Culture : CHANSON CHAOUIE
Dihya, la voix des hommes libres


N�e � Taghit, pr�s de Tighanimine en Alg�rie, elle arrive en France � l��ge de huit ans. Elle grandit baign�e par l�ambiance de f�te que cr�e la pr�sence de son p�re, v�ritable discoth�que ambulante. Elle s�est mise � chanter sous les encouragements de la famille, avant de prendre des cours de chant et de guitare. Elle ne cesse de participer � des radios crochets, o� le plus souvent elle occupe la premi�re place. Son r�pertoire �tait exclusivement Fa�rouz, Dalida et Enrico Macias.
Un pr�tre lui compose sa premi�re chanson : Petit Lilas Blanc�. A Paris elle continue de chanter et � faire les ouvertures des grandes vedettes notamment Georges Chelon avant de travailler pour Sheila, ce qui lui ouvrait d�autres horizons. Elle arrive � d�crocher un contrat chez Polydor et ce fut sa premi�re rencontre avec les requins du m�tier. Elle perd ses droits d�auteur sur son premier 45 tours qui eut un �norme succ�s � sa sortie. Elle abandonne les poursuites contre ses producteurs apr�s trois ann�es de lutte acharn�e.
Vingt ans apr�s

Avec la sortie de son premier 45 tours, produit par Polydor, la jeune Zohra A�ssaoui connut un franc succ�s et est agr�ablement surprise par l�accueil que lui r�serva l�Aur�s. Jeune et id�aliste, la jeune chanteuse d�couvre et assume son identit� berb�re. Elle devient pour tous DIHYA. De nouveau, le succ�s est l�. Dihya creuse une br�che dans cette muraille isolant l�Aur�s du monde berb�re. Le cri des chaouis retentit. Elle sacrifie tous ses acquis, car elle croit na�vement en la sinc�rit� de la mouvance culturelle d�alors qui se r�v�la par la suite �tre un nid d�opportunistes charognards. Malgr� d�all�chantes propositions, elle refuse tout compromis. Dihya se retire. Totalement ? Non, juste un recul pour voir venir. Elle constate que le berb�re a encore trahi les siens en plongeant dans le raicollage. A nouveau, la culture amazighe est salie, bafou�e, tra�n�e dans la fange, noy�e dans un torrent de vulgarit� sans nom, comme si notre culture �tait une danse nonstop. Cependant, l�Alg�rie est en flammes, sap�e, min�e dans ses fondements par la vermine. Les cadavres en jonchaient le quotidien. Dihya en souffre. Tous les projets sont report�s pour s�atteler � un travail titanesque et co�teux. Chacun se surpasse et apporte son g�nie cr�ateur � l��uvre. On n�a pas droit � l�erreur, l�enjeu est trop important faire s�effondrer une fois pour toutes cette muraille de pr�jug�s, de m�pris et de peur. Le r�sultat est l� un v�ritable hymne � la libert� et � la d�mocratie, une le�on d�humilit� pour tous, une voie pour ceux de l�avenir, un h�ritage dont ils tireront leur fiert�. Dihya en est le chantre. Une po�sie insoutenable de v�rit�, une musique implacable de r�alisme, des rythmes et des harmonies complexes et pures et enfin une voix sublime.
�Pleure, � pays bienaim� !�
Dihya pleure et dit les malheurs de son pays (Duma, Duma), elle est en col�re et nous parle de ce vent de folie qui s�acharne sur lui, fait de morts et de d�solations (Anis a yu_in), de cette crue et de ces torrents de boue qui l�emporte (Dzayer assa). Elle en fait un douloureux constat (Tame��ut). Le pays se vide, d�sert� par ses cadres (Afrux aziza). Elle nous rappelle notre glorieux pass� (Yugwerten). Ne peut-on donc pas arr�ter l�h�morragie ? On peut ! Affirme-telle. Pour cela, il nous faut retrouver notre qui�tude et notre s�r�nit� perdue (Iwal). Iwal ! L�espoir ! Espoir qu�elle fait rena�tre avec toute cette jeunesse qui pr�f�re se battre en faisant revivre les cavaliers numides, les cavaliers d�honneur (Imayen). Puis tout � coup Dihya change de registre et nous surprend et nous �tonne, son texte se fait plus dramatique alors que sa musique n�en est que plus l�g�re, plus dansante, plus insouciante m�me (Drus). Elle fait tourner en d�rision ce quotidien de d�solations et de souffrances et nous dit son m�pris de la puissance qu�apportent l�argent et le pouvoir (Seppa Frink). Elle pr�f�re se tourner vers les g�n�rations futures et leur tisser un h�ritage dont elles seront fi�res. Elle ne cesse de nous rappeler que la libert� se m�rite (Ekker d ! Eker d ! a yelli). Nous ne voulons plus revivre les ann�es de guerre et de souffrances pass�es. Va-t-on faire revivre les ann�es noires de la villa Suzini ? Tout nous rappelle ces sanguinaires tortionnaires � la g�g�ne jusqu�aux cicatrices encore b�antes sur les visages et les paysages (Amekti d uyemmen). L�artiste conclut en rendant hommage � un autre artiste qui osa � une �poque trouble, chanter les h�ros (Zerruqi).
Question : pourquoi avoir choisi la chanson �Rien de rien� d�Edith Piaf ?

Dihya : D�abord pour rendre Edith Piaf aux Berb�res dont elle est issue et ensuite pour r�habiliter la chanson qui a �t� longtemps utilis�e par les tortionnaires lors des s�ances de �g�g�ne� pour ne pas entendre le cri de leurs victimes et peut-�tre pour isoler leur conscience.
N. M.

Yugwerten (Messaoud Nedjahi)

Ass-innat urji_ ibedd d fella
Ibedd d fella wergaz d ameqran
Yenn� ay a yelli ekker bedd fellam
Tesfawed ayetmam deg wsallas n yid
In� yasen assa ybedd d fella�
Yugwerten !
Yenn� ay a yelli diqqe_ �f tmurt inu
Tamurt inu tamurt umazi_
Cal nnes yeswa imettawen inu
Enyes a y uzle_ werni n tedma
La_� ayetmam in� yasen zri_�
Yugwerten!
Yerfed afer n we�law nnes
Yekk�s d zmam, zmam d ameqran
Yenn� ay ax�n it a t zren ayetmam
W ad snen tanfust n tarwa wmazi_
In� yasen a yelli taggi d tanfust�
Yugwerten!
 

TRADUCTION FRANCAISE
Jugurtha (Yugwerten)
Hier soir j�ai r�v�, j�ai vu
Un impressionnant grand homme
Il me dit : �L�ve-toi ! Ma fille
Va �clairer tes fr�res en cette obscurit�
Va et dis-leur que ce soir tu as vu�
Jugurtha
Il me dit que son pays lui manquait
Ce grand pays des hommes libres
Qui s�abreuva de ses larmes
Et o� il chassa la gazelle
� Appelle tes fr�res et dis-leur j�ai vu�
Jugurtha
De sous l�aile de son burnous qu�il souleva
Il retira un �norme livre et me dit :
� Tiens ! Prends-le, montre-le � tes fr�res
Ainsi, ils conna�tront l�histoire des
hommes libres
Dis-leur que ceci est l�histoire de�
Jugurtha
(Chant� par Dihya, paroles
de Messoud Nedjahi)

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