Panorama : LETTRE DE PROVINCE
29 septembre : diversion et divertissement �lectoral
Par Boubakeur Hamidechi


L�on ne fera pas croire aux Alg�riens que leurs dirigeants actuels m�ritent plus de cr�dit que leurs pr�d�cesseurs. Ayant si peu gagn� au change et aux changements de pr�sidents, sinon en d�senchantement, ils vouent, dans leur grande majorit�, une pi�tre estime � ceux qui les gouvernent. Avec un tel �tat d�esprit et � ce compte-l� toutes les caresses politiques qui leur sont faites se valent surtout quand celles-ci visent � les faire voter pour une chose et plus tard pour son contraire.
Approuver alternativement les sc�narios contradictoires des r�gimes est la preuve qu�ils se sont d�tach�s, depuis bien longtemps, de la politique en toute conscience. C'est-�-dire qu�ils ont compris que ceux qui exercent le magist�re du pouvoir ne les consultent que pour se fournir en oripeaux d�mocratiques. Chez ces administr�s, convaincus que la seule politique qui vaille la peine est celle de l�autruche, aller par cons�quent aux urnes n�est pas n�cessairement une adh�sion � une d�marche. Elle serait m�me le signe d�une fatalit� et d�un renoncement � agir sur leur destin, tout en faisant croire qu�ils font leur devoir de citoyen. Sans illusion, ils savent qu�en haut lieu leurs avis et tous les bulletins comptent pour rien. L�id�e r�pandue et v�rifi�e en toutes circonstances selon laquelle nos urnes ne sont que des simulacres � d�inavouables cuisines a fini par d�mon�tiser et le discours politique et la p�dagogie �lectorale. La maladresse l�gendaire d�un ministre de la R�publique qui se r�pand en �garantie et transparence� � l�annonce de chaque scrutin ach�ve les derniers scrupules de l��lecteur qui sait qu�on le cocufiera une fois encore. A raison d�ailleurs car l�on n�efface pas les doutes et les suspicions du pass� par la seule promesse laquelle, selon la formule consacr�e, n�engage que les na�fs qui la re�oivent. Nos gouvernants d�aujourd�hui, grands d�mocrates comme chacun sait, portent une v�n�ration de faussaires aux urnes. Rien par cons�quent ne les pr�dispose � changer de �culte� le 29 septembre ni plus tard lors des rituels � venir. L�approbation �tant acquise l�on se demande s�il y a encore du sens � d�cortiquer untel texte et � mesurer � l�aune des argument les oui et les non. D�bats surr�alistes qui ne changeront pas l�oraison de la messe. Celle-ci est dite par avance. Tout au plus, ce platonique �change entre th�sards servira � conforter la mise en sc�ne du pouvoir qui pourra alors se pr�valoir d�avoir soumis son projet � l�examen contradictoire de l�opinion. Alors le pl�biscite deviendra bien plus qu�un s�same � cette dr�le de paix mais une op�ration de re-l�gitimation politique d�un pr�sident rong� par le doute. C�est finalement de cela qu�il s�agit quoi qu�en disent certaines voix qui parlent de la r�conciliation et de ce pacte en termes d�exigence primordiale, comme si la loi de septembre 1999 n�a jamais exist� ou �tait insuffisante. D�autres cercles la d�fendent au pr�texte qu�elle conditionne la relance �conomique au moment o� curieusement un gouvernement s�auto �d�cerne des satisfecit avec des bilans maquill�s, claironnant impudemment que la croissance est au rendez-vous et le ch�mage en recul. Un tel faisceau d�arguments confus ne laisse pas seulement dubitatif l�observateur, il lui r�v�le aussi ce qu�il y a derri�re cette op�ration de diversion : la recherche d�un second souffle pour un pouvoir embourb� dans les incoh�rences de sa conduite des affaires de l�Etat. La panne est tellement �vidente qu�elle a besoin d�un �remorquage� politicien. Or, rien n�est plus tentant, pour gagner du temps et se d�gager des impasses, qu�un r�f�rendum sur un sujet d�j� �puis�. M�me s�il s�efforce de faire passer par perte et profit sa premi�re mandature, le chef de l�Etat ne peut plus compter sur les indulgences de nagu�re d�s lors qu�il est souverainement comptable du destin de ce pays. A ce niveau de la responsabilit�, son bilan actuel pr�te � beaucoup de critiques. N�a-t-il pas lui-m�me reconnu dans son discours du 8 avril que l�Etat cafouillait et qu�il constatait d��normes retard ? Les r�formes promises en saison �lectorale ne sont-elles pas devenues le th�me favori des blagues des salons politiques ? L�intendance de l�Etat sur laquelle il s�appuie n�a-t-elle pas montr� ses limites, voire parfois son incomp�tence dans certains secteurs ? Malgr� ces multiples clignotants rouges, dont il alluma lui-m�me certains d�entre eux, il est demeur� au niveau du constat, incapable � ce jour d�impulser un nouvel �lan au pays, se contentant tout juste d�op�rer quelques changements dans le personnel d�ex�cution. H�las, le jeu des chaises musicales n�a jamais constitu� un signal fort pour une nation. Au mieux, c�est une coquetterie de s�rail qui gratifie ici et sanctionne l� sans pour autant fournir des raisons d�esp�rer � la communaut� nationale. Dans un contexte de morosit� �paisse, et alors que l�opinion �tait dans l�attente de d�cisions fortes, lui fait le choix de donner en p�ture � celle-ci un projet sur le plus suspect des sujets. Cette charte de la paix, par ailleurs mal r�dig�e et pleine de chausse- trappes s�mantiques, ne constitue-t-e-lle pas une �fuite en avant� comme le soulignait le leader du RCD ? Dans le m�me registre, les courants politiques pr�curseurs d�une semblable solution de la question de l�islamisme arm� trouvent pourtant l�initiative du �17 ao�t� temporellement inopportune et dans le m�me temps sans pr�alable en amont et sans prolongement en aval. Autrement dit, sans connexion avec la grande id�e d�une refondation de l�Etat. L�ensemble des griefs convergent vers le �pourquoi maintenant et pourquoi cette priorit�s� au lieu de se concentrer sur le contenu du texte. Cette r�serve laisserait entendre que l�on soup�onne le chef de l�Etat d�instrumenter � son seul profit des questions qui auraient le consensus le plus large possible. M�me si les interrogations sur un certain ordre des priorit�s ne sont pas clairement formul�es l�on pressent que c�est autour de cet aspect que se nouent tous les d�saccords. Car les acteurs politiques, notamment, auraient souhait� que l�on donne la primaut� � la question de la Constitution avant d�aller vers les lourds dossiers impliquant la morale de l�Etat. Car c�est seulement � partir d�un cadre institutionnel r�nov� que doivent s��laborer toutes les chartes et tous les pactes que l�on voudra et non l�inverse. Cette controverse autour de la pertinence d�un calendrier des grands chantiers refondateurs est pr�cis�ment le genre de questions que le pr�sident n�entend en d�battre avec quiconque sauf avec l�entourage acquis � ses vues exclusives. Elle explique par ailleurs pourquoi il a opt� pour le vote pl�biscitaire sur la paix avec pour unique souci d��largir sa base consensuelle gr�ce � l�apport des relais islamisants et partant pouvoir amender sur mesure la Constitution afin d�aller� au-del� de 2009. Cependant cette ligne d�horizon qu�il s�est trac� pour un destin personnel risque de conna�tre quelques nuages, car le pays se porte mal. Ce qu�il faudra r�soudre dans les 40 mois qui le s�pare de la fin de son mandat, c�est l��quation de la gestion �conomique et sociale. La calamit� qu�il aura � combattre pour regagner en cr�dit d�image sera le contexte paradoxal dans lequel baigne l�Etat et la soci�t�. L�un dort sur des coffres forts pleins et l�autre est peupl�e de ventres creux. L�on serait m�me tent� de croire qu�il consid�re la manne p�troli�re comme une mal�diction, non pas parce qu�elle g�n�re des r�flexes d�assist�s, mais parce qu�elle met � nu les comp�tences toutes relatives de son magist�re. Trop d�abondance nuit � celui qui n�a pas de projet � hauteur de ses ambitions. En attendant de d�couvrir la formule magique qui am�liorera le sort de ses sujets, il se de d�douane par la �r�conciliation� et se d�fausse sur la paix. Plus q�une diversion, ce r�f�rendum sera un divertissement populiste. Cela porte la marque de fabrique du c�sarisme version tiers monde.
B. H.

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