Panorama : KIOSQUE ARABE
L�automne des frustrations
Par Ahmed HALLI
halliahmed@hotmail.com


D�cid�ment, si nous mettons de c�t� nos certitudes sur ce que sera le r�sultat du prochain r�f�rendum, nous vivons un mois de septembre fertile en rebondissements. Heureusement que le monde bouge et que la communaut� internationale a d�j� fait sa rentr�e. Sinon, nous n'aurions vraiment aucune occasion de vivre les quelques jours ou semaines d'incertitudes qui pr�c�dent les �ch�ances. Impossible, pour cause de balises incontournables, de vivre quelques moments de suspense entre Alg�riens.
Il est d�finitivement admis en tous lieux que le suspense est l'ennemi du salut. Rien ne vaut pour la paix de l'esprit et la s�r�nit� des �mes une voie rectiligne pav�e de promesses faciles � oublier. Nous savons tout sur presque tout, y compris sur les ranc�urs accumul�es et les vengeances mises au cong�lateur. Ce n'est pas chez nous qu'un Hitchcock aurait r�alis� des merveilles. Il est encore heureux que nos villes et nos villages aient red�couvert les recettes de la folie, qu'elle soit ordinaire, douce ou furieuse. Autrement, o� diable pourrait-on aller chercher des occasions d'agr�menter un quotidien morne et sans asp�rit�s ? Faut-il encore lorgner vers l'�tranger et r�clamer une intervention �trang�re pour nous aider � combattre l'ennui ? M�me George Bush, grand sorcier de l'Eglise adventiste et pr�sident des Etats-Unis � l'occasion, n'arrive plus � nous divertir. C'est un ectoplasme ce chef de la nation la plus puissante du monde. Pourtant lui aussi est persuad� que c'est la divine providence qui a choisi l'Am�rique, intronis� George Bush pour la guider et pour remorquer les tra�nards que nous sommes. Voil� qu'il g�che tout et notre plaisir avec. Il fait son "meaculpa" public, bat sa coulpe devant son peuple et avoue qu'il n'a pas bien travaill� en� Louisiane. Voil� un homme qu'on attend sur un bilan catastrophique en Irak et qui nous parle de ses �checs � La Nouvelle Orl�ans. Mais retenez bien ceci, mes chers et estim�s concitoyens : Bush n'a pas chut� dans les sondages � cause de son enlisement en Irak. Il a perdu la confiance de ses �lecteurs � cause de l'ouragan Katrina. Zarqaoui en r�vait, Katrina l'a fait. Et si Bush pouvait se payer le luxe de briguer un troisi�me mandat comme tout le monde, il aurait �t� balay� par le cyclone des urnes. H�las ! Bush ne risque plus rien : la Constitution am�ricaine lui interdit cette nouvelle aventure. Ainsi donc, nous voil� pris dans le tourbillon des frustrations de l'automne. Le monde arabe, qui en vit, a honte d'avoir eu si peur d'un homme aussi fragile. Quand je dis le monde arabe, je pense �videmment � ses dirigeants qui se voyaient d�j� remodel�s par l'usine � fabriquer la d�mocratie qu'ils comptaient installer au Proche-Orient. Ils savent maintenant que ce n�est pas avec les deux pieds embourb�s en Irak que Bush pourra tenter de r�former qui que ce soit dans la r�gion. Quatre ann�es, ce n'est pas assez pour faire �voluer vers la d�mocratie des pays qui ne savent m�me pas rouler en marche arri�re. Aux yeux de ses concitoyens, Bush aura quand m�me eu le m�rite de ne pas transiger sur son soutien � Isra�l. Des rois et des pr�sidents arabes ont compris que pour garder l'amiti� des Etats-Unis, il fallait s�duire Isra�l. Au passage, laissezmoi exprimer mon admiration pour la gestion m�diatique par Isra�l de l'�vacuation de ses colonies. Tout y �tait : des femmes soldats fondant en larmes, des colons d�licatement arrach�s � leurs foyers. Et supr�me tableau final : des synagogues qu'ils ont laiss�es aux Palestiniens comme des engins pi�g�s. C'est toujours sous les cam�ras des t�l�visions occidentales que de jeunes Palestiniens ont entrepris de saccager ces lieux de culte. C'est ce qu'on appellerait un vrai complot sioniste, selon la terminologie de Amr Moussa. Toujours est-il que le Qatar a �t� encore � l'avant-garde de ceux qui se battent en premi�re ligne pour la normalisation des relations avec l'Etat h�breu. La semaine derni�re, la presse qatarie a annonc�, photos � l'appui, la rencontre du ministre des Affaires �trang�res de l'�mirat avec son homologue isra�lien. Le quotidien Al-Rai a publi� en outre l'interview du chef de la diplomatie qatarie qui a appel� les Arabes � engager une initiative en direction d'Isra�l. Il a estim� qu'apr�s le retrait isra�lien de la bande de Ghaza, le monde arabe devait faire un geste positif. Ne tendez pas l'oreille, amis lecteurs, vous n'entendrez pas le concert de protestations arabes. Le Qatar dit tout haut ce que Amr Moussa pense tout bas. De plus, le Qatar poss�de avec la cha�ne Al-Jazira une arme de dissuasion redoutable. Personne n'ose engager le fer avec la t�l� la plus �cout�e qui hypnotise litt�ralement les foules arabes. Une id�ologie r�trograde servie par une technologie et une technicit� remarquables additionn�es � un professionnalisme sujet � caution. Je disais donc, pas de temp�tes, pas de cris d'indignation pour fustiger, selon la tradition, le "Tra�tre" qatari. En revanche, le pauvre pr�sident pakistanais Musharaf en a entendu des vocif�rations. A l'exception de rares plumes lib�rales qui lui ont trouv� des excuses, Musharaf n'a eu droit qu'� des critiques acerbes. Le quotidien saoudien Al-Charq Al-Awsata saisi l'opportunit� pour rappeler que le Pakistan n'en �tait pas � sa premi�re collusion avec Isra�l. Musharaf aurait d� s'abstenir et laisser d'abord aux Arabes le soin d'effectuer un rapprochement avec Isra�l. En somme, il est reproch� � Musharaf de couper l'herbe sous le pied des Arabes qui esp�rent encore voir Isra�l accepter leur plan de paix. Il y a aussi d'autres points de susceptibilit� comme ces propos du chef d'Etat Pakistanais s'attribuant le m�rite de l'�vacuation de Ghaza. Ce que Musharaf sait, en r�alit�, c'est que pour gagner l'estime et les dollars am�ricains, il devait avoir de bonnes relations avec Isra�l. Moyennant quoi, Washington fera mine d'oublier tout le reste. Le reste, c'est le soutien d'une grosse partie de l'opinion pakistanaise � Ben Laden. C'est toujours ces "madrassas" ou pseudo�coles coraniques o� l'on apprend � �gorger son prochain. C'est un malin, Musharaf. Il n'a pas ferm� ces �tablissements aux m�urs douteuses. Il a tout simplement interdit aux ressortissants des pays occidentaux de les "fr�quenter". Restons pakistanais et musulmans ! Apprenons � terroriser en famille, l'essentiel est de ne pas entra�ner les Am�ricains et les Europ�ens � jouer les kamikazes. Il nous faut laisser aux Palestiniens et autres le soin de se faire exploser, de pr�f�rence l� o� il y a aussi des musulmans � "exfiltrer". Ceux-l� comptent pour du "beur", comme dirait mon cousin de Marseille. Notre ami Ahmed Baghdadi, lui, a trouv� le moyen d'�viter tout �a, le recours au soufisme. Dans le quotidien Al-Siassa, l'�crivain kowe�tien fait l'�loge du soufisme comme alternative � l'islamisme violent et intol�rant. Il prend soin de pr�ciser toutefois qu'il n'a aucun penchant pour la spiritualit� soufie. Ahmed Baghdadi avoue qu'il n'est pas du bois dont on fait les soufis. Il ne peut se borner � la qu�te de spiritualit� et au d�tachement que la doctrine recommande et il doit y renoncer en d�pit de ses s�ductions. Il a une bonne raison : "Je ne pourrais pas �tre un bon soufi, dit-il. Je suis trop occup� � combattre les militants de l'obscurantisme".
A. H.

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