Culture : EL MOUGGAR/ PROJECTION EN AVANT-PREMIERE DE �UNE GUERRE DOUCE� DE MINA KASSAR
Des tabous bien entretenus


Jeudi dernier a eu lieu � la salle El-Mouggar d�Alger la projection en avant premi�re du premier moyen m�trage de Mina Kassar, intitul� Une guerre douce. Ce t�l�film, seconde r�alisation de Mina Kassar apr�s La douleur du silence, court m�trage sorti en 2003 traitant de l�inceste, marque sans aucun doute la participation la plus audacieuse et r�ussie de l�ENTV en tant que production depuis bien des ann�es.
Audacieuse, parce que les sujets trait�s dans ce film sont quasiment in�dits sur notre petit �cran et surtout aussi bien film�s. Parler � la fois de la souffrance des m�res filles, de l�analphab�tisme forc� des femmes dans les villages du pays et de l�exploitation des enfants, est un pari qu�aucun r�alisateur alg�rien n�a relev�. La jeune S. Soltani a �t� choisie dans ce film pour incarner le r�le principal, celui de Amira. Amira est encore une enfant, elle vit dans un village dans le sud alg�rien avec sa grand-m�re. Sans pass�, sans parents et, surtout, sans instruction, puisque l��cole lui a �t� refus�e pour des raisons cach�es. Elle erre dans le village et vend des poup�es, une mani�re pour elle de vivre d�une autre fa�on son plus grand r�ve, devenir mannequin. Mais sa grand-m�re est malade et personne dans le village ne se propose de garder la petite, on l��vite comme si elle �tait une mal�diction. C�est dans cet impasse que la grand-m�re se retrouve contrainte de se d�tacher de sa petite Amira en laissant entre les mains d�un couple alg�rois qui promet de la choyer et m�me de l�aider � r�aliser son r�ve. Mais la r�alit� va vite taper sur la t�te de la petite Amira, elle n�est pas une fille adoptive mais une domestique exploitable � volont�. Cela rappelle que certaines pratiques moyen�geuses sont encore en vigueur � notre �poque et pr�s de chez nous, dans les quartiers hupp�s de la capitale. Le film est un va-etvient entre deux villes, Oued Souf et Alger. Entre le Nord, purgatoire des r�ves, et l�int�rieur du pays, infanticide des droits de la femme. Mina Kassar d�peint une r�alit� cruelle, le quotidien difficile de la femme alg�rienne, jeune ou moins jeune. Les spectateurs �taient touch�s, secou�s � chaque fois que la r�alisatrice d�fon�ait une porte longtemps rest�e entrouverte ; ils �taient, � travers un balancement de t�te qui constate et d�plore, en accord avec le regard que porte la r�alisatrice sur la soci�t�, un regard qui ne se veut ni juge ni r�dempteur, juste un reflet de la r�alit�, � travers une fiction charg�e d��motion, d�affectivit� et d�espoir. Mina Kassar est ce genre de femme engag�e et courageuse qui a choisi de se battre pour la condition de la femme avec une cam�ra. Elle prom�ne son regard r�aliste et implicitement critique dans les entrailles des tabous de la soci�t� pour effriter un peu plus cette camisole oppressive qui emp�che la femme alg�rienne, encore aujourd�hui, de s�instruire et de se d�fendre contre les agressions violentes et d�gradantes de la famille, puis de la soci�t�. Le petit �cran avait besoin et a plus que jamais besoin que ces alg�riennes, sc�naristes, r�alisatrices, documentaristes, intellectuelles� l�investissent et montrent ce que la soci�t�, loin de tous pr�ceptes et morales, fait encore subir � ses femmes, derri�re des murs et des portes cadenass�es, gard�es par des tabous bien entretenus, mais heureusement aveugles face la guerre douce qui se m�ne inlassablement depuis des d�cennies.
Yacine Hir�che

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