Panorama : CHRONIQUE DES TEMPS SORDIDES
Le temps n�est jamais perdu s�il est donn� aux autres
Par Ma�mar FARAH
farahmaamar@yahoo.fr


�D�j� mardi soir !� En g�n�ral, j��cris cette chronique le mardi pour la balancer le mercredi ; mais depuis quelque temps, je n�arrive plus � g�rer mon temps. J�ai l�impression que les jours de la semaine d�filent � une tr�s grande vitesse, une vitesse qui ne me semble plus �tre la m�me qu�il y a quelques ann�es ! Le mardi soir arrive plus vite, trop vite�

J�ai demand� � beaucoup d�amis ce qu�ils pensaient de ces remarques et j�ai eu la m�me r�ponse partout : �Le temps court plus vite !� Est-ce � dire que les secondes, les minutes et les heures ont une dur�e plus courte qu�auparavant ? En fait, le calcul du temps ob�it toujours aux m�mes r�gles et une tr�s grande pr�cision permet aujourd�hui de le compter en milliardi�me de seconde ! Gr�ce aux horloges atomiques, le temps est chiffr� avec une exactitude �poustouflante. Non, le temps n�a pas chang� ; ce qui a chang� c�est notre perception du temps. Depuis les fantastiques d�couvertes d�Einstein, nous savons que le temps n�est plus cette entit� absolue et uniforme que l�on connaissait avant le XXe si�cle. La corr�lation espace-temps et la notion de relativit� ont fondamentalement chang� notre connaissance du temps. Mais il n�est nul besoin d�aller aussi loin, ni se compliquer l�existence avec des th�ories r�barbatives pour expliquer cette perception que nous avons d�un temps qui va plus vite. En effet, notre rapport au temps est alt�r� par des facteurs dont nous ne mesurons pas toujours l�impact sur notre vie quotidienne et la mani�re de g�rer nos journ�es. Avezvous remarqu� que le temps s��coule plus lentement lorsqu�on se trouve dans un village, loin des turbulences de la grande ville ? L�espace dans lequel nous vivons modifie notre perception du temps. Le formidable d�veloppement des technologies et l�accroissement du flux d�informations qui parviennent des coins les plus recul�s et qui sont instantan�ment � notre port�e gr�ce aux nouvelles technologies rendent le rapport au temps diff�rent de ce qu�il �tait au cours des pr�c�dents si�cles. Et les choses se sont acc�l�r�es avec la naissance du cyberespace qui est une r�alit� incontournable de notre monde contemporain. Nous sommes pass�s � un monde g�ographiquement limit�, � nos grandes villes sont devenues le nouveau �territoire sanctuaire� �, mais, en m�me temps, ce monde s�est infiniment �tendu sur le plan de la connaissance et de l�information. Ce �village global� est un espace virtuel qui n�a rien � voir avec l�espace g�ographique o� nous vivons ; et c�est ce paradoxe qui explique en partie notre perception d�un temps plus rapide, plus fou ! Nous sommes destinataires d�un flot prodigieux et ininterrompu d�informations qui nous donnent la sensation d�aller plus vite que le monde � g�ographiquement limit� � qui nous entoure. Dans les �poques ant�rieures, l�information �tait centr�e sur la vie utile. Son caract�re pratique la rendait accessible � tous et imm�diatement rentable ; elle correspondait aux besoins des personnes et cadrait avec l�espace g�ographique o� elle �tait diffus�e. Par ailleurs, la vie citadine, socialement �triqu�e, coinc�e entre le travail, les transports et la maison, r�duit davantage le champ spatial dans la mesure o� les limites du monde r�el sont �galement celles du milieu urbain, de la cit� au sens classique du terme. Tout cela conduit � un r�tr�cissement de l�espace-temps qui modifie radicalement notre perception du temps. En restant dans le domaine de la vie sociale, il faut signaler qu�en changeant d�une mani�re fondamentale, cette derni�re nous impose une nouvelle fa�on de g�rer notre temps. La multiplication des loisirs, l�arriv�e des nouvelles technologies et le temps que nous mettons dans les embouteillages pour aller et venir entre le travail et le domicile, ou pour nous d�placer simplement � l�int�rieur du tissu urbain, nous prennent beaucoup de temps. Un temps qui s��coulait plus paisiblement lorsque nous regardions une seule cha�ne de t�l�, que nous n�avions pas beaucoup de loisirs, ni d�Internet et que nous rentrions chez nous en quelques minutes ! Ce temps perdu, cette h�te � joindre les �deux bouts� du temps, la course contre la montre que nous engageons d�s notre r�veil sont des �l�ments-cl�s qui expliquent notre perception d�un temps qui va plus vite. Lorsque je quitte la grande ville et que je vais dans mon village natal, il m�arrive d��tre surpris par le �r�tr�cissement� du temps. Souvent, je trouve que la matin�e est trop longue. Exemple : alors que, dans ma t�te, il est presque midi, je m�aper�ois souvent que l�horloge ne marque que neuf heures ou dix heures ! Pourtant, l�heure compte toujours soixante minutes, et cela invariablement de l�endroit o� je me trouve ! C�est ma perception qui a chang�. De la ville au village, de la grande course contre la montre � la paisible ronde des heures, le temps s�est r�tr�ci ! Je lisais r�cemment un texte o� l�auteur explique que sa perception du temps est alt�r�e par des facteurs internes et externes. Il explique qu�un passage de temps est per�u diff�remment dans certains moments, selon notre �tat d�esprit : �Imaginons que nous sommes dans un de ces jours o� tout semble contre nous, �crit-il. Dans des moments pareils, le temps passe tr�s lentement et nous avons l�impression que ce jourl� ne va pas finir. Bien au contraire, quand nous �prouvons de la joie et que notre vie ne semble pas ennuyeuse, le temps �voyage� � une tr�s grande vitesse�. Autre �l�ment � ne pas n�gliger : l��ge. Il est certain que nous n�avons pas la m�me perception du temps selon que nous ayons vingt ou cinquante ans. Il est clair que le temps court plus vite au fur et � mesure que nous vieillissons. Gr�ce � la th�orie d�Einstein, on peut imaginer le sc�nario suivant pour bien illustrer la perception du temps. Imaginons que votre fr�re jumeau part pour un tr�s long voyage spatial, � une vitesse pas tr�s lointaine de celle de la vitesse. Pour vous qui �tes rest� sur terre, le voyage durera cinquante ans. Mais, au retour de votre fr�re, vous serez ahuri de voir qu�il n�a vieilli que de� dix ans ! Vous serez alors �g� de quarante ann�es de plus que votre fr�re jumeau ! Mais l�, nous abordons une autre th�orie connue sous le nom de la dilatation du temps et qui ne semble pas nous concerner directement dans la mesure o� elle ne pourrait �tre v�cue que lorsque l�homme pourra se d�placer � une vitesse avoisinant celle de la lumi�re. �D�j� mardi soir !� Ma surprise est de courte dur�e� Car je viens de me rappeler d�un fait incontournable : hier c��tait lundi. Le gosse n�avait pas cours. Et j�ai cette dr�le d�impression que le lundi pr�c�dent ne date que de deux jours. Comme je sais que le prochain va pointer du nez dans quelques heures, ou quelques secondes ! Notre monde va trop vite, plus vite que nous. Alors, sachons en saisir chaque moment pour en faire une �ternit� de bonheur. A ces jours qui passent trop vite et qui s�embourbent dans la satisfaction des bas instincts mat�riels et des calculs mercantiles, � ces jours o� la sordidit� le dispute � l�indignit�, sachons voler des instants o� le temps cessera d��tre un handicap pour se r�concilier avec lui-m�me, parce que correspondant � l�espace de nos familles et de nos amis, � celui des personnes qui attendent de nous un geste fraternel. Sachons vivre notre temps dans l�espace de l�amour, l� o� nous serons enfin en paix avec nous-m�mes parce que nous aurons compris que si la dur�e appartient � l��ternit�, nos petits parcours d�humains peuvent devenir immortels si nous les habillons des grandes valeurs de la solidarit� et de la tol�rance.
M. F.

P. S. 1 : Suite � la publication de la chronique sur la mort de Amar Chetibi, directeur de la Cin�math�que de Annaba, nous avons re�u cet hommage du cin�aste alg�rien, Ahmed Zir : �The Last Picture Show� �Il avait certainement un lien, une origine avec l'enchanteresse r�gion de Cheta�bi. Amar �tait le gardien du dernier temple (la Cin�math�que de Annaba). Il aurait pu �tre un grand acteur de composition (ah. casting). Amar �tait un personnage ��trange� � la fois Laurent Terzief, Montgomery Clift et Omar Sharif, � la recherche du beau, perp�tuant vaille que vaille, une tradition : aller au cin�ma. �Une voix enrou�e mais po�tique bonne pour les commentaires des documentaires (ah et ah ah. casting et mauvaise foi). Je n'oublierai jamais ce qu'il a fait (et d�fait) pour la projection de mon film, un court-m�trage, en juin 2005, lui rappelant soudain avec nostalgie les fr�res Taviani et le beau cin�ma italien d'alors, fait de sensibilit�, d'humour et d'�motion. Un happy end pour Annaba, pour notre cin�ma.�
P. S. 2 :
Toutes nos f�licitations � Mohamed Benchicou qui vient de recevoir le Prix international de la libert� d�expression d�cern� par la revue espagnole la Voz del Occidente. Une r�compense et un hommage pour notre confr�re injustement emprisonn� � El Harrach et un t�moignage �mouvant de la solidarit� internationale avec son combat pour la libert� et la dignit�.

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