice
Apr�s plus de trois heures trente de route, nous sommes � Recha�ga, dans la da�ra de Hamadia. C’est une des 42 communes, r�parties sur 14 da�ras, que compte la wilaya de Tiaret. Elle se situe � pr�s de 90 km � l’est du chef-lieu. Apr�s une petite halte, nous nous trouvons au lieudit Ben-Hamad. Un homme d’une quarantaine d’ann�es se rapproche de nous. G�n�, cherchant ses mots, il se pr�sente : Sofiane Abdelkader Ben Abderrahmane. N’osant pas prendre la parole devant le ministre et la d�l�gation officielle qui l’accompagne, il nous prend en apart�. D’un trait, sans prendre le temps de respirer, il �d�balle� des phrases qu’il a d� longtemps ressasser. �Je suis l’a�n� de la famille Sofiane, qui est compos�e de huit fr�res. Nous avons 50 hectares. Malgr� toutes nos demandes relatives au logement rural et � l’�lectrification, pour continuer � g�rer notre patrimoine, rien n’a �t� fait. Nous avons fourni tous les dossiers n�cessaires sans r�sultat. � Soutenu par ses fr�res, il rench�rit : �Nous avons construit un forage et un puits. Et pour �a, nous n’avons aucun encouragement.� A mesure qu’il parle, d’autres personnes arrivent et nous entourent. Des responsables locaux et le chef de cabinet de Bena�ssa s’approchent. Un tumulte incroyable s’ensuit. �C’est la hogra, tout simplement. Des personnes veulent nous �carter et nous �craser�, essayent de se faire entendre les fr�res Sofiane. Des d�clarations telles que celles-ci font tache d’huile dans un programme qui doit r�pondre aux attentes de ces producteurs pour les attacher encore plus � leur terre. Entendant ces propos, le chef de cabinet interroge les responsables locaux. Leurs r�ponses d�m�lent le vrai du faux. En effet, 100 logements ruraux ont �t� distribu�s par le P/APC. Sauf que ce dernier a fait l’objet d’un retrait de confiance suite � des �malversations�. La nouvelle �quipe ex�cutive s’attelle, selon leurs dires, � rectifier le tir d�s le prochain programme. L’implication de ces �lus et leur bonne gestion du PPDR repr�sentent la clef de ce programme; mauvaise communication et verrouillage de l’information ne m�neront qu’� sa faillite. C’est ce qui explique les propos virulents de la famille Sofiane. Le soleil de plomb de Tiaret semble n’avoir aucun impact sur ces habitants. Apr�s un long moment qui nous para�t une �ternit�, ils se dispersent. Cela ne signifie pas que c’est la fin des palabres. Patiemment, le chef de cabinet commente : �Il faut avant tout leur expliquer qu’une demande n’est pas suivie forc�ment d’une r�ponse positive. Les b�n�ficiaires doivent prouver qu’ils apporteront un apport de 30% du co�t global du logement�. Sofiane Abdelkader n’en d�mord pas moins. Plus s�r de lui, et apr�s avoir senti que la d�l�gation lui portait de l’int�r�t, il d�veloppera les m�mes propos pour expliquer ais�ment ses dol�ances au ministre. Le m�me int�r�t lui a �t� accord�. Plusieurs lettres de r�clamation ont �t� recueillies par le staff minist�riel. Ces plaintes acerbes ne signifient pas la volont� de ces agriculteurs de tout laisser tomber. Bien au contraire. Dans cette localit� o� 500 habitants ont fui vers Ksar-Chellala, une da�ra se trouvant � des dizaines de kilom�tres de l�, durant la d�cennie noire, il y a encore de la vie. Les champs labour�s et les mers de bl� en t�moignent. La pierre de l’�difice du d�veloppement rural et durable reste, n�anmoins, sans conteste le logement. 60+18 habitations ont �t� construites en plus d’un forage d’irrigation. Avant de quitter Ben-Hamad, les habitants ont pr�par� un repas connu dans toute la r�gion : salade, chorba, m�choui et enfin couscous aux raisins secs. De quoi donner, et c’est certain, du tonus pour continuer le p�riple ! Nous reprenons donc la route pour rejoindre Kosni apr�s pr�s de 50 km, nous nous trouvons dans la commune de Nadhora (dans la da�ra de Mahdia). Les habitants de Kosni nous attendent. En descendant des v�hicules, une chaleur �touffante nous accueille. Elle nous accompagnera jusqu’� un logement rural type. En entrant, nous sentons tout de suite la diff�rence climatique. Et pour cause, la demeure est construite en pierres recouvertes de ciment et le toit en roseaux. La pierre absorbe la fra�cheur qui est diffus�e. C’est ce qui est le plus adapt� pour cette r�gion. Apr�s une petite discussion avec les habitants � l’ext�rieur de l’habitation, le ministre d�cide de se rendre � pied, � pr�s de 5 kilom�tres, avec les habitants vers leur ancien village. Ce village o� ils ont v�cu deux massacres terroristes en 1997 faisant pr�s de 44 morts. Kosni I est maintenant un village fant�me o� il ne reste que les vestiges des maisons, d’une �cole et autres infrastructures. Souhaitant ne plus vivre dans cette localit� qui leur rappelle tant de malheurs, les habitants avaient ainsi choisi le site dans lequel nous �tions. Il repr�sente pour eux le d�but d’une nouvelle vie qui commence par la construction de nouveaux logements dans le cadre du PPDR. Il s’agit du projet de 58 + 19 logements ruraux, en voie de r�alisation. Le taux d’avancement des travaux est � 70%.
L’�lectrification : une exigence pressante

Comme au premier jour, le trajet que nous avons entam� le lendemain est marqu� par la beaut� du paysage. L’air sec et la chaleur ne font pas oublier la splendeur des champs de bl�. Ces hectares jaunes dans lesquels errent les cheptels donnent une touche fantasque. Les petits tourbillons qui s’y forment nous accompagnent aussi dans notre p�riple. Et comme si le temps n’a aucun effet sur cette partie de l’Alg�rie, depuis qu’Ibn Khaldoun a �crit sa Mouqadema, les tentes des nomades tiennent toujours. Nous empruntons des pistes, la route n’a pas �t� r�alis�e pour se rendre � Nouaflia et � Beni Soltani dans la commune de Djillali-Ben-Ameur. Une zone montagneuse o� l’air frais ne se fait pas rare. Cette partie de Tiaret surplombe un barrage d’un bleu �tonnant. Nous sommes l� pour constater l’avanc�e des travaux des logements ruraux. Comme � Ben- Hamad, � Kosni, les habitants de Djillali-Ben-Ameur demandent l’�lectrification. �Nous demandons l’�lectrification publique pour faciliter les labours et avoir un minimum de confort�, d�clame un vieil agriculteur. Ce � quoi lui r�pond une correspondante : �Bela�kal (doucement), il y a d�j� une route qui est en voie de r�alisation dans le cadre du PPDR. Peut-�tre qu’il y aura des kits solaires pour vous ! � Cette r�ponse n’a pas �t� du go�t du quinquag�naire qui se contentera de r�p�ter que l’�lectrification est importante. Elle est aussi une demande des plus pressantes. Les habitants de diff�rentes localit�s ont tous ce mot dans la bouche. Au fait, Tiaret dispose d’une centrale �lectrique d’une puissance de 420MGW, dont 88% destin�s � l’alimentation r�gionale et nationale. C’est les r�gions est et sud-est qui restent sous-aliment�es. L’utilisation des kits solaires est assez r�pandue mais n’arrive pas � couvrir tous les besoins. Un des cadres rassure en partie les paysans en affirmant : �Une ligne de 60 000 volts est en cours de r�alisation. Elle devrait relier A�n-Ouessera � Ksar-Chellala.� Un engagement qui ne semble pas avoir trouv� d’�cho aupr�s de certains habitants. Dans certains endroits o� nous nous sommes rendus, des phrases assez dures ont �t� prononc�es. Les habitants mena�aient de quitter leurs terres et de tout abandonner. Approch�s, la plupart d’entre eux, loin des officiels, apr�s plusieurs palabres, s’�crient : �Nous ne quitterons jamais cette terre. C’est juste pour essayer d’avoir le maximum.� A Nouaflia, l’impact du manque d’eau est frappant. En effet, tout tourne autour de l’eau. Cette denr�e, comme dans toute la r�gion de l’ouest, est tr�s recherch�e. Pour construire, il faut de l’”or bleu”. Idem pour irriguer et pour vivre tout simplement. Le sud de la wilaya influenc� par les conditions sahariennes a de fortes contraintes pour le d�veloppement de l’agriculture se caract�risant par une faible pluviom�trie (moins de 200 mm par an), des temp�ratures excessivement chaudes entre 32�et 36�, une fr�quence de sirocco et de fortes gel�es. Ces derni�res ann�es, la situation s’est encore plus d�t�rior�e. La wilaya a connu dans son ensemble une s�cheresse tr�s persistante car les pr�cipitations enregistr�es sont tr�s en de�� de la moyenne. Cela a eu un impact sur la production c�r�ali�re qui serait �rat�e�. La beaut� des champs de bl� ne cache pas la v�rit� : la r�colte ne sera pas au rendez-vous. Derni�re halte, le ministre d�l�gu� au D�veloppement rural s’est rendu � la commune de Frenda en vue de la pose de la premi�re pierre pour la construction d’une retenue collinaire au lieudit Oued-Fordja. Selon les pr�visions avanc�es, 200 hectares devraient �tre irrigu�s. Un geste hautement symbolique. L’eau est ni plus ni moins le nerf du d�veloppement… M. O.

Richesses mini�res inexploit�es

La wilaya de Tiaret renferme d’importantes ressources mini�res. Sable quartzeux et de construction, gypse anhydrite, argile pour produits rouges, calcaire pour ciment, pierre de taille et agr�gats sont autant de gisements que la terre de Tiaret porte. En plus de ces richesses, Tiaret rec�le une denr�e tr�s rare pour la construction. Il s’agit du pl�tre. Un mat�riau des plus demand�s, au niveau national, et notamment europ�en. Lors de la s�ance de travail � l’amphith��tre Mustapha-Meki, un des responsables locaux a soulign� que nagu�re existait une unit� de production de pl�tre � Tiaret. Elle a �t� par la suite abandonn�e. �Ce pl�tre pourrait �tre export�, surtout vers la France o� il est le plus demand�, lance-t-il. Le ministre a soulign� dans ce contexte que ce type de projet entre dans le cadre de la strat�gie du d�veloppement rural.Trois heures durant, le ministre a expliqu� la strat�gie de son d�partement et r�pondu aux diff�rentes questions. Des directives et orientations ont �t� aussi formul�es : �Il faut instaurer un nouveau type de relations et adopter une nouvelle approche de d�veloppement rural.� Ceci en ad�quation avec les attentes et les besoins des citoyens. Aussi la gestion administrative centralis�e compromettant le devenir des projets est � bannir. �Il faut que les PPDR soient mont�s de la base, en d’autres termes par les citoyens�, rel�ve-t-il. Un chiffre important a �t� donn� par le ministre d�l�gu�. Le march� national brasse annuellement pr�s de 5 milliards de dollars et g�n�re un b�n�fice estim� � 2 milliards de dollars. Le financement des projets et le �manque d’implication des banques�ont �t� aussi abord�s. Tout en s’engagent � trouver des solutions, le ministre d�l�gu� a encourag� la sensibilisation de la population aux projets de proximit�. Un concept se r�sumant dans une phrase d’un expert : �Il n’y a pas de territoires sans avenir, il n’y a que des territoires sans projets �. Une notion adopt�e par le d�partement de M. Bena�ssa.

Tiaret par les chiffres

Situ�e � l’ouest du pays, la wilaya de Tiaret se compose de 14 da�ras et 42 communes, et d’une superficie de 20 086,64 km2, de forme allong�e � orientation nord-sud, elle s’�tend sur une partie de l’Atlas tellien au nord et sur les hauts plateaux au centre et au sud. Tiaret est � vocation essentiellement agricole, elle est la plus c�r�ali�re au niveau national, entre 10 et 15%, tant par ses superficies que par ses productions, avec 350 000 hectares consacr�s aux c�r�ales et 3 000 000 quintaux de produits. Elle englobe deux zones, l’une au nord o� on pratique la c�r�aliculture associ�e � l’�levage et au sud, la zone steppique, o� l’�levage extensif et transhumant est accentu� avec un effectif ovin avoisinant les 1 200 000 t�tes. Sur une superficie totale de 2 008 664 hectares, la superficie agricole totale (SAT) est estim�e � 1 610 706 hectares. La superficie agricole utile (Sau) est �valu�e � 705 559 hectares, soit 44% de la Sat. Les parcours repr�sentent 389 450 hectares soit 24% de la Sau, les for�ts 9% et l’alfa 21%. Les terres agricoles improductives, quant � elles, sont estim�es � 39 790 hectares, soit 2% de la Sau.

Evolution de la population tiaretie

Selon les diff�rentes explications fournies, il en ressort que depuis le premier recensement g�n�ral de la population, la dynamique de croissance de la population �tait marqu�e par une relative stabilit� du taux d’accroissement global variant entre 3% et 2,80%, quant � sa r�partition spatiale, elle �tait beaucoup plus importante dans la zone rurale avec plus de 60%. Avec les attaques terroristes, et donc � partir des ann�es 90, ce mouvement s’est vu invers�. Actuellement, les habitants dans la zone rurale sont � hauteur de 55%. La zone rurale est devenue un foyer d’exode vers les agglom�rations, notamment vers le chef-lieu de wilaya et les chefs-lieux de da�ra. Cette tendance a eu des r�percussions n�gatives sur le d�veloppement local de la wilaya. Elle est marqu�e par une d�cadence de l’activit� agricole se traduisant par une r�duction du patrimoine et du cheptel surtout la zone steppique, et la d�perdition du volume d’emploi. M. O.

A retenir
L’�tymologie du nom de cette wilaya vient du mot berb�re Tahert qui signifie la lionne. Au fil du temps, ce mot s’est transform� en Tiaret. Deux importants aspects historiques ayant une incidence sur l’histoire universelle ont eu lieu dans celle wilaya. En effet, c’est � Tiaret qu’Ibn Khaldoun avait �crit sa c�l�bre Mouqadema. Le paysage �poustouflant de cette r�gion a �t� la source d’inspiration de ce c�l�bre philosophe. C’est aussi dans les plaines de Tiaret qu’Ibn Rostom avait choisi de fonder son royaume.

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