Panorama : CHRONIQUE DES TEMPS SORDIDES
Face � la maladie�
Par Ma�mar FARAH
farahmaamar@yahoo.fr


Tout au long de cette longue semaine ponctu�e tant�t de silences confus, tant�t de communiqu�s rassurants, le pays aura �t� suspendu aux nouvelles sur la sant� du chef de l��tat, hospitalis� � Paris. Il est tout � fait normal que l�opinion publique s�int�resse de tr�s pr�s � un �v�nement inhabituel et lourd de sens pour la vie de la nation.

Et d�celer dans la soif des m�dias de collecter des nouvelles en vue de les communiquer � leurs lecteurs une quelconque manipulation politicienne ou m�me une d�rive �thique nous semble excessif. En effet, tout le monde est d�accord pour dire que le syst�me de communication aura �t� d�ficient, voire totalement absent parfois, laissant le champ libre � la rumeur, m�re de toutes les exag�rations. Sur ces aspects li�s � la capacit� du pouvoir de dire la v�rit� et de g�rer les situations d�licates, beaucoup de mes confr�res parmi les plus qualifi�s se sont d�j� brillamment exprim�s et je n�en dirai pas plus. Ce que je voudrais �voquer ce jeudi, c�est plut�t le c�t� humain d�un tel impr�vu sanitaire et les r�actions qu�il a engendr�es. La maladie est une �preuve qui peut s�abattre sur n�importe qui. Grand ou petit, femme ou homme, riche ou pauvre. Elle fait partie de ces �v�nements qui peuvent survenir n�importe o� et � n�importe quel �ge. Face � ce drame humain, il est assez inhabituel que l�on �prouve de la joie, ou que l�on exulte dans un esprit de revanche mal � propos. Quel que soit le malade et quels qu�aient �t� nos ressentiments vis-�-vis de ses actions pass�es et nos difficult�s avec lui, nous devons d�abord et avant tout �tre solidaires face � l��preuve qu�il traverse. Nous devons lui exprimer notre sympathie, dans un geste de fraternel soutien, en lui souhaitant un prompt r�tablissement et un retour rapide � la vie normale. Tout autre attitude rel�verait d�une grave d�viation mentale qu�aucune cause ne saurait justifier. Rien ne doit nous emp�cher de nous tenir aux c�t�s de la personne qui se trouve amoindrie sur le plan physique et qui a besoin de toutes nos pri�res pour se relever de cette p�nible �preuve. Cette chose �pouvantable que l�on nomme la politique a malheureusement agr�� des d�marches contraires � cette noble �thique impos�e par toutes les religions et encourag�e par les humanistes de tout bord. En son nom, certains s�autorisent des �chapp�es sur les voies innommables de la haine et de la rancune, allant jusqu�� tirer sur une ambulance, comme on dit dans notre jargon. Il n�y a rien de plus p�nible que d��couter ou de lire des commentaires qui diminuent le malade ou le raillent au moment m�me o� il lutte contre la mort. Cela est peut-�tre de l�art, mais il doit �tre d�un niveau sup�rieur � mon entendement et j�avoue humblement que je suis d�une autre culture, d�une autre civilisation. Nous avons �t� form�s � l��cole de l�humilit�, avec des armes toutes simples pour faire face � l�adversit� : nous unir pour affronter le danger, pr�senter un front commun face � l�ennemi, nous soutenir les uns les autres pour aller de l�avant et d�passer les �preuves. Nous avons �t� �duqu�s � l�ancienne : pas de signe ext�rieur de joie lorsqu�il y a un grand malade dans la rue ou un deuil dans le quartier. Et il n�y a rien de plus p�nible � voir de nos jours que ces exc�s de d�ploiement festif � l�occasion des mariages qui se tiennent dans des immeubles o� se d�roule, simultan�ment, une c�r�monie fun�bre ! Non, nous ne sommes pas de cette culture de l'individualisme et de l�indiff�rence qui pousse comme une plante sauvage dans nos cit�s pour couvrir, de sa hideuse progression, les belles fleurs de jadis. Les adversaires politiques auront tout le temps d�aff�ter leurs armes et de pr�parer leurs coups � toujours bas � pour les joutes � venir. En ces moments p�nibles pour les familles des malades (Bouteflika et Zerhouni) et au-del� de tout autre consid�ration et notamment du fait qu�il s�agit de deux hommes d��tat en exercice, sachons taire nos diff�rences, nos ranc�urs et notre amertume, pour leur souhaiter de s�en sortir et de revenir aux leurs et au peuple alg�rien, en bonne sant�. Rien, absolument rien, ni la politique, ni le pouvoir, ni les affaires, ni les milliards, ne peuvent justifier qu�on leur souhaite le pire et tous ceux qui le font sont sortis d�finitivement de nos rangs. S�ils jubilent du malheur des autres, s�ils �prouvent la moindre satisfaction � voir les autres souffrir, c�est qu�ils sont � soigner d�une maladie bien plus grave : l�inhumanit� qui bouffe leurs entrailles. Cette chose horrible qui chasse les sentiments pour installer, au c�ur du cerveau, une machine impitoyable mue par des int�r�ts toujours sordides. Cette chose qui pousse l�homme aux limites de la bassesse et de l�animalit�. Il faut s�y opposer. L�occasion nous est donn�e aujourd�hui de tester notre humilit� et quiconque se croit investi de la mission de r�gler ses comptes � un op�r� dans un lit d�h�pital est un �tre malsain qui ne m�rite que m�pris de notre part. La haine peut pousser les gens au pire. Elle peut les bousculer vers des exc�s dont on ne tire rien de bon. On peut �tre un farouche opposant � la politique ultralib�rale du pr�sident Bouteflika, d�noncer les mesures que l�on ne juge pas ad�quates avec les int�r�ts du peuple et du pays et garder, au fond de son coeur, cette part d�humanit� qui nous diff�rencie des animaux. On peut ne pas aimer Bouteflika le pr�sident, mais cela n�autorise nullement les tonnes d'insolence qui s�abattent depuis quelques jours sur Bouteflika l�homme comme un abominable cyclone de mesquineries. L�amour n�a pas de limite. Il n�est pas s�lectif. Il ne r�agit pas comme un compos� chimique, ne se nourrit pas d�ambitions politiques et ne se calcule pas comme une recette commerciale. Quand il existe, il ressemble � une flamme qui ne s��teint jamais, �clairant de sa faible lueur le chemin du salut devant nos pas h�sitants. Alors, si jamais vous sentez qu�il s�est assoupi, r�veillez-le vite pour qu�il reprenne sa place. Vous verrez alors le monde tel qu�il est, sans le miroir d�formant de vos chim�res. Bien plus tard, nous pourrons alors revenir � nos combats politiques. M�me pas ! Simplement � nos convictions morales que le monde ne sera jamais plus beau avec l�injustice et l�arbitraire et qu�il faudra continuer la lutte contre les castes et les clans qui �rigent en Alg�rie une v�ritable autocratie en contradiction flagrante avec l�esprit de Novembre. Mais cela sera pour un autre jour. Aujourd�hui est un jour de pri�res et de v�ux pour tous les malades d�ici et de l�-bas. Face � l�adversit�, vous pouvez compter sur nous ! Et m�me si nous n�avons ni avions m�dicalis�s, ni euros pour les prises en charge � l��tranger, m�me si nos yeux sont encore gonfl�s d�avoir pleur� nos malades morts dans les h�pitaux de la mis�re, au milieu des cafards et des rats, il nous reste notre c�ur pour abriter les sentiments les plus sinc�res et nos mains fraternelles tendues pour serrer les v�tres quand cette �preuve sera termin�e.
M. F.

P. S. 1 : Lydia a 16 ans. Elle fr�quente un lyc�e d�Oran et n�oublie pas de pr�ciser qu�elle est kabyle. Elle m�a adress� l�un des messages les plus �mouvants que j�ai eu l�occasion de lire ces derniers temps. Pour me remercier. Mais de quoi donc ? Simplement de dire les choses v�cues avec �un accent de sinc�rit�. Je te promets, Lydia, que j�essayerai d��tre � la hauteur de ta confiance�
P. S. 2 :
Et comment l�oublier, lui ? Notre confr�re Mohamed Benchicou, injustement emprisonn� � El Harrach est la preuve par la souffrance derri�re les barreaux, par la maladie mal soign�e, par l�horreur de l�injustice, que l�Alg�rie des braves et des indomptables ne c�dera jamais face � l'arbitraire. Courage, Mohamed, la fin de ton calvaire est pour bient�t.

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