Sports : CONTRIBUTION
Experts et politique du non d�veloppement


C�est l�article de K. Selim du Quotidien d�Oran du 14 novembre qui m�a fortement interpell�. Des experts europ�ens au secours ou au chevet du football alg�rien : solution miracle, panac�e ou caut�re sur jambe de bois ? Qu�en attendent vraiment les g�niaux ou ing�nieux promoteurs de cette surprenante initiative ? Probablement se donner bonne conscience, en parcourant un rapport d�expertise - un parmi tant d�autres - puis le laisser moisir sur le rebord d�une table ou au fond d�un tiroir ; pensant que l�on a fait ce que l�on pouvait faire de mieux en mobilisant, � grand renfort de dollars ou d�euros, de la mati�re grise venue d�ailleurs.
Une r�volte l�gitime
A la premi�re lecture, j�ai �pous� la r�volte de K.Selim et ses l�gitimes emportements. Comme lui, j�ai trouv� que c��tait un inacceptable d�ni de reconnaissance pour tous les techniciens nationaux, professeurs d��ducation physique et sportive, conseillers du sport, entra�neurs et �ducateurs sportifs, dirigeants sportifs b�n�voles au grand c�ur - et nous en avons connu qui furent d�incomparables mentors pour bon nombre de sportifs d�hier et d�aujourd�hui. Toutes celles et tous ceux qui, blanchis sous le harnais, ont donn� le meilleur d�eux-m�mes pour la gloire du sport alg�rien et la culture sportive �ducative de masse. Toutes celles et tous ceux qui ont fini par se retirer sous les tentes de l�amertume, de la d�ception et du d�senchantement, d�go�t�s par un monde d�impostures et de magouilles sordides, de pr�varication et de manipulations d�l�t�res, ourdies par d�occultes cabinets de l�ombre. Comme lui, j�ai trouv� hypocrite de se lamenter sur la fuite des cerveaux et des muscles tout en pr�nant, � qui veut bien nous pr�ter une oreille complaisante, en Afrique et dans le monde arabe, les dogmes de la bonne gouvernance, pour leur tourner le dos, d�s lors que l�on est en panne de solutions ou de projet.
Le sport, �zetla� et exutoire du peuple

Puis, je me suis interrog� non pas sur la seule maladie du football son h�g�monie n�est-elle pas l�un des maux dont souffre le mouvement sportif alg�rien - mais sur celles affectant tout cet ensemble, depuis des d�cades. En revenant d�abord � une v�rit� de sens commun : le sport alg�rien ne vit pas en vase clos. Il souffre des m�mes maux que l�ensemble des institutions du pays et de la soci�t� alg�rienne dans son ensemble. Il vit dans le syst�me et se trouve manipul� par les responsables de celui-ci, comme l�ensemble des secteurs de l�activit� nationale ; peut-�tre un peu plus que les autres du fait de son fort retentissement populaire et de sa plus grande sensibilit� aux pulsions et ph�nom�nes de masse. A l��poque de Boumedi�ne, on en faisait une sorte d�exutoire des col�res, frustrations et insatisfactions populaires, � telle enseigne qu�un journaliste d�alors, pouvait demander la t�te du premier responsable du secteur et l�obtenir, sans que personne n�y trouv�t � redire. Cela aurait �t� de bonne guerre, si tel avait �t� le cas pour tous les secteurs d�faillants, mais il ne fallait pas r�ver ! Le sport �tait, alors, tout � la fois la �zetla� du peuple, notamment des jeunes, le mode de sublimation et d�exaltation de l�ego national, mais aussi le vecteur d��vasion le plus tangible et le plus commode par rapport aux dures r�alit�s v�cues. Aujourd�hui, il continue, � assumer ces fonctions l�. Toutefois, c�est en se rendant compte qu�il ne les assume plus tout aussi bien qu�au cours des glorieuses ann�es de victoires, de records, de coups d��clat et de performances for�ant le respect et flattant le prestige de toute la nation, que les gens du pouvoir crient au secours, en rameutant le ban et l�arri�re-ban, des restes d�expertise du sport mondial. Solution tout aussi commode que celle consistant � donner de la trique et du pr�toire lorsque les jeunes exc�d�s par des morts injustes, comme en Kabylie et, tout r�cemment, � Laghouat, ou par des vexations sans nombre, se mettent en ordre d��meutes � rafales, pour se faire entendre par un pouvoir autiste. Il ne faut pas oublier que les manifestations d�octobre 1988 se sont pr�par�es sur les gradins des stades avant d�exploser dans les rues. L�Alg�rie a profond�ment chang� ; elle est travaill�e par de nouvelles valeurs au centre desquelles l�argent et la politique de la rente tr�nent sans contestation.
�La main �trang�re� et le diktat de la rente
Tout ceci pour dire que nous n�avons que les dirigeants et les gouvernants que nous m�ritons ou, plus exactement, que le syst�me fabrique et nous impose, pour assurer sa survie et sa p�rennit�. Le recours � �la main �trang�re� est r�v�lateur d�abord des d�mons internes, connus et cern�s de tous, notamment la r�gle de �personne responsable� ou �tous responsables de tout et de rien�, de la promotion par incomp�tence, client�lisme et courtisanerie, ou de �personne ne rend de compte � personne �, qui continuent � miner toute vell�it� de construire un Etat de droit et de bonne gouvernance. L�appel � �la main �trang�re� r�v�le �galement l�incapacit� de l�Etat � d�finir une politique sportive, puis, sur cette base, � susciter et impulser un v�ritable projet de d�veloppement global du mouvement sportif national, int�gr� � l�ensemble de la politique de la jeunesse, et non, vivant en marge de celle ci. Elle est r�v�latrice des dysfonctionnements du mouvement sportif national malade du d�sengagement de l�Etat - Providence et d�un client�lisme ravageur. Ce dernier, b�ti sur des solidarit�s d�appareil, fait tourner la noria des dirigeants autour d�une rente devenue le centre de toutes les convoitises et de tous les int�r�ts. Il faut simplement pr�ciser que le ph�nom�ne de la rente, loin d��tre l�apanage du seul secteur sportif, est pr�sent, tant au sein du mouvement associatif de mani�re g�n�rale, que des appareils, institutions et entreprises de l�Etat, avec plus d�ampleur et de force corruptrice que partout ailleurs. Cela n�excusant point ceci.
De la d�mocratie du tiers �tat

C�est probablement en voulant casser ce syst�me que le ministre de la Jeunesse et des Sports rencontre, aujourd�hui, une opposition qui trouve dans les principes de d�mocratie, un semblant de justification. Or, comment comprendre que l�Etat, reculant sur tous les fronts en ob�issant aux diktats des Am�ricains et des Europ�ens, de l�OMC, du FMI et de la Banque Mondiale, veuille exercer ses pr�rogatives r�galiennes dans le seul domaine des sports, en imposant des r�gles de d�mocratie dirig�e ; du temps de Chadli on parlait de d�mocratie responsable ! Mais, pour une fois qu�un ministre de la R�publique veut assumer pleinement ses responsabilit�s et s�en donne les moyens r�glementaires, en ressuscitant le fameux tiers qu�avait �trenn� de fa�on si peu digne, en 1989, la d�funte Association des cadres du sport, pourquoi tant de bruit et de fureur ? Pourquoi tant de cris d�orfraie alors que toutes les urnes du pays sont all�grement manipul�es et viol�es au vu et au su de tous.
Facteurs objectifs et subjectivit�

C�est sur cette trame de fonds chahut�e, que la mission des experts �trangers va se d�rouler, sans que l�on soit assur� qu�ils parviennent � r�v�ler les tr�fonds de l�iceberg national, l� o� se joue l�essentiel du drame secouant la plan�te sportive de notre pays. Ils nous livreront tous les facteurs dits objectifs d�crivant l��tat actuel du football alg�rien, mesureront son �tat de sous-d�veloppement ou de r�gression : effectifs de pratiquants, de clubs, de dirigeants, d�entra�neurs ; ils analyseront les syst�mes d�organisation des comp�titions, les programmes de formation de cadres, les m�thodes d�entra�nement et de pr�paration, les modes de r�cup�ration � tous les niveaux, mettront en �vidence les failles de nos plans de charge, de notre infrastructure, l�insuffisance des moyens financiers et bien d�autres aspects que l�auscultation objective et le regard distanci� finissent toujours par mettre � nu. En gens avertis de la chose footballistique, ils situeront certainement les causes objectives du non d�veloppement de notre discipline. Mais les causes subjectives, celles qui ont pouss� - entre autres exemples �difiants, des mentalit�s et des attitudes pr�valant aujourd�hui sur nos stades et dans leurs coulisses - d�anciens dirigeants de l�USM El Harrach � lancer des �ninjas� � l�assaut de la demeure du pauvre Chenafi, entra�neur �m�rite s�il en fut, pour le menacer de mort. Comme hier, un d�put� FLN lan�a des dobermans � la face de Mustapha Benzaza, que Dieu repose son �me en paix, dont le seul tort �tait de d�fendre une autre vision de la politique et du monde. Parce que tout se tient ; le sport �tant dans la soci�t�, les pratiques sc�l�rates se ressemblent, puisant dans le m�me terreau et inspir� par les m�mes id�es r�gressives.
Le bien et le mal

Nos experts auront l�avantage, apr�s avoir interrog� tous les acteurs, de restituer ce qu�ils auront entendu � l�aune de leurs grilles de lecture et d�analyse, probablement pas toujours adapt�es aux r�alit�s alg�riennes. L�avantage de leur vision d�cal�e donnera � leurs conclusions la marque d�une objectivit� peu contestable. Ils �baucheront des solutions conjuguant, en formules s�rement heureuses, accroissement du nombre de pratiquants, mise en place d�un nouveau syst�me de d�tection et de perfectionnement de jeunes talents, formation et recyclage de l�encadrement � tous les niveaux, mise en place d�un syst�me d�organisation des comp�titions moins d�suet et plus �up to date�, �l�vation du niveau de performance, construction et am�nagement d�infrastructures suffisantes, et de tous les moyens n�cessaires � la r�alisation des plans de d�veloppement qu�ils auront recommand�s. Puis, � la fin de ce marathon, une fois les experts partis, se posera la question majeure : qui aura � appliquer les mesures pr�conis�es ? Les cadres nationaux ou d�autres coop�rants pour des poign�es d�euros ou de dollars ? L�actuelle f�d�ration a fait la preuve qu�avec des solutions �belges� on n�aboutit qu�� des �checs programm�s. Et puis souvenons- nous, Boudiaf ne disait-il pas, dans son infinie sagesse populaire, que le mal et le bien sont en nous. Reste � esp�rer que, de toutes ces op�rations et manipulations, il sortira plus de bien que de mal !
S.M.B

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