Panorama : KIOSQUE ARABE
Le darwinisme aux oubliettes
Par Ahmed HALLI
halliahmed@hotmail.com


Dieu a donn� en partage aux islamistes un sens in�gal� des opportunit�s. Devant l'opportunit�, la conviction bat g�n�ralement en retraite quand une autre conviction aussi �tay�e est impos�e par les circonstances. Voyez ce qui se passe avec les th�ologiens du terrorisme en Grande-Bretagne. A peine Tony Blair a-t-il brandi la menace d'une expulsion que tous les enrag�s du "Londonistan" se sont mis � la repentance.

Certes, nous sommes encore loin des exercices d'expiation ou d'auto-flagellation publics, mais il y a des signes annonciateurs. Des sites Internet sulfureux anim�s � partir de Londres ont disparu sans annonces pr�alables. Des pr�cheurs de violence se sont soudain d�couvert une vocation d'humanistes. C'est � croire que la perspective d'�tre chass�s d'Angleterre est plus dissuasive que la peur du divin ch�timent. Blair converti en pasteur rugissant et semant l'�pouvante dans les rangs de ses ex-prot�g�s, voil� qui ne manque pas de piquant. En tout cas, les r�sultats sont l� : des terroristes rengainent leurs attirails guerriers en attendant de s'en servir hors du Royaume-Uni. La crainte du ridicule est de peu d'effet compar�e aux frayeurs nocturnes que provoque une prochaine expulsion vers la patrie d'origine. Les rives de la Tamise sont plus propices � l'annonce du r�tablissement du "Khalifat" que les berges du Nil ou d'El-Harrach. Dans cette s�rie de retours subits � l'humaine raison, on retiendra celle d'un des th�oriciens les plus connus du terrorisme, ou de son label religieux le "djihad". Abou Bassir Al- Tartoussi, de son vrai nom Abdelmoneim Mustapha Abu Halima (1), est de nationalit� syrienne. Il est consid�r� comme un proche de Ben Laden. Sur son site Internet, il donnait l'absolution � toutes les op�rations terroristes commises par "Al-Qaida". Or, le quotidien de Londres Al- Charq-Al-Awsat nous apprend que Abou Bassir vient de faire une volte-face spectaculaire. Une nouvelle "fetwa" publi�e sur son site marque sa rupture avec "Al- Qaida". Cette "fetwa" d�clare illicites les actions suicides et s'appuie sur des "hadiths" qui ne font pas habituellement partie de l'arsenal islamiste. De nombreux sites islamistes ont repris cette "fetwa", dat�e du 24 ao�t, qui a suscit� col�re et pol�miques dans les milieux islamistes. Abou Bassir consid�re d�sormais que les op�rations kamikazes sont assimilables � un suicide pur et simple plut�t qu'au martyre. En agissant ainsi, le terroriste syrien ferme les portes du paradis sous le nez des "djihadistes", mais il ne dit mot des autres formes de terrorisme. Blair ne lui en demandait pas tant. Et Abou Bassir (P�re du clairvoyant) pourra en toute tranquillit� faire marcher son usine � "fetwas" pourvu qu'elle fonctionne exclusivement pour les musulmans. Toujours � propos de la Syrie, on a l'impression que le gouvernement de ce pays s'ing�nie � reproduire les m�mes causes qui ont conduit � l'invasion de l'Irak. Le chef des enqu�teurs internationaux sur l'assassinat de Rafik Hariri accuse Damas de ralentir l'enqu�te sur cet assassinat. Le r�gime Assad n'a toujours pas permis � la commission d'enqu�te d'auditionner les sept citoyens syriens soup�onn�s d'avoir particip� � l'attentat. Or, l'implication des Syriens dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais ne semble plus faire de doutes. Selon le magazine Elaph, un officier des services de renseignements syriens, demandeur d'asile en France, d�tient des informations capitales � ce sujet. Selon ce transfuge dont l'identit� n'a pas �t� r�v�l�e, ce sont les Syriens qui ont pr�par� et ex�cut� l'attentat contre Hariri. Des preuves et des d�tails accablants auraient �t� port�s � la connaissance de la police fran�aise qui a interrog� l'officier d�serteur. Ceci dit, on trouvera toujours des panarabistes enrag�s pour dire que tout ceci est un coup mont� par les Am�ricains. Ces derniers n'attendent, en effet, qu'un pr�texte valable pour attaquer la Syrie. C'est peut-�tre vrai, mais il faut avouer que le r�gime syrien agit comme s'il voulait voir des marines US d�ambuler dans les rues de Damas. Contrairement au pouvoir baathiste qui se drape dans son "kamis" id�ologique et ne veut rien montrer, il y a des Syriens qui osent le faire. C'est sans doute par amour aveugle pour son pays et pour conjurer le mauvais sort qu'une jeune Syrienne s'est exhib�e nue il y a deux semaines sur une place de Washington. Cette jeune femme, artiste peintre de son �tat, a offert sa nudit� au regard des passants pour protester contre les �v�nements d'Irak et de Palestine. C'est une forme d'expression courante aux Etats-Unis et en Occident, mais le monde arabe veut bien regarder � condition de ne pas participer. Inutile de vous dire donc que les images de cette manifestation, relay�es par la t�l�vision, n'ont pas trouv� d'�chos favorables chez la communaut� pr�f�r�e de Dieu. Un d�bat sur le statut "Awra" (parties honteuses, faiblesse, sexe, les traductions de ce mot abondent. Le dictionnaire renvoie � tout d�faut chez un objet, un animal ou un �tre humain) s'en est suivi. Les points de vue les plus hardis sont comme d'habitude le fait d'�crivains arabes vivant � l'�tranger (2). L'article le plus d�cri� est sans doute celui du po�te libanais, Charbil B'a�ni, exil� en Australie. Ce po�te avait d�j� d�fray� la chronique en publiant en janvier dernier un article au titre provocateur, "Les gardiens de l'entrecuisse". Il y d�non�ait d�j� l'obsession arabe pour tout ce qui touche au corps de la femme et � ses parties intimes. Les interventions des lecteurs de Elaph� ce sujet oscillent entre la na�vet� et la supr�me stupidit�. Les r�actions des femmes sont les plus virulentes (3). On devine que chacune des critiques adress�es au po�te a �t� dict�e sous un "djilbab". Cependant, et si �a peut vous rassurer, le "djilbab" mental n'est pas l'apanage des int�gristes musulmans. Les Etats-Unis, premi�re puissance mondiale, semblent s'engager r�solument sur cette voie obscurantiste sous la f�rule de Bush. Notre confr�re libanais Al-Moustaqbal (journal de Rafik Hariri) a consacr� vendredi dernier un article au retour triomphant du fondamentalisme dans l'Am�rique de Bush. "L'universit� du Kansas reproduit le fondamentalisme hostile � la science". Sous ce titre le quotidien de Beyrouth commente la r�cente d�cision de cette universit� d'interdire l'enseignement de la th�orie de Darwin sur l'�volution de l'esp�ce. "C'est une �tape importante vers le rejet de la science dans son acception moderne, note Al-Moustaqbal. Elle montre que le fondamentalisme ne se limite pas � la critique de la soci�t� am�ricaine, mais va plus loin en s'attaquant � la science moderne. Ce qui ne va pas sans renforcer la droite extr�miste. Le fondamentalisme am�ricain est devenu un large mouvement politique et social avec une plateforme religieuse et militaire. Il �tend ses racines et ses ramifications � toutes les couches sociales, s'introduit dans les appareils de l'Etat jusqu'� les phagocyter et � en devenir ma�tre". On n'en est pas encore l�, heureusement, et le fondamentalisme am�ricain, m�me alli� � Isra�l, ne contient pas les m�mes germes destructeurs que ceux qui minent le monde arabe. Il suffit de regarder nos t�l�visions et de discuter avec nos �coliers pour s'en convaincre. A. H.

(1) Cette manie des noms �
rallonge et des patronymes ronflants
est devenue aussi un mal
arabe. J'ai connu un monsieur
qui a ajout� un "Al" � ses nom et
pr�nom sit�t qu'il est devenu
ministre. Une fa�on comme une
autre de sortir de l'anonyme
"Naquira".
(2) C'est vrai qu'on se sent
plus en s�curit� � Londres, �
Washington, qu'� Ghaza pour
exprimer r�ellement ce que l'on
pense. Toutes les v�rit�s ne sont
pas bonnes � dire partout.
(3) Il n'y a qu'� voir cette sortie
des femmes jordaniennes qui
revendiquent le droit d'�tre battues.

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