Panorama : CHRONIQUE DES TEMPS SORDIDES
La t�te haute, �a nous fait une belle jambe !
Par Ma�mar FARAH farahmaamar@yahoo.fr


Abreuv�e aux mamelles de la d�faite et du d�senchantement depuis des lustres, notre jeunesse, qui avait tant besoin de s�identifier � un bidule qui marche enfin et � autre chose qu�aux catastrophes en s�rie, est sortie en masse, drap�e de couleurs nationales, pour saluer ce qui ressemblait � un succ�s mais qui n��tait en fait qu�une illusion de victoire.
Car, et apr�s les pr�alables et les hors-d'oeuvre qu�elle nous a servis pour nous app�ter, la d�faite ne tarda pas � pointer du nez. Mais, les jeunes, une fois qu�ils ont go�t� les amuse-gueules succulents servis dans l�enthousiasme des repas collectifs, n�ont pas voulu attendre la suite, comme pour fuir l�am�re fadeur d�un dessert qu�ils ont d�j� ingurgit� � sati�t� par le pass�! Alors, comme pour �chapper � la r�alit� et �viter la gueule de bois des lendemains d�senchant�s, ils se sont invent� une rumeur (la d�faite du Maroc sur tapis vert) et s�y ont accroch�s, f�tant une victoire qui n�a jamais exist�, d�bordant d�enthousiasme dans nos rues et places publiques. Cette jeunesse, qui n�a finalement connu que le deuil et la d�faite et qui a manqu� d��touffer sous la pression des multiples crises, cette jeunesse frustr�e qui voulait tant �prouver, elle aussi, la joie d�une victoire que l�on f�te en courant avec l�embl�me national qui claque au vent, cette jeunesse qui en a marre d�applaudir aux exploits des autres, voulait enfin se so�ler de prouesses alg�riennes ! Elle s�est cr�� l�occasion en sortant massivement dans les rues pour f�ter un match� nul contre le Cameroun ! Grandeur et d�cadence ! Mais, honn�tement, peut-on lui en vouloir ? Cela fait tellement longtemps que Madame D�faite hante nos murs ! Cela fait tellement longtemps qu�elle a pris possession de nos territoires, r�gnant en ma�tresse absolue sur les �tres et les choses, ne tol�rant aucun �cart, aucune manifestation contraire � ses recommandations. La d�faite, mon Dieu, comme nous la connaissons bien, comme nous avons appris � vivre ensemble ! Elle est notre fid�le compagne depuis des ann�es. Elle nous colle tant � la peau qu�elle a failli devenir notre seconde nature ! La d�faite, en tout et partout, a inscrit ses plus belles pages chez nous. Et si, dans la grisaille g�n�rale et permanente, quelques exploits isol�s sont venus allumer le ciel noir de nos incertitudes de quelques �clairs �gar�s, ce n��tait que pour mieux accentuer l'accablant fardeau de la honte qui tombe comme une nuit sans fin sur nos contr�es. Oui, bien s�r, il y eut quelques petites �claircies comme ces victoires de la JSK, la prouesse d�un nageur ou les sacres renouvel�s de nos handballeurs pour faire ressurgir les pan�gyriques sur les �crans de notre t�l� nationale, mais on �tait vraiment loin des exploits mondiaux de Morceli et Boulemerka ou des prouesses de nos footballeurs en Espagne ! En sport comme en toute chose, le bricolage et l�improvisation ne peuvent qu�engendrer les d�boires. Et il ne suffit pas de brandir le courage de onze Alg�riens envoy�s au charbon pour effacer d�un seul geste de la main une gestion catastrophique de notre football national, gestion qui a fait que l�on se retrouve pratiquement sans s�lection � la veille de la CAN 2004. Bien s�r, les politiques, qui ont cette formidable capacit� de tout r�cup�rer et de tout justifier, peuvent raconter ce qu�ils veulent. Ils avaient d�j� la r�ponse toute trouv�e, et cela avant m�me le d�part du onze national vers la Tunisie : �Notre �quipe n�est pas comp�titive. Elle est en construction! �. Mais, pardi, pourquoi donc, n�avons-nous pas une �quipe nationale de football normalement constitu�e, comme partout ailleurs dans le monde ? Voil� la vraie question qu�il faut poser car, au lieu de pavoiser apr�s une �ni�me d�faite (nous n�avons pas pu venir � bout du Maroc depuis 1988 !), certains devraient nous donner les raisons qui les ont emp�ch�s de b�tir cette s�lection qu�ils ne cessent de monter et de d�monter, au gr� de leur humeur et de leurs combines ! Sinon, comment expliquer que Rabah Sa�dane, l�homme des missions impossibles, ait �t� �cart� de l��quipe nationale sans que personne saisisse les raisons de ce limogeage ! Pourquoi Rabah Madjer, auteur d�un v�ritable exploit � Bruxelles, face � une Belgique qualifi�e pour le Mondial 2002, a-t-il �t� r�voqu� comme un malpropre au moment o� il posait les fondations d�une grande formation nationale ? Par quel miracle ce s�lectionneur �tranger, pay� 200 millions par mois, s�est-il retrouv� �d�missionnaire� sans aucun r�sultat palpable ? Si vous h�sitez � trouver une solution � ces �nigmes, je vous en livre la r�ponse : bricolage, bricolage, bricolage� Alors, que l�on cesse de se comporter avec le public sportif comme s�il �tait compos� de d�biles mentaux dont on exploite la ferveur pour masquer le manque de s�rieux et l�incomp�tence chronique. J�ai honte pour mon pays ! J�ai honte de voir une �limination se transformer en triomphe! J�ai honte de voir le JT s�arr�ter pour une retransmission en direct de l�arriv�e des �Verts� � l�a�roport Houari-Boumediene ! Manquons-nous � ce point d�ambition ? Sommes-nous devenus si petits qu�une d�faite honorable nous grise au point de nous faire oublier que les victoires, elles, n�appartiennent qu�aux forts! Tu gagnes ou tu perds! Tu peux perdre, mais n�en faits pas une victoire car, demain, si tu gagnes vraiment, tu perdras la raison ! Quant � sortir de la comp�tition la �t�te haute�, �a nous fait une belle jambe ! Ces d�faites aux allures de triomphe, ce n�est pas pour nous ! Non, merci. Quant aux hommes qui dirigent le football national, nous leur rappelons que le premier match d��limination de la Coupe du monde 2006 aura lieu dans moins de cinq mois ! Sortez de la jubilation et de l�ivresse dans lesquelles vous a plong�s notre� �limination en Coupe d�Afrique et essayez de nous assurer une troisi�me qualification au Mondial, vingt ann�es tr�s exactement apr�s la belle sortie de Rabah Sa�dane au Mexique, en 1986 !
(Chronique publi�e le 12 f�vrier 2004)
P. S. : C�est une lectrice qui m�envoie ce texte et me demande de le publier en hommage � Mohamed Benchicou. Elle esp�re de tout c�ur qu�il le lira. Au fait, Le Soir d�Alg�rie est-il distribu� � la prison d�El Harrach ? Je pense que oui si l�on se r�f�re au reportage que nous a pr�sent� cet �tablissement p�nitentiaire comme un h�tel 4 �toiles. Et encore, tous les h�tels 4 �toiles ne disposent pas de leur propre cha�ne de t�l�vision� Les Confessions de Jean- Jacques Rousseau �Je forme une entreprise qui n�eut jamais d�exemple et dont l�ex�cution n�aura point d�imitateur. Je veux montrer � mes semblables un homme dans toute la v�rit� de la nature ; et cet homme ce sera moi. Moi seul. Je sens mon c�ur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j�ai vus ; j�ose croire n��tre fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m�a jet�, c�est ce dont on ne peut juger qu�apr�s m�avoir lu.
Que la trompette du Jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre � la main, me pr�senter devant le souverain juge. Je dirai hautement : �Voil� ce que j�ai fait, ce que j�ai pens�, ce que je fus. J�ai dit le bien et le mal avec la m�me franchise. Je n�ai rien tu de mauvais, rien ajout� de bon, et s�il m�est arriv� d�employer quelque ornement indiff�rent, cela n�a jamais �t� que pour remplir un vide occasionn� par mon d�faut de m�moire ; j�ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l��tre, jamais ce que je savais �tre faux. Je me suis montr� tel que je fus ; m�prisable et vil quand je l�ai �t�, bon, g�n�reux, sublime quand je l�ai �t� : j�ai d�voil� mon int�rieur tel que tu l�as vu toi-m�me. �tre �ternel, rassemble autour de moi l�innombrable foule de mes semblables ; qu�ils �coutent mes confessions, qu�ils g�missent de mes indignit�s, qu�ils rougissent de mes mis�res. Que chacun d�eux d�couvre � son tour son c�ur au pied de ton tr�ne avec la m�me sinc�rit� ; et puis qu�un seul te dise, s�il l�ose : Je fus meilleur que cet homme-l�.�
- Source : Rousseau (Jean- Jacques), les Confessions, 1782-1789.

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