Panorama : KIOSQUE ARABE
Une femme nomm�e cheval
Par Ahmed HALLI
halliahmed@hotmail.com


Pour lutter contre le c�libat des femmes (celui des hommes ne posant aucun probl�me), certaines soci�t�s arabes ont mis� sur des actions de proximit�. Leurs mentors spirituels pensent que le c�libat des femmes peut dispara�tre gr�ce au d�veloppement de la. polygamie. Nous y voil�! La polygamie, le pr�cepte religieux qui s�duit le plus les hommes. Gr�ce � ce r�gime, les m�les peuvent mettre leur libido en conformit�, surtout sur le tard.
N'oublions pas que c'est lorsque nos jours ne s'�tirent plus qu'on en veut encore, avec l'accord de la divine providence, bien s�r. Assur�ment, disent-ils, il para�t qu'il faut �tre bien entra�n� pour affronter les �Houris� du Paradis. Ainsi donc, la polygamie serait un vivier de performants pour l'Au-del�. Cette pratique aurait l'immense avantage de ne pas laisser des veuves en jach�re. Que deviendraient ces milliers de pauvres de femmes dont les maris ont �t� d�cim�s par les guerres et les s�ismes ? Imaginez leur sort demain avec la disparition pr�matur�e d'�poux � qui elles auront servi du poulet basquaise ! Pensez � toutes ces veuves de la grippe aviaire, par ailleurs cuisini�res hors pair. Gr�ce � la polygamie, les veuves pr�matur�es pourront contribuer � la reproduction de l'esp�ce. Elles pourront b�n�ficier, tant qu'elles seront en service, de la protection de maris partag�s, ardents militants de la l�gitime luxure. Quant aux autres, celles qui sont �techniquement amorties�, pour reprendre l'expression de Kheireddine Ameyar, aucun texte, aucune recommandation ne les mentionnent. Pour �tre admise dans le cercle de la polygamie, il faut �tre jeune et belle. Tout polygame patent� r�ve d'�couter des histoires dans les bras de Sch�h�razade. Non concern�es s'abstenir. Pour caser nos Sch�h�razade en puissance, il faut trouver des �poux, de pr�f�rence ais�s � d�faut d'�tre rois ou princes. En Arabie saoudite, des associations se sont m�me cr��es pour �radiquer le c�libat des femmes, comme le �comit� pour la disparition du c�libat�. A ce qu'on croit savoir, ces comit�s travaillent surtout en direction de la polygamie. A tel point qu'on peut se demander s'il ne faut pas plut�t les appeler comit�s pour l'expansion de la polygamie. Il arrive parfois que leurs militant (e)s ou pr�dicatrices fassent de l'exc�s de z�le. Parfois, les limites du savoirvivre sont ais�ment franchies, comme l'a rapport� ce samedi le quotidien Echarq-Al-Awsat. La militante d'un de ces comit�s a trouv� un bon terrain de man�uvres : les h�pitaux de Djeddah. Le proc�d� n'est pas idiot mais il peut verser dans la stupidit�. La dame rend visite � des femmes gravement malades et hospitalis�es. Apr�s avoir jet� son d�volu sur une femme souffrant d'un mal handicapant et sans doute fatal, notre �radicatrice entre en action. Elle essaie par toutes sortes d'arguments, essentiellement religieux, de convaincre la malade d'autoriser son mari � convoler. C'est le proc�d� que le journal de Londres r�sume par cette formule ironique : �Excusez-moi, Madame, pourriez-vous autoriser votre �poux � prendre une autre femme ?�. H�las, pour la marieuse, la formule n'a pas fonctionn� ou bien le moment �tait mal choisi. Toujours est-il qu'� d�faut d'obtenir le consentement de l'agonisante, elle a re�u une vol�e de bois vert. Les enfants de la malade ont mal appr�ci� cette irruption dans leur vie priv�e et dans leur douleur. Sans s'arr�ter au respect d� aux femmes, ils l'ont rou�e de coups au point qu'elle a d� �tre hospitalis�e. Echarq-Al- Awsat ne pr�cise pas si c'est dans le m�me �tablissement o� elle �op�rait�. On peut imaginer, en effet, la marieuse en fauteuil roulant et bard�e de pansements se faufilant dans la chambre de la moribonde apr�s la fin des visites. Si le quotidien saoudien ne condamne pas les intentions, il critique s�v�rement la m�thode. �Les h�pitaux o� les gens subissent la souffrance n'est pas l'endroit indiqu� pour propager les id�es du comit� et ses objectifs. Le fait que la patiente soit atteinte d'une maladie grave ne justifie pas qu'on augmente son chagrin en l'invitant � �marier� son �poux. Elle n'a pas tenu compte de l'�tat psychologique de la malade et de ses proches ni du caract�re particulier de l'endroit choisi pour y propager ses id�es. On ne peut pas consid�rer que les coups re�us par la pr�dicatrice soient un juste ch�timent, souligne le commentateur. Mais cette r�action aura un effet dissuasif sur d'autres qui seraient tent�s de commettre la m�me erreur�. Cependant, et � en croire l'hebdomadaire Laha, il y a des mariages normaux qui tournent au cauchemar. Le magazine du groupe Al-Hayat fait actuellement une publicit� inesp�r�e � la superstition et au charlatanisme sous couvert de les d�noncer. Dans son tour du monde arabe insolite, Laha nous propose une interview d'un gu�risseur �gyptien, un certain �Cheikh El-Adwi�. Il raconte une de ses interventions sous ce titre all�chant : �J'ai soign� une femme qui avait �pous� un cheval�. En fait, on s'aper�oit � la lecture des d�clarations de Cheikh El- Adwi qu'il s'agit d'autre chose. C'est l'histoire d'une jeune mari�e, victime d'hallucinations, le soir de ses noces, qui lui font voir son mari sous la forme d'un cheval Elle ameute par ses cris tout le voisinage. Chaque fois que son mari s'approche d'elle, elle est saisie par l'horreur et crie que le cheval veut la manger. On fait alors appel au �Sellak-el- Wahline�, le tireur des mauvais pas, Cheikh El-Adwi. Ce dernier d�crit la jeune femme comme �tr�s cultiv�e et engag�e�. En sa pr�sence, elle a la m�me r�action d'effroi � la vue de son mari. Cheikh El-Adwi, � qui rien n'�chappe, s'aper�oit tr�s vite que la jeune fille est poss�d�e par un djin. Il se met � pratiquer sur elle �l'exorcisme l�gal�, c'est-�-dire la lecture de versets du Coran. A ce moment-l�, le corps de la femme se met � bleuir et sa voix se transforme. Ce qui �tait � l'int�rieur d'elle lance : �Tais-toi sinon je l'�trangle ! Je ne la laisserai � personne d'autre que moi-m�me s'il a appris tout le Coran. Je ne la laisserai � aucun �tre humain !�. Cheikh El-Adwi interroge alors l'indu occupant. Ce dernier affirme que �c'est lui, le djin, qui est l'�poux de la jeune femme et que son mari humain n'a aucun droit sur elle�. A la question : �Comment l'as-tu �pous�e sans qu'elle le sache ?, le djin r�pond : �Je la regardais dans son bain, elle m'a plu et j'ai d�cid� de l'�pouser. J'avais peur pour elle et je l'aidais � r�viser ses cours. Je lui apparaissais la nuit et je la traitais comme un mari. Elle me voyait car je prenais la forme d'un artiste ou d'un chanteur qu'elle aimait et dont elle fredonnait les chansons. Elle �tait heureuse avec moi jusqu'� ce qu'arrive cet homme et qu'il tente de la prendre. Je lui ai promis qu'il n'aurait jamais la paix avec elle. Chaque fois qu'il s'approchait d'elle, je le lui faisais voir sous la forme d'un cheval avec des dents de lion. Elle prenait peur et le repoussait�. Cheikh El-Adwi (c'est lui qui raconte) se remet alors � r�citer le Coran jusqu'� ce que le djin suffoque et se mette � crier. Il l'asperge alors de quelques lotions qu'il ne supporte pas. Il crie alors : ��a suffit, �a suffit ! Je vais sortir de son corps parce qu'il a une mauvaise odeur. Je n'aime pas cette odeur�. Avant qu'il ne quitte le corps de la jeune femme, Cheikh El-Adwi lui a arrach� la promesse de ne jamais y revenir. Fin de l'exorcisme. Si ce n'est pas un conte des Mille et une Nuits, �a lui ressemble en tout cas. Je me permettrai ce v�u en guise de conclusion : Que Dieu fasse prolif�rer, par la polygamie ou tous autres moyens � sa convenance, la race des sots ! Ainsi pourront prosp�rer les Cheikh El-Adwi et consorts.
A. H.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable