Panorama : PARLONS-EN
Le b�ton ou la vie
Par Malika BOUSSOUF malikaboussouf@yahoo.fr


Bouteflika est en col�re. Il serait m�me furieux que l�on veuille faire passer le chef d�Etat qu�il est pour �un marchand de r�ves� qui promet beaucoup sans jamais rien faire de concret. A voir l��tat d�avancement des travaux, le projet de 1 million de logements pour 2009 semble, pour l�instant, s�rieusement compromis. Tant pis pour le discr�dit ! Le bon sens voudrait que l�on ne s�engage pas � faire aboutir un projet avant d�en avoir au pr�alable �tudi� la faisabilit�. Sur cette question pr�cise, tous les sp�cialistes sont tomb�s d�accord.
Mais alors, o� s�en vont donc tous ces milliards que l�on d�bloque ponctuellement pour venir � bout du casse-t�te chinois que constitue le logement ? Les rapports entre gouvernants et gouvern�s sont min�s et le d�sespoir est tel qu�il n�existe presque plus de villes o� les gens n�occupent pas la rue pour le faire savoir quand ils ne menacent pas de mettre fin � leurs jours de fa�on spectaculaire comme s�immoler par le feu pour dire au monde entier l�ampleur de leur d�tresse. Et c�est une cat�gorie d�sormais bien identifi�e de la population qui reste l�s�e � tout point de vue. Celle-l� m�me dont les d�tenteurs du pouvoir courent solliciter les voix d�s qu�ils en ressentent l�urgente n�cessit� et celle-l� m�me qu�ils malm�nent � coup de poudre et de gaz lacrymog�ne quand ils n�arrivent plus � contenir sa col�re. Pendant combien de temps encore nos hauts responsables esp�rent-ils pouvoir proc�der de la sorte ? Et le m�me probl�me se pose partout, comme celui du ch�mage d�ailleurs, car ce sont g�n�ralement les deux principales raisons qui conduisent aux d�rives sanglantes devenues rituelles. Les bidonvilles et les habitations de fortune prolif�rent � travers le pays. Le seul recours des populations m�contentes reste l��meute � laquelle les autorit�s r�pondent � coups de matraque pendant que d�autres log�s au frais de l�Etat se �sucrent�, � coups de devises, en louant leur(s) propri�t�(s) � des entreprises �trang�res. Le d�ficit en logements qui d�passerait largement les deux millions ira s�aggravant au vu des retards accumul�s et face � tous ces jeunes qui arrivent � l��ge adulte et exprimeront bient�t le m�me besoin. La situation para�t insoluble. Le b�timent est un secteur juteux au sein duquel une redoutable mafia se serait incrust�e. Ceux qui y sp�culent sans vergogne ne semblent redouter aucune sanction, prot�g�s qu�ils sont par de �puissants� complices auxquels ils verseraient des commissions sur les march�s octroy�s. A qui imputera-t-on du coup le statu quo ? Au manque de professionnels, aux entreprises, aux banques, ou au gouvernement lequel, � d�faut de contr�ler ce qui se passe en son sein, rappelle pour la forme qu�il est l� pour appliquer les directives du pr�sident de la R�publique ? Tous les ministres actuels ont approuv� le programme du pr�sident et se disent inscrits en droite ligne dans sa d�marche. Quand vont-ils donner la preuve concr�te de cette adh�sion ? L�incomp�tence serait-elle � ce point g�n�rale et les responsabilit�s sournoisement mal d�l�gu�es ? Les mauvais gestionnaires sont connus. Ils sont d�nonc�s � longueur d�ann�e par ceux qui font les frais de leur inaptitude sans que les mesures, qui s�imposent � la raison, ne soient prises pour mettre un terme au laisseraller ambiant. Le mensonge et l�escroquerie auraient-ils �t� d�finitivement �rig�s en mod�le de gestion ? L�on pr�f�re peut-�tre, sciemment, avoir de pi�tres responsables, quitte � fermer les yeux sur le fait qu�ils s�engraissent au passage, plut�t que de s�avouer ses propres d�ficits. Il arrive fr�quemment, chez nous, qu�� un niveau sup�rieur on se sente plus intelligent quand les subalternes sont encore plus nuls que soi. L�Alg�rie est l�un des rares pays au monde o� l�on expulse d�un habitat pr�caire, au besoin par la force publique, sans m�me avoir pr�vu o� reloger. Evidemment, il y aura toujours des tentes pour servir de toits de fortune. Mais ne sontelles pas cens�es d�panner le temps de mettre d�finitivement les familles sinistr�es � l�abri ? Le drame r�side dans le fait que les d�lais retenus pour mettre fin au calvaire se prolongent � l�infini sans que nul ne s�en �meuve. Tous les fronts sont ouverts en m�me temps, et alors qu�un petit rien pourrait mettre le feu aux poudres, nos dirigeants donnent l�impression de ne se sentir bien que quand le flou atteint son paroxysme. Plut�t que de perdre son temps � lutter contre la malvie, on privil�gie une m�thode pourtant inefficace : le maniement du gourdin. On tabasse et on jette au trou ! Cela dispense de r�fl�chir autrement. A travers la brutalit� avec laquelle les forces de s�curit� s�en prennent aux manifestants, arr�tent les gens et les maltraitent sans pour autant leur faire passer l�envie de r�cidiver, on per�oit ais�ment l�incapacit� du pouvoir � g�rer les probl�mes sociaux de fa�on plus humaine. Si sur 32 millions d�habitants, plus de 11 millions ont moins de 17 ans et que sur 1,5 million de ch�meurs, 73% ont moins de 30 ans, comme l�avance le pr�sident de la R�publique, cela justifie la contestation et augure de lendemains tr�s inqui�tants pour le pays. On se sera vite rendu � l��vidence qu�il ne suffit pas de dire �je veux� pour que les piliers sortent du sol, que les immeubles bourgeonnent ou que le ch�mage soit r�sorb�. Encore faudrait-il qu�en haut lieu, on en soit conscient. A moins que le pourrissement ne soit volontairement entretenu par le syst�me. La crise du logement deviendrait alors cette bombe � retardement destin�e � �jecter du pouvoir officiel tous ceux qui d�sob�iraient � un autre pouvoir, plus officieux celui-l�, mais, en contrepartie, plus puissant. A qui la responsabilit� de l��chec incombera-t-elle cette fois-ci ? Parce qu�il faudra bien faire payer � quelques-uns ses mauvaises projections ! Bien s�r, on parlera de sp�culations immobili�res qui vont bon train et que rien ne semble vouloir d�courager. Pourtant il n�y aura aucune solution miracle au probl�me tant que l�Etat continuera � se d�filer en faisant dans le discours d�magogique. En attendant, les troubles, eux, s�accentuent et font tache d�huile quand ils n�atteignent pas des proportions alarmantes pendant que la r�pression suit son cours. De jeunes adolescents qui s�en prennent aux �difices publics et offrent leur poitrine aux balles des brigades anti�meutes, histoire d�exorciser leur mal-�tre, ne r�vent plus que d��vasion. Redouteraientils, de fa�on pr�monitoire, de vivre la m�me gal�re que leurs a�n�s ? Toutes les contestations d��lus ont, comme par hasard, du nord au sud et d�est en ouest, la m�me justification : �On ne distribue pas aux demandeurs mais aux copains, � la famille et � ceux susceptibles de payer des pots-de-vin�. 555 milliards de dinars ont �t� d�bloqu�s pour la r�alisation du million de logements annonc�. Pourtant, et � en croire les milieux concern�s par la question, rien n�aurait encore d�marr� dans la bonne direction. Chef de l�Etat, je serais enclin � penser que la meilleure fa�on de faire barrage � ma candidature, s�il me prenait l�envie de me repr�senter pour un troisi�me mandat, ce serait de faire la sourde oreille � mes injonctions, de torpiller mes engagements et de les discr�diter. Une mani�re comme une autre de me mettre les b�tons dans les roues tout en imputant la responsabilit� du retard � la lourdeur du syst�me et � celle de son administration.
M. B.

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