Panorama : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Proph�te et faux proph�tes
Par Arezki Metref
arezkimetref@yahoo.fr


Caricatures. L'affaire des caricatures, jug�es blasph�matoires, publi�es le 30 septembre 2005 par le quotidien danois conservateur Jyllands Postenest � l'origine d'une crise qui �clate cinq mois plus tard. Le fait m�me qu'un si long d�lai se soit �coul� pose question. Un coup de col�re, �a sort tout de suite. �a n'attend pas une conjoncture politique favorable.
A leur publication, les caricatures en question avaient suscit� des r�actions d�sapprobatrices sans atteindre la violence probablement calcul�e qu'elles ont acquise au jour d'aujourd'hui. Le 14 octobre dernier, soit deux semaines apr�s leur parution, 5 000 musulmans manifestent � Copenhague. Leur manifestation est pacifique. Le 2 novembre, r�actions pacifiques en Egypte puis dans d'autres pays membres de la Conf�rence islamique. Puis, rien. Comment expliquer le surgissement de cette pol�mique avec la violence � laquelle on se serait, � la limite, attendu au d�but ? On verrait presque � l'�il nu la main du comploteur �uvrant � creuser davantage le foss� qui s�pare de plus en plus le monde musulman du reste de l'humanit�. L'affaire, � l'origine, est simple. Une fois qu'on a qualifi� la publication de ces caricatures de �provocation inutile�, d'amalgame, il reste tout de m�me � s'interroger sur la libert� d'expression. Une caricature n'est qu'un dessin. La question pos�e concerne donc la libert� d'expression. La col�re suscit�e par l'amalgame entre islam et terrorisme que peut entra�ner la lecture d'une des caricatures peut se comprendre. Mais un tel mouvement d'ensemble, �a interroge forc�ment. D'autant que cette crise, qui va s'amplifiant, a d�j�, et de loin, d�pass� en gravit� la pol�mique qui a suivi la publication du livre de Salman Rushdie sur Les versets sataniques avec, � la cl�, la fetwa de Khomeini le condamnant � mort et la prime pour son assassinat. Le recul de la libert� d'expression se traduit, du reste, par l'aveu de cet �diteur de ne pouvoir publier le roman de Rushdie s'il lui avait �t� propos� aujourd'hui. La r�action � retardement aux caricatures danoises est nettement plus ample et visiblement plus synchronis�e de la part d'organisations islamistes et de pouvoirs d'Etats �musulmans� qui ont la m�me conception de la libert� d'expression. Le temps �coul� et la synchronisation des gestes laisseraient croire � un complot. La th�orie du complot est �voqu�e. Ce serait une �manipulation des Fr�res musulmans� qui veulent, ce faisant, faire progresser le dossier de la loi contre le blasph�me et installer un mod�le communautariste de s�paration. Colonisation. La loi fran�aise dite du 23 f�vrier 2005 qui pr�conisait d'enseigner le r�le positif de la colonisation. Personne ne peut douter que la colonisation a accompli des tas de choses positives. Mais il faut toujours ajouter : pour elle-m�me. Tout ce qu'a fait la colonisation est positif pour elle-m�me, donc n�gatif pour les colonis�s. Mais la pire des choses n�gatives, c'est de dire aux anciens colonis�s, qui sont aujourd'hui des citoyens fran�ais pour quelques-uns, que le n�gatif est positif. Les calculs d'�picier ne sauraient �tre des trucs d'historiens s�rieux. Ce sont, justement eux qui r�cusent cette lecture ��lectoraliste� de l'histoire et la fabrication d'un r�cit colonial par les politiques. Jacques Chirac a fait retirer l'article litigieux. Officiellement donc, on n'a pas � dire que la colonisation a des aspects positifs mais, vu les d�bats qui se m�nent, c'est difficile de l'enlever de la t�te d'un certain nombre de politiques. C'est une question de vision de l'histoire. Si on ne consid�re pas que la colonisation est le viol de la souverainet� d'un peuple, les interpr�tations les plus fantaisistes peuvent alors se prendre au s�rieux. Pour le monde comme pour chaque pays qui le composent, nous sommes � l'heure de nouvelles d�finitions, de nouvelles formulations. C'est l'une des ran�ons de la mondialisation et du progr�s technique. Les lignes ont boug�. Toutes les lignes. Il y a quelques avantages et quelques inconv�nients � cela. Mais ce qui est s�r, le repli identitaire, les dogmes religieux ou id�ologiques aiguisent des antagonismes qui peuvent mener � l'autodestruction. Le choc des civilisations, souhait� par les int�gristes, est pens� aussi � l'autre extr�mit�, en Occident. Quant autant de manipulateurs sont en action en m�me temps et dans des sens antagoniques, il y a de quoi perdre son bon sens et se lancer, par exemple, dans la confusion entre un dessin malheureux, et mauvais, tr�s mauvais, et l'offense aux musulmans, entre la colonisation, un processus tr�s dur, et l'humanisme. Ici comme l�, il convient d'�tre raisonnable et d'accomplir le geste simple et sain de remettre chaque chose � sa juste proportion.
A. M.

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