Le Soir Retraite : REFORME DE LA SECU EN FRANCE, CHIFFRES FAUX ET MESURES D�SASTREUSES
Rapport assassin et sans piti� de la Cour des comptes


A lire le rapport annuel de la Cour de comptes fran�aise sur la S�curit� sociale, rendu public mercredi 14 septembre 2005, la r�forme de l'assurance maladie vot�e l'an dernier en France est mal partie. En 354 pages, parfois assassines, suivies par les r�ponses embarrass�es des diff�rents organismes et minist�res mis en cause, ce rapport dresse un diagnostic s�v�re de l'�tat des comptes sociaux.

Les magistrats de la Cour des comptes, leur premier pr�sident en t�te, ont d'abord �t� un peu agac�s de constater que les chiffres avanc�s par le gouvernement pour 2004 �taient faux. Ce ne sont pas 11,9 milliards d'euros (dont 11,6 milliards pour la seule assurance maladie) qui ont manqu� � la S�cu l'an dernier, mais 13,2 milliards (dont 12,3 milliards pour l'assurance maladie). Explication : le gouvernement prend en compte un versement de 1,1 milliard d'euros fait par la Cades (Caisse d'amortissement de la dette sociale), qui �tait exceptionnel et n'aurait donc pas d� figurer comme une recette courante. De toute fa�on, rappellent les auteurs du rapport, ce d�ficit est �sans pr�c�dent dans l'histoire de la S�curit� sociale�. Et sa principale cause n'est pas la faiblesse conjoncturelle des recettes (cotisations, CSG) dans un contexte de croissance plus faible que pr�vue. Une partie des difficult�s, soulignent- ils, provient par exemple de ce que l'Etat est mauvais payeur. �Les cr�ances de la S�curit� sociale � l'�gard de l'Etat s'�l�vent fin 2004 � plus de 9 milliards d'euros, et pr�s de la moiti� de ces dettes tend � devenir r�currente�, d�noncent-ils, ce qui �p�se sur la tr�sorerie des r�gimes�. Le plus inqui�tant est ailleurs : les magistrats se montrent tr�s r�serv�s sur l'efficacit� des mesures pr�vues par la r�forme de l'assurance maladie. Vot�e en ao�t 2004, la loi Douste- Blazy n'a vraiment commenc� � s'appliquer qu'en janvier 2005. Elle n'a donc eu que peu d'impact sur les comptes de la S�cu en 2004. Mais cela n'a pas emp�ch� la Cour des comptes d'�valuer l'efficacit� des mesures de �ma�trise m�dicalis�e� des d�penses de sant�, sur lesquelles repose l'essentiel de la r�forme, en examinant les actions de ce type men�es depuis 1999. Le r�sultat est accablant. Sur trente-six mesures prises ces derni�res ann�es pour �modifier le comportement des professionnels de sant� ou des assur�s sociaux�, une seule a eu un r�sultat positif : la campagne d'information sur les antibiotiques. Elle a permis d'�conomiser 300 millions d'euros. Pour le reste, le d�sastre est total. Non seulement les professionnels de la sant� n'ont pas tenu leurs engagements, mais comme ils ont empoch� les incitations tarifaires, les mesures ont creus� le d�ficit, d'environ 2 milliards d'euros. A ce train, la r�forme risque de co�ter cher.

Les rentr�es de cotisations sont lourdement p�nalis�es par le ch�mage

A peine avait-on � il y aura soixante ans en octobre � jet� les bases de la S�curit� sociale, symbole par excellence de l'Etat-providence, que l'on songeait � la r�former. Mais depuis le premier choc p�trolier, en 1973, les r�formes et les plans de redressement � une vingtaine (!) � �labor�s � droite ou � gauche se sont heurt�s aux m�mes obstacles. Les rentr�es de cotisations sont lourdement p�nalis�es par le ch�mage. La tentation la plus fr�quente est de renvoyer le probl�me du financement de la protection sociale aux g�n�rations futures. Enfin, le changement durable de comportement des assur�s et des professionnels de sant� s'est r�v�l� jusqu'� pr�sent impossible. Le ralentissement des d�penses de sant� en 2004 � � hauteur de pr�s de 2 milliards d'euros de moins � r�sulte, pour l'essentiel, de facteurs �m�caniques� et non de la r�forme Douste- Blazy, qui n'a pu produire ses effets que sur une partie de l'ann�e puisque la loi est du 13 ao�t 2004. Ce n'est pas aujourd'hui que l'on d�couvre que le syst�me de sant�, fond� sur la libert� d'installation, de consultation et de prescription pour les professionnels, est inflationniste. Mais la tendance s'aggrave L'exp�rience des soixante derni�res ann�es montre que les changements de comportement induits par les r�formes durent rarement plus de deux ans. Peu � peu, un quasiconsensus s'est fait jour entre la droite et la gauche, m�me si les moyens employ�s sont diff�rents, pour privil�gier une ma�trise m�dicalis�e des d�penses, illustrant le principe selon lequel si la sant� a un co�t, elle n'a pas de prix. Pour qu'elle r�ussisse, cette politique suppose une vraie responsabilisation des assur�s et des professionnels de sant�. Cela passe par une meilleure information des premiers et par un v�ritable contr�le des seconds. La Cour des comptes a raison de recommander d'aller plus loin dans cette voie. A d�faut, la seule issue serait une r�gulation purement comptable.

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