Actualit�s : ENTRETIEN
FAOUZI LAMDAOUI DU PARTI SOCIALISTE FRAN�AIS
Immigration : �Cessons l�hypocrisie�
De notre bureau de Paris, Khadidja BABA-AHMED


Faouzi Lamdaoui, d�origine alg�rienne, membre de la direction du Parti socialiste fran�ais, est d�l�gu� national, charg� de l��galit� des chances et de la lutte contre les discriminations. Il y a quelques semaines, ce jeune cadre militant socialiste, ing�nieur logisticien, et qui a activ� dans de nombreuses associations dont Coup de soleil et Construire ensemble, d�veloppait avec d�autres membres de la direction du PS, dans une tribune du quotidien Lib�ration sa vision de la politique de l��migration et le partenariat qu�il pr�conise comme alternative � la politique des quotas, pr�n�e par Nicolas Sarkozy et dissimul�e sous le vocable�d�immigration choisie�. A quelques semaines de la tenue au Mans du congr�s du PS, M. Lamdaoui a multipli� ses contributions sur tous les aspects li�s � l��galit� des chances, � la lutte contre les discriminations, estimant que �le Parti socialiste ne doit en aucun cas rester en marge de ce d�bat. Il a le devoir, non seulement de s�impliquer dans l��laboration d�une vraie politique d�immigration, mais �galement de d�noncer les d�rives des projets gouvernementaux�. Nous l�avons rencontr� cette semaine. Il a bien voulu d�velopper pour nous ses r�flexions et r�pondre � nos interrogations.
Le Soir d�Alg�rie : Une de vos contributions au prochain congr�s s�intitule �Lutte contre les discriminations, pour un PS � la t�te du combat�. Aujourd�hui, on ne peut pas dire, pourtant, que le gouvernement de droite au pouvoir soit avare en d�cisions ou dispositifs contre les discriminations : cr�ation de la Haute Autorit� de lutte contre la discrimination et pour l��galit� (Halde), mise en place, en septembre dernier du Conseil national contre l�exclusion, Charte de la diversit�, nominations de ministres issus de l�immigration� Vous pensez que la droite n�en fait pas assez ou le fait mal ?
Faouzi Lamdaoui :
L�on n�a pas tout fait lorsque l�on d�signe un pr�fet �musulman� (le qualificatif est de M. Sarkozy et il est assez r�v�lateur de beaucoup de choses), une d�signation qui n�est d�ailleurs, pour le moins, qu�une promotion alibi et qui n�a rien fait avancer du tout. Cessons l�hypocrisie ! M.Sarkozy et les siens font feu de tous bois pour cr�er un v�ritable �cran de fum�e entre leurs discours et la r�alit� de leur politique et ses r�sultats. La �charte de la diversit�, par exemple, est une intention louable, mais elle est de l�ordre du v�u pieux, une d�claration d�intention qui n�est ni contraignante ni incitative. Vous savez, les Fran�ais veulent des actes. Il faut r�ellement changer les choses et ne pas se contenter d�en parler, surtout lorsqu�on est ministre de l�Int�rieur, pr�sident de l�UMP et qu�on aspire aux plus hautes fonctions de l�Etat. Arr�tons le bavardage et les effets de manches. M.Sarkozy doit �tre confront� � son bilan et pas seulement au battage m�diatique dont il s�est fait la sp�cialit�.
L. S. : Vous d�fendez le concept du �Bilan de l��galit� des chances�. Un bilan sur quel plan et pour en faire quoi ?
F. L. :
Un bilan de l��galit� des chances, qui �value toutes les mesures et actions entreprises pour mesurer de leur efficacit� et pouvoir avancer et qui obligera les entreprises publiques et priv�es � pr�senter, annuellement, l��tat des actions qu�elles ont men�es dans ce cadre et les r�sultats par rapport aux engagements. On y fera figurer les actions entreprises, les effectifs embauch�s, les niveaux de qualification et de r�mun�ration, les types de contrats pass�s, les modes de recrutement, les promotions internes et enfin les formations qualifiantes propos�es par l�entreprise aux cat�gories vis�es. Les syndicats et comit�s d�entreprises � acteurs de la lutte sur le terrain contre les discriminations � auront alors, au m�me titre que le bilan social ou celui de la parit� homme/femme, un outil important pour avancer. Ce bilan devra �tre inscrit dans le code du travail et pr�sent� au d�bat, en Assembl�e nationale. Les r�sultats obtenus par les entreprises ou les administrations et services publics seront analys�s dans le cadre de la loi et alors si leurs actions ont atteint un certain niveau d�efficacit�, il leur sera d�livr� un label attestant du r�le citoyen de l�entreprise et que l�on pourrait appeler �label de la diversit� r�publicaine�. Autrement dit, il s�agirait d�un v�ritable pacte r�publicain correspondantcorrespondant � l�histoire et aux valeurs que la France souhaite pr�server et adapter aux nouveaux d�fis sociaux de ce XXIe si�cle.
L. S. : Votre proposition ne va-t- elle pas �tre confront�e � l�interdiction, par la loi, d�identifier et de stigmatiser, ainsi, un type de population ?
F. L. :
Il va falloir lever le tabou des statistiques. Il faut que l�on arr�te de tourner en rond. L�objectif �tant d��valuer les dispositions des entreprises � jouer la carte de la diversit�, l�anonymat peut �tre prescrit sans pour cela g�ner notre d�marche. Le bilan de l��galit� des chances est n�cessaire � la construction d�un pacte social entre les cat�gories concern�es et les d�cideurs politiques et �conomiques. Ce faisant, nous n�aurons pas besoin d�importer le concept de la �discrimination positive� cher � certains�, et dont les effets pervers sont pires que les probl�mes qu�ils sont cens�s corriger. Et pour revenir � votre premi�re question, les Fran�ais ont en marre de voir le pouvoir actuel, et � sa t�te M.Sarkozy, gesticuler alors qu�il y a urgence pour soutenir ceux qui croient encore aux capacit�s de la soci�t� fran�aise � faire une r�elle place � tous ses enfants.
L. S. : A propos de place justement et pour parler de votre parti, pensez-vous que les instances dirigeantes du PS sont repr�sentatives de la population fran�aise dans sa diversit� ?
F. L. :
La situation est loin d��tre celle que nous voulons, m�me si, aux diff�rentes �lections de 2004, le PS a fait beaucoup pour que les candidats issus de l�immigration aux diff�rentes �lections soient sur des positions �ligibles. Nous avons l� un retard � rattraper. Globalement, et je le dis dans ma contribution au prochain congr�s, comment expliquer le peu de repr�sentativit� dans les instances, alors que l�on sait qu�il existe, depuis plus de 40 ans maintenant, de nombreux militants issus de l�immigration et des DOM-TOM dont l�engagement et la comp�tence auraient d� les mener depuis longtemps aux responsabilit�s ? Il faut que le PS soit pr�curseur dans ce domaine. La solution ne r�side pas du tout � contrairement aux rem�des factices de la droite � dans la discrimination positive, ni dans un quelconque syst�me de quotas. Il s�agit, pour nous, de corriger les in�galit�s existantes pour tendre vers un �quilibre aussi bien au niveau des instances dirigeantes que dans le choix des candidatures en pr�vision des prochaines �lections. Pour �tre plus clair, l�acc�s aux instances du parti et aux mandats �lectoraux doit se faire essentiellement en fonction de la comp�tence et du m�rite de chacun mais encore faut-il s�assurer que certains, en raison de leurs origines, ne courent pas avec les �semelles de plomb�.
L. S. : Contre la politique des quotas pour l�immigration, vous pr�conisez le cod�veloppement et le partenariat. Comment voyez-vous dans la pratique la mise en �uvre de ces deux notions ?
F. L. :
Apr�s avoir d�fendu �prement le mythe de l��immigration z�ro�, la droite s�est retrouv�e prise � son propre pi�ge. Face au d�ficit d�mographique et au besoin de ressources humaines pour pallier le vieillissement de la population et assurer le d�veloppement, comment en effet d�fendre l�immigration pour des raisons �conomiques et la combattre pour des raisons id�ologiques ? Comme r�ponse, la droite a d�cid� qu�� l�avenir, le nombre d��trangers �import�s� sera arr�t� en fonction des besoins des entreprises, offrant ainsi � ces derni�res de disposer d�un personnel qualifi� � bon march� et corv�able � merci. C�est l� une d�rive, une r�actualisation des rapports coloniaux que le PS ne peut cautionner. Si l�immigration clandestine est une pr�occupation majeure et l�gitime, c�est avant tout un drame humain qu�il est n�cessaire de traiter en tant que tel. Le recours aux quotas, pas plus que le traitement s�curitaire de l�immigration, ne parviendra pas � dissuader ceux qui aspirent � une vie meilleure. C�est pourquoi nous proposons comme piste � privil�gier, le cod�veloppement, dans la mesure o� il permet d�instaurer un partenariat gagnant-gagnant. On pourra n�gocier avec nos voisins du Sud la possibilit� de faire appel � leurs comp�tences, tout en pr�servant leurs int�r�ts. La coop�ration sera � double sens, permettant d�engager le personnel qualifi� dont on a besoin chez nos voisins et proposer en �change l�encadrement qui leur fait d�faut dans des programmes locaux et non des solutions cl�s en main. C�est donc une v�ritable politique d��change de comp�tences dont le m�rite est de pr�server la dignit� des personnes et le respect mutuel. Des mesures pratiques, telles que la coorganisation du processus de formation, de qualification et d�accueil, inscrites dans des conventions bilat�rales, renforceraient ce respect. Ce sera long � mettre en place, mais �a nous semble la piste la plus r�aliste, pour peu que la volont� politique soit l�.
L. S. : Que pensez-vous de la signature � venir du projet de trait� d�amiti� entre l�Alg�rie et la France ?
F. L. :
C�est une bonne chose pour resserrer les liens entre les deux pays. Nous consid�rons cependant que ce trait�, impliquant les deux peuples, devra �tre mis en d�bat public, port� � la connaissance de tous d�une fa�on d�mocratique, pour en discuter le contenu et l�enrichir. Le rapprochement avec l�Alg�rie ne saurait �tre une exclusivit� de la droite, c�est une question qui concerne la France dans son ensemble. Je peux vous dire que le PS compte bien apporter sa contribution au d�bat en lan�ant notamment une r�flexion sur les moyens � mettre en �uvre pour un partenariat durable et d�passionn� avec l�Alg�rie. Enfin, je saisis cette occasion pour vous pr�ciser que dans ma contribution au congr�s du Mans, j�ai demand� l�abrogation pure et simple de la loi du 23 f�vrier 2005 qui vante les �bienfaits de la colonisation�. Je rappelle que cette loi est une initiative de l�UMP.
K. B.-A.

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