Panorama : A FONDS PERDUS
Qui arr�tera Google ?
Par Ammar Belhimer
ammarbelhimer@hotmail.com


Le livre The Search : How Google and its rivals rewrote the rules of business and transformed our culture, de John Battelle, paru le 12 septembre dernier en Californie, est aujourd'hui un succ�s de librairie partout dans le monde, sauf chez nous, comme d'habitude.
The Search qu'on peut litt�ralement traduire par Enqu�te : comment Google et ses rivaux ont r��crit les r�gles des affaires et ont transform� notre culture et qui traite de Google et des moteurs de recherche qui bouleversent notre culture et certaines r�gles du monde des affaires �tait le livre le plus command� � l'avance sur Amazon.com le jour de sa sortie. Dans les premi�res vingt-quatre heures, il est arriv� au 12�me rang sur le m�me site et il commence � appara�tre sur d'autres listes de Best Sellers (dont celle du Wall Street Journal). La question du moment est : qui arr�tera Google ? Google est, rappelons-le, le nom du premier moteur de recherche le plus populaire aujourd'hui dans le monde, naturellement am�ricain. Qui l'arr�tera donc ? La r�sistance interne au nom du droit d'auteur ou le refus europ�en d'une domination am�ricaine qui refuse tout partage ? Apparemment, ni l'un ni l'autre. �La base de donn�es des intentions� est le nom donn� par John Battelle � cette capacit� qu'a Google (et les autres moteurs de recherche les plus puissants) de savoir ce que nous pensons. Il y consacre le premier chapitre de son livre et la d�finit ainsi : �Il s'agit simplement de ceci : les r�sultats complets de toutes les questions jamais pos�es, toutes les listes avec toutes les r�ponses sugg�r�es, et toutes les pistes suivies en cons�quence.� Google fascine par son succ�s et par sa taille. Sa valeur fr�lait les 90 milliards de dollars, sept ans apr�s sa naissance, le 26 septembre dernier. C'est plus que les autres g�ants du web (Yahoo, eBay ou Amazon) mais moins encore que Microsoft ou Intel. De quoi donner le vertige � l'une de ses dirigeantes qui confie � Battelle �avoir parfois l'impression de se trouver sur un pont � sept mille m�tres d'altitude� d'o� elle �n'ose pas regarder sous elle tant elle a peur de penser � toutes les implications�. Et ce n'est pas fini. Telle une toile d'araign�e, Google entend �organiser l'information du monde et la rendre universellement accessible et utile�. Gr�ce � son infrastructure technologique et � ses ressources financi�res, il peut offrir tous les services possibles li�s � la connaissance digitale (universit�s, compagnies de t�l�communications mais aussi eBay, Amazon et Microsoft) en un seul lot. Dans leur course aux positions dominantes du net, AOL, Google, MSN et Yahoo offrent aujourd'hui les deux fonctions, les m�mes d'ailleurs, les plus importantes de la vie online : la recherche d'information et un faisceau de communications horizontales : courriel, messageries instantan�es, t�l�phonie internet, etc. L'Europe partage avec Microsoft la m�me peur bleue de Google. Mais pas pour les m�mes raisons. Si Google n'arr�te pas d'inqui�ter l'empire de Bill Gates, c'est parce qu'il se d�veloppe dans toutes les directions et n'arr�te pas d'�largir son espace : un service de messagerie instantan�e Google Talk, un service de cartographie r�volutionnaire, Google Earth en collaboration avec la Nasa et, tr�s r�cemment encore, une alliance avec Sun dans la distribution de logiciels. Et le groupe entre aussi dans la comp�tition pour fournir gratuitement de l'acc�s internet sans fil dans l'agglom�ration de San Francisco qui compte 745 000 habitants. Cette derni�re alliance donne d�j� des sueurs froides � Microsoft au point de faire perdre � Bill Gates l'image de bon fils ou p�re de famille dont il pouvait longtemps se targuer. L�alliance entre la jeune firme californienne Google et Sun micro concerne surtout �les technologies de logiciels�, et plus particuli�rement trois produits pour lesquels les deux groupes vont �unir leurs forces� : la version de Java pour console de bureau (Java Runtime Environment) � plate-forme pouvant faire tourner quantit� d'applications sur le PC �, la barre d'outils Google (Google Toolbar) et la suite bureautique OpenOffice de Sun. Cette alliance permettra de lancer le moteur de recherche depuis n'importe quelle page Web. Elle offrira aussi � Google d'am�liorer les fonctionnalit�s de Java et d'OpenOffice. Comme Office, OpenOffice propose des logiciels de traitement de texte et tableurs, mais � la diff�rence de Microsoft, Sun promet des logiciels libres (ou open source) dont les codes sont livr�s pour que chaque programmeur puisse les adapter � ses besoins. Selon Joe Wilcox, du cabinet Jupiter Research, �Microsoft devrait consid�rer avec s�rieux la relation Sun- Google�. �Je pars du principe bien s�r qu'il y aura au final plus de choses l�-dedans qu'un simple accord de distribution�, a-t-il ajout�. En distribuant �des millions d'exemplaires� de Java, Google pourrait donner une nouvelle jeunesse � ce syst�me de programmation, poursuit cet expert qui voit l� une nouvelle preuve que Google est en train de se muer en vaste fournisseur d'applications et de services li�s � l'usage de l'ordinateur personnel (PC). Jusque-l�, il ne s'agit que d'affaires, mais Google a fait trembler l'Europe cet �t� en annon�ant son projet de num�riser une biblioth�que mondiale. Sa biblioth�que num�rique, Google Print, a fait r�agir l'Europe au plus haut niveau. A commencer par Jacques Chirac. Et l'ensemble du Vieux Continent ne semble pas r�sign� � rester les bras crois�s. La biblioth�que virtuelle de Yahoo, concurrent de Google, annonce la naissance d'un projet concurrent, �mane d'un consortium dont l'objectif est de faciliter l'acc�s en ligne aux livres, sons et vid�os tout en rassurant les d�fenseurs des droits d'auteur puisqu'il se propose de regrouper des contenus appartenant au domaine public et des ouvrages prot�g�s par le droit d'auteur. La coalition anti-Google, baptis�e Open Content Alliance (OCA), comprend une organisation � but non lucratif, Internet Archive, les biblioth�ques de l'universit� de Californie et de l'universit� de Toronto, Hewlett-Packard et Adobe Systems. Jean-No�l Jeanneney, le directeur de la Biblioth�que de France, vivement oppos� au projet de biblioth�que num�rique de Google, semblait apais� la semaine derni�re. �Nous ne voulons pas de monopole sur la culture. Il faut que de multiples acteurs s'expriment et interviennent dans ce domaine�, a-t-il r�clam� dans une interview accord�e au quotidien �conomique La Tribune. II trouve naturellement �la proposition de l'OCA telle que nous la connaissons aujourd'hui assez conforme � ce que les Europ�ens ont exprim� : un acc�s ouvert qui ne d�pende pas d'un moteur de recherche unique, un certain �quilibre que l'OCA et Yahoo! semblent respecter�. Mais les jeux ne sont pas encore faits et Google a encore beaucoup de cartes dans ses manches. Aujourd'hui, l'�tendue des r�seaux de traitement informatique conf�re aux d�tenteurs de banques de donn�es un pouvoir in�galable dans l'histoire des rapports internationaux. Qu'il s'agisse des forces arm�es ou de leur d�ploiement, des pr�visions m�t�orologiques ou de r�coltes, de l'�valuation des richesses du sol et du sous-sol, des ressources physiques et de bien bien d'autres domaines d'activit� rien n'�chappe � leur observation permanente. Partant de l�, la localisation des banques o� se trouvent stock�es et trait�es les donn�es, d'une part, et les conditions pos�es � leur acc�s, d'autre part, rev�tent un int�r�t particulier. Le flux transfronti�res actuel de donn�es reproduit et sous-tend le tropisme des flux de marchandises, de capitaux, de technologies et de services. Un mouvement qui a pour plaque tournante et pour passage oblig� les Etats-Unis, surnomm�s depuis d�j� vingt ans d' �OPEP de l'information�. Fortes d'une g�n�ration d'avance, d'un march� int�rieur rentable et d'un co�t marginal infinit�simal, les banques de donn�es am�ricaines peuvent consentir aux utilisateurs des tarifs tr�s faibles. En r�gle g�n�rale, il est moins co�teux d'utiliser les banques de donn�es am�ricaines que d'en constituer sur son territoire national. Des �tarifs perturbateurs� ont d�s le d�part concouru � la formation de paradis de donn�es, comme Londres, Toronto ou Claveland : sur les 2000 banques de donn�es existant en 1983 d�j�, 7000 seulement �taient europ�ennes et ce tiers ne repr�sentait encore que 10% du chiffre d'affaires. Ce d�s�quilibre s'est accentu� depuis en se conjuguant � une sp�cialisation favorisant les Etats-Unis, fournisseurs d'informations �conomiques et industrielles ; les banques europ�ennes diffusant essentiellement de l'information scientifique et technique ou des sciences humaines. Dans cette division du travail, le tiers-monde est fournisseur de donn�es brutes et petit consommateur de donn�es trait�es dans les pays d�velopp�s. Trois cat�gories de donn�es susceptibles de stockage l'int�ressent directement : primo, les donn�es factuelles, socio-�conomiques et physiques ; secundo, les donn�es d'intention, comme les plans et les pr�visions ; tertio, les donn�es scientifiques et technologiques.
A. B.

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