Panorama : LETTRE DE PROVINCE
Le pr�sident entre �avant� et �apr�s�
Par Boubakeur Hamidechi


Officiellement, il retourne aux affaires aujourd�hui. Apr�s 50 jours d�absence, il pr�sidera symboliquement un Conseil des ministres afin de signifier solennellement sa gu�rison. Sa sant� r�tablie, il retrouve les r�nes du pouvoir intactes, mais �galement les probl�mes l� o� il les a laiss�s le 26 novembre. La longue et troublante parenth�se de son hospitalisation ayant contribu� fortement � la paralysie de l�appareil d�Etat, il lui faudra in�vitablement commencer par �ponger les retards accumul�s durant cette p�riode.
En renouant donc avec sa charge, il retrouve en m�me temps un pays en stand-by, suspendu jusque-l� aux rares �chos de la rumeur et de la sp�culation mais surtout marqu� par une anormale passivit� du personnel politique. De cette situation in�dite, il pourra tirer bien plus d�enseignements que les thurif�raires du r�gime ne souhaiteraient qu�il le fasse. Qu�on lui ait fait croire, par un d�ploiement de faste d�magogique, qu�il est le �petit p�re du peuple� providentiellement indispensable � la nation rel�ve, on le sait, de la basse flatterie. Pour ensuite servir au d�douanement d�un s�rail politique cafouilleux, tout juste efficace dans l�intrigue des coteries. Justement, l��pisode de sa maladie a notamment mis en lumi�re la triste vanit� des institutions. Il a �galement r�v�l� les �qualit�s� cach�es des oligarques qu�il a install�s aux commandes, c'est-�-dire leur sens relatif de la responsabilit�. Caract�ristiques des girouettes orphelines de vents. Son habilet� politique lui ayant permis plus d�une fois de f�d�rer autour de son nom tout ce que le pays compte d�ambitieux sans vergogne et d�aventuriers de tous poils, il devra cette fois-ci faire le tri. Car il n�a pas d� lui �chapper que cet agr�gat d�alli�s ne partage sa d�marche et ses vues qu�� travers le prisme des dividendes personnels � tirer. Ainsi, le moindre coup de grisou dans le palais le rend frileux � l��gard du ma�tre. C�est cela qui explique en partie la contagieuse expectative des appareils d�Etat et, par voie de cons�quence, le sentiment diffus dans les larges couches de la soci�t� que le pays n�a plus de boussole. Apr�s 80 mois de pouvoir, il ne lui reste que 40 mois avant l��ch�ance constitutionnelle de la retraite. Autant dire, que pour lui, le temps est compt�, afin de corriger, en toute urgence, quelques travers insupportables d�un r�gime qui s�est souvent fourvoy� dans ses engagements et dont le bilan de sept ann�es est loin d��tre positif. Cela �tant dit, pourquoi ne pas �voquer la possibilit� d�une vaste remise en question par le pr�sident de certaines de ses d�marches du pass�. Le contexte particulier se pr�tant parfaitement � de respectables examens de conscience. Le hiatus de la maladie ayant cr�� deux versants distinctifs dans une m�me trajectoire politique � un �avant� et un �apr�s� �, la tentation est forte chez un homme d�Etat de reconsid�rer certaines de ses convictions ant�rieures. Dans un magist�re conduit � travers deux investitures, l��valuation classique s�est toujours attel�e � comparer les mandatures. Or, il se trouve parfois que certains impond�rables d�placent cette ligne de d�marcation et la fixent sur un �v�nement inattendu qu�elle estime plus significatif. L�intervention de la dimension humaine n�est pas n�gligeable, comme le notent les biographes patent�s des hommes politiques. C�est d�eux que nous savons que la vuln�rabilit� physique est un facteur mod�rateur dans l�exercice du pouvoir. Il en serait m�me le seul param�tre favorisant le sens de la mesure. Ce qui n�est pas de peu de cons�quences pour notre balbutiante d�mocratie si� A 71 ans en 2009, l�on pr�terait � Bouteflika l�intention de briguer un troisi�me mandat apr�s avoir expurg� la Constitution de ce fameux numerus clausus. Cette hypoth�se forte est-elle encore envisageable ? C�est sur cette question qu�achopperont les sp�culations autour de ses intentions. Selon la mani�re dont il s�attaquera au sujet nous aurons alors la possibilit� de supputer sur la suite de sa carri�re. Pour l�instant, l�on ne peut que se contenter des faibles indices que s�ment les officines partisanes de son entourage. Entre le FLN et le RND, il existe d�j� une divergence de principe sur la n�cessit� ou pas d�amender la loi fondamentale. Ce d�saccord �tait per�u, jusqu�� la veille du 26 novembre, comme l�expression de deux volont�s contradictoires. L�une d�sireuse d�ouvrir une autre perspective au pr�sident sortant et l�autre de clore une d�cennie l�gale et d�envisager une succession. Car malgr� les non-dits, l�essentiel de cette pol�mique feutr�e tourne autour de l�alternance et le maintien en l��tat de la disposition la concernant. Mais influents ou pas, les partis ne sont qu�une accessoire force de proposition sur la question. Domaine r�serv� du chef de l�Etat, la r�vision constitutionnelle est g�n�ralement consacr�e par un acte r�f�rendaire, sauf qu�ils sont utiles comme caisse de r�sonance. Pour sa part, le pr�sident n�a jamais d�menti son hostilit� � l�actuelle Constitution, mais il s�en accommoda depuis, y trouvant quelques avantages dans ses �omissions� et ses �mutismes�. D�s sa seconde investiture, il estima venu le temps de la retailler � sa mesure. Le FLN alors se chargea d�orchestrer les pr�mices par des d�monstrations s�duisantes, mais dont la finalit� est perfidement tue. Un mandat unique mais de sept ann�es, la fin du bicam�risme et le retour � une seule chambre l�gif�rant, un gouvernement responsable devant le Parlement� L�emballage �tait soign�. Il balisait une autoroute nouvelle au pr�sident, tout en ne touchant pas au formalisme du sacrosaint principe de l�alternance au pouvoir. Le RND, quant � lui, r�servait ses critiques par calcul et parfois seulement �mettait des r�serves sur cette surench�re. L�une des rares fois o� son secr�taire g�n�ral fut inspir�, ce fut le jour o� il estima que ce d�bat �tait �pr�matur�. Il ne croyait pas proph�tiser avec autant de justesse. Car la maladie du pr�sident changeait du tout au tout toutes les perspectives. Bouteflika lui-m�me pourra en tenir compte et probablement appr�hender son devenir politique de mani�re diff�rente. Si, comme le supposent de nombreux observateurs, il tient toujours au remodelage de la Constitution, il n�est pas exclu qu�il le fera dans un autre esprit que celui que lui dictait son ambition exclusive. Faute d�avoir pleinement r�ussi dans les domaines de l�intendance, il reste � Bouteflika le valorisant �rattrapage� au plan politique. Avec une bonne marge de trois ann�es, il est � m�me de laisser en h�ritage en 2009 de solides institutions. Mais c�est � partir des aspirations d�mocratiques des franges avanc�es de la soci�t� qu�il lui faudra engager sa r�flexion. Celles-l� seules sont porteuses de valeurs de progr�s et peuvent �tre les locomotives de demain. Pour ce faire, il doit douloureusement convenir que sa propre culture fond�e sur un Etat omnipotent ayant la main lourde sur les partis et censurant les institutions �lues est non seulement d�une autre �poque mais pr�pare irr�m�diablement � la r�gression et l�effondrement. Car, malgr� les id�es re�ues, les libert�s ne sont pas une menace pour l�ordre, m�me dans les pays sous-d�velopp�s �conomiquement. Il doit mieux que quiconque savoir o� se situe le d�sordre actuellement : dans les institutions de l�Etat ou dans la soci�t� ? C�est sur cette esp�rance que compte le pays. Celle d�un pr�sident revenu des contingences du pouvoir et l�ivresse de puissance et qui �uvrerait le restant de son mandat � donner un nouvel �lan � la soci�t�. Celui qui la lib�rerait de tous les carcans. Quant au reste, elle saura bien se tromper toute seule � travers ses urnes, et � son tour, le pr�sident pourra en bonne conscience poser sa candidature � la post�rit� historique. Mais seulement � celleci. Voil� pourquoi les incurables optimistes de ce pays insistent sur cet impr�visible 26 novembre qui se d�cline dans leur esprit par un �avant� et un �apr�s�. En somme, s�il faut les suivre dans ce qu�ils affirment, Bouteflika est d�j� un pr�sident apais� et vertueusement d�mocrate qui n�a d�sormais d�autres scrupules que de faire de 2009 la saison de l��lection pr�sidentielle la plus ouverte de l�histoire de ce pays. R�vons�
B. H.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable